Chapitre 9

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– C'est là ? lança une voix écorchée.

Son cœur lui sembla se tordre en sa poitrine, mais Laaov demeura silencieux. Si ses bourreaux venaient – enfin – lui porter le coup de grâce, il ne leur ferait l'insigne honneur de trembler devant eux. À l'aube de sa dernière heure, garder la tête haute était à peu près tout ce qu'il lui restait.

– Avance, répondit un autre gaillard.

Leurs ombres s'allongèrent sur le sol, tous deux n'étaient déjà plus qu'à quelques pas. La brève épopée de sa vie arrivait à son terme et, même s'il croyait ne plus craindre la mort, il eut tout de même un pincement dans la poitrine. Puissent les dieux lui donner la force de demeurer fier, supplia-t-il en silence.

– Avance, je t'ai dit !

Tout juste posé sur la ligne d'horizon, le soleil du matin lui offrit un dernier spectacle – comme une réponse à sa prière. Laaov ferma un instant les paupières... et inspira une pleine gorgée de lumière. Peut-être parviendrait-il à s'en aller mourir en paix.

Le bruit des bottes foulant le sol caillouteux s'interrompit et, lorsque le garçon rouvrit les yeux, il découvrit la sombre silhouette de son bourreau plantée dans le contre-jour. Une grande hache à la main, celui-ci le fixait sans un mot. Un courant glacé lui parcourant l'échine, le jeune homme se frotta doucement la gorge.

– Te voilà enfin, lança-t-il en dévisageant celui dont il ne saisissait pour l'instant que les contours. J'ai presque failli croire que tu ne viendras pas.

Une seconde silhouette, nettement moins massive, prit bientôt forme dans l'aveuglante lumière du matin. Incapable de distinguer quoi que ce soit, Laaov plissa les yeux. Si eux le voyaient parfaitement, lui ne percevait d'eux que des ombres sans visage. Au fond, qu'importe ?

Il interpella le bourreau d'un geste de la tête.

– Allez, fais ton travail.

– C'est pas pour te mettre à mort qu'on est là, répondit-il de sa voix rauque et grave.

La hache posée sur l'épaule, l'homme s'avança quelque peu. Son pas était lourd et sa stature, étonnement imposante. Large comme un ours, il avait tout d'un barbare venu des lointaines terres Khaënir. Plus encore, remarqua le garçon, il en avait distinctement l'accent. Se pourrait-il que ...

Les yeux étrécis de Laaov firent bientôt le point et, très vite, les traits carrés et anguleux de son visage mal rasé se précisèrent.

– Magan ? bafouilla-t-il, un soupçon de doute dans la voix.

Un regard ferme, un nez fin, une mâchoire taillée dans le roc autour de laquelle tombaient de longs cheveux noirs. Il avait la morphologie virile du guerrier Khaënir, bâti pour lutter avec les lions blancs du grand sud.

– J'ai plaidé ta cause auprès du maître, gronda celui-ci. Les jeux du Kâal approchent, Dirmorah aura besoin de tous ses gladiateurs... aussi a-t-il été facile à convaincre. Vas-y, ordonna-t-il de la tête.

Celui-ci l'empoigna en s'avançant vers Laaov qui, soudain bouleversé, ne parvint à trouver ses mots. Avait-il bien compris... ce que son ami venait de dire ? Non, il n'osa y croire – quand bien même un silencieux sanglot lui noua la gorge.

Le soldat martela les chaînes avec la force d'un homme au ventre plein et, en un bref jaillissement d'étincelles, les rompit. Pétrifié, le garçon regarda un instant ses poignets, libres de s'écarter l'un de l'autre. Ne rêvait-il pas ? Il ouvrit et ferma la main. Voilà si longtemps qu'il était prisonnier ici, seul et dépourvu d'espoir, qu'il n'arrivait à réaliser ce qui se déroulait sous ses yeux ébahis.

Emeryde, tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant