DECEPTION

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 - Bonjour maman.

Je l'embrasse sur la joue et je m'installe à table pour déjeuner. Je n'essaie pas de regarder mon père, de toute façon il est déjà sur son ordinateur. Parfois il oublie qu'il a une famille qui ne se limite pas à un fils. Je le déteste de toutes mes forces de m'avoir mise de côté.

- Chéri, il va falloir qu'on aille faire les courses aujourd'hui.

Cette fois mon père lève la tête de son ordinateur et il sourit à ma mère.

- Oui, j'y vais tout seul si tu préfères rester à la maison.

- Non, on va y aller tous les deux, je te connais tu vas oublier la moitié des choses sur la liste sinon.

Et moi je suis là. Entre eux deux qui puent l'amour. Mais je suis transparente. Même dans ma propre famille. J'attrape le Nutella pour me faire une tartine mais sa voix pleine de reproches m'arrête dans mon mouvement.

- Tu devrais éviter de trop manger de cette merde, t'as pris des cuisses, je suis sûr que ça vient de ça.

Je suis transparente sauf quand il s'agit de sauter sur une occasion pour me rabaisser.

- Je crois que t'as pas vu ton ventre, chéri, le taquine ma mère en essayant aussi de prendre ma défense.

- Elle a seize ans. J'en ai cinquante.

Il a raison. Et il a tellement raison que ma mère ne trouve plus rien à dire. Alors je laisse tomber le Nutella et au lieu de ça je vais chercher une banane dans le panier à fruit. Puis je m'échappe pour m'enfermer dans ma chambre.

Je le déteste.

Je dépose la banane sur mon bureau et je pars m'allonger dans mon lit en me tournant côté fenêtre. Les larmes coulent sans que je n'arrive à les retenir. Parfois pleurer fait du bien, mais quand ça arrive tous les jours, ça devient épuisant.

Je n'ai toujours pas fait mes devoirs. Et je me connais suffisamment pour savoir que je n'aurais pas la force et la concentration d'étudier. Mon esprit est partout ailleurs, sauf dans les cours.

Je le déteste.

Je me déteste.

Ma main se resserre sur ma cuisse, mes ongles s'enfoncent dans ma chair, je veux m'abîmer, je veux avoir mal. J'ai rouvert mes cicatrices toutes fraîches, je le sais quand je ressors ma main de mon pyjama et que mes ongles sont recouvert de sang.

Elles me rappellent qu'elles n'ont pas le temps de cicatriser, parce que papa les rouvre tous les jours.

Lundi, 9h05.

Aujourd'hui il pleut. J'ai eu la bonne idée de mettre des converses alors l'eau passe à travers le tissus et me trempe les pieds. Je suis partie à vive allure ce matin parce que papa a eu le malheur de tomber sur le résultat de mon contrôle de Maths. J'ai eu un sur vingt.

Je la trouve gentille de m'avoir quand même accordée un point sur une copie vierge.

J'ai pas eu le temps de me maquiller, j'ai attaché mes cheveux en chignon fou et deux mèches blondes me retombent sur les yeux. J'ai enfilé un sweat gris large avec un jeans de la même couleur.

Je dois avoir des cernes de l'autre monde vu la nuit affreuse que j'ai passé. J'ai honte de venir comme ça. J'espère qu'on ne me regardera pas. J'espère qu'on ne me fera pas de remarque.

Je suis au bord du gouffre et je sais que les mots suffiront à m'abattre.

À cause de ma dispute avec mon père j'ai loupé le premier cours. C'était de l'art. Un de mes cours préférés.

Heart ScarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant