Âme damnée [ FANFICTION ALASTORxOC ]

- Trame septième -

Ce n'est qu'à ce moment là que le « bip-bip » persistant du moniteur de fréquence parvint à se faufiler jusqu'à mes tympans. Un son exagérément suraigu, qui m'aurait fait grimacer si mes lèvres n'étaient pas comme...collées. Bouche trop pâteuse, agglomérée par un magma de bave et de peau morte, j'étais incapable de produire le moindre son. Mes paupières semblaient faites de plomb. Mais à peine entrouvertes que l'éclairage blafard m'attaqua les prunelles, me forçant aussitôt à les refermer. Par réflexe sans doute, mes phalanges s'accrochèrent. S'agrippant faiblement au tissu des draps. Un mouvement quasi imperceptible.

Mais qui suffit pourtant à attirer l'attention.

" Oh vous êtes réveillée ! "

Crissement de semelles sur le carrelage. Mouvement précipitées, vérifications hebdomadaires reportées, nourriture sous pochons de plastique posée à même le sol...l'infirmière semblait soudain s'animer d'un regain d'énergie.

" Sylvie !! Va me chercher le docteur ! "

Ohw...moins fort.

C'est ce que j'aurais aimé dire. De vive voix. Mais la mienne était tout sauf vive, et je parvins tout juste à décoller mes lèvres qui semblaient jusque là avoir fusionnées. Un râle s'échappa de ma gorge :

" Où je-... "

Les mots finirent par s'évanouir au bord de mes lèvres. Mais la question demeurait intacte dans ma tête, s'obstinant à y résonner. Les souvenirs de mes songes paraissaient très nets tandis que ceux de la précédente soirée...m'apparaissaient exagérément flous. J'essayais de me creuser la tête, et seuls des flashs me revinrent en mémoire. Le flash de robes satinées, de gorgées de vins, d'un sourire teinté d'une malice que je refusais de percevoir...

Là, la seule chose qui m'assaillit était le souvenir de sa Voix, de son Sourire si lumineux dans la pénombre, du contact de ses doigts gantés qui ne firent qu'effleurer les miens. Un contact si bref avant la chute.

" Tenez ne bougez pas...le docteur Mathieu va s'occuper de vous. "

Comme si je pouvais aller bien loin...

En entendant la porte s'entrebâiller pour aussitôt claquer, je tachais de me redresser. Mais ce projet apparemment trop ambitieux se solda d'un échec. Les connections entre mes muscles se faisaient encore mal. Il faut croire. Essayant tant bien que mal de relever au moins un peu la tête, je croisais le regard d'un vieil homme un poil potelé. Ses prunelles perçantes étaient d'un bleu azur affadi par la vieillesse. Un vertige me prit soudain, faisant tournoyer ma vision pour mieux me contraindre à renverser la tête en arrière. Le contact d'un oreiller trop creux épousa parfaitement la forme de mon crâne.

Derrière les poches qui gonflaient ses yeux, le docteur semblable à un rapace semblait scanner les lieux avant de se diriger d'un pas vif vers mon lit.

« Ne bougez pas. Vous n'êtes pas encore en état. »

Il tira une chaise pour la rapprocher du bord du matelas, et s'y affala, laissant la pile de dossiers qu'il tenait à l'infirmière la plus proche.

" Où je... "

" Vous...êtes à l'hôpital... "

Dit-il d'une voix comme ralentie par la fatigue et le manque de souffle. Impassible, il me laissa le temps de digérer cette information, farfouillant dans la poche de sa blouse pour extirper une petite paire de lunette ronde. Enfilant la monture, je reportais mon attention sur le plafond. Pupilles un tant soit peu habitué à l'éclairage qui régnait, je conservais tout de même les paupières mi-closes.

" Je suis...fatiguée. "

Mon cerveau était comme empâté, j'arrivais à peine à réfléchir. Tout mon corps était lourd, si lourd qu'il ne semblait quémander qu'une chose : s'enfoncer le plus profondément possible dans le lit. Le docteur, rencogné dans sa chaise et me considérant un moment à travers le verre de ses lunettes, finit par prendre une maigre bouffée d'air. Les glaires qui obstruaient sa gorge ne semblaient pas l'y aider.