Prélude. Le faiseur de miracles

14 1 6
                                    

       Ce premier jour de novembre était particulièrement froid et venteux sur le port de Kirkwall. Bien que son smartphone indiquait une température de -4°C, le sergent Donovan Pyke n'osait pas imaginer le niveau atteint par les températures ressenties. C'était là tout le problème de Kirkwall …

       Cela faisait dix ans qu'il s'était retrouvé muté comme garde-côte dans ce trou perdu. Lui qui rêvait du sud, de Douvres, et des arrivées massives de petites françaises par de chaudes journées d'été, voilà qu'il avait été envoyé au beau milieu de rien : à Kirkwall, sur l'archipel des Orcades, tout au Nord de l’Ecosse. Dix mille habitants répartis sur une centaine d'îles, et voilà que lui, le pur produit du Kent se retrouvait à surveiller des îles où il était de bon ton de parler de canicule lorsque la température atteignait les 15°C. Et cela ne se produisait que deux fois dans l'année. Le reste du temps, c'était pluie, vent, grêle, brouillard et parfois les quatre d'un coup. Et avec pour camarade, la neige de mi-novembre à fin février.

         Cette année, au vu des températures exceptionnellement basses pour un début novembre, peut être auraient ils le luxe de voir la neige se figer et geler dans le paysage avec quinze jours d'avance.

         Le sergent Pyke ne supportait plus rien. Pas même son équipe de bras cassés, comme il se plaisait à les appeler. Une dizaine d'hommes du rang ne pensant qu'à dormir et manger du haggis, horrible spécialité écossaise à base de panse de veau. Il classait d'ailleurs sept des dix gardes dans la catégorie “alcoolique”, tant ils faisaient une consommation excessive de bière brune d’Inverness. Pyke était en train de fumer sa cigarette sur un ponton gelé du port, sa vedette était complètement recouverte par le gel. Et ce n'est pas le soleil qui viendrait lui rendre son aspect d’origine. Il ne poindrait que vers onze heures, du moins, s'il parvenait à percer les nuages gris du ciel écossais. Et il s'en irait peu avant quinze heures. 

        Dans ses lettres à ses parents et amis, le sergent Pyke insistait beaucoup sur l'effet du manque de soleil sur la fatigue et la santé mentale. Il fallait y avoir été confronté pour comprendre à quel point voir au moins huit heures de soleil par jour était vital. D'ailleurs, Pyke avait récemment appris en escortant un médecin sur l'île d’Hollandstoun que les Orcades était l'endroit en Ecosse où il se consommait le plus d’anti-dépresseurs. Lui n'en prenait pas encore, il se cantonnait aux cigarettes pour calmer ses moments d'ennui intense.

        Il faut dire que le travail des garde-côtes dans les Orcades n'était pas des plus intenses. Outre le remorquage de quelques navires de pêche, et l'escorte de personnel de service public d'île en île, le sergent Pyke et son équipe ne croulaient pas sous le travail. D'ailleurs, ses équipiers qui tenaient la garde avec lui, par ce début de matinée, ne lui tiendraient pas rigueur s'il restait fumer une deuxième cigarette consécutive, action qu'il exécuta aussitôt qu'il en eut l'idée.

        Machinalement, il fit les cent pas le long du ponton où étaient amarrées les vedettes. Peut-etre irait-il prendre un café au bar attenant à la bicoque délabrée qui leur servait de capitainerie. Ses collègues avaient déjà dû y passer pour se siffler quelques pintes de bon matin. Après tout, la journée ne promettait pas d'être très chargée. Les remoux rendaient la pêche impossible, aucun bâteau n'était parti en pêche. La journée se résumerait à accueillir le nouveau pasteur de la paroisse de Logtell pour l'emmener vers son nouveau poste.

       -Il faut vraiment aimer le Seigneur pour accepter de finir sur Logtell, songea le garde-côte en ricanant tout seul.

James Sirius Potter : L'Aîné- Saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant