39. Oui, je le veux

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Nous restons blottis l'un contre l'autre et silencieux un long moment.
— Merci d'être là. Merci de me comprendre, de ta patience aussi. Merci de me soutenir dans cette épreuve. Merci de ne pas avoir renoncé. Et, surtout, pardon. Je t'aime à l'infini, lui déclaré-je.

— Je promets de te chérir chaque jour. Par pitié, ne me rejette plus...
Les images de l'explosion récente de notre couple refait subitement surface. Ce souvenir douloureux est à la mesure de ma culpabilité. J'examine le ciel à travers la fenêtre, cherchant une réponse dans cet espace réflexif inspirant les âmes perdues comme la mienne. Il me paraît y lire un message dans un mirage brumeux. Les lettres se dessinent en nuages et forment une citation venue d'ailleurs.
Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours.
Je cligne des yeux plusieurs fois mais les fines particules de l'alphabet illusoire se fondent à l'horizon. La phrase de Ghandi s'imprime néanmoins dans ma mémoire.
— Je te le promets, susurré-je.
Il me caresse les cheveux, son regard me pénètre, les mots sont parfois inutiles. Ses lèvres douces et réconfortantes pressent les miennes, et encore une fois nous ne formons qu'un dans un corps à corps charnel et doux, la passion retrouvée, l'incertitude échappée.

— Qu'allons-nous faire ? lui demandé-je quelques heures plus tard, toujours enlacés.
— Que veux-tu dire ?
— Et bien, à l'avenir. Quels sont tes plans ? Que doit-on annoncer à notre fils ?
— Pour tout t'avouer... J'avais tant espéré que nos retrouvailles se passent ainsi. Et...
Alexandre a l'air tout à coup inquiet. Son regard s'assombrit comme s'il avait des remords. Je fronce les sourcils, et l'invite à poursuivre dans un mouvement du menton.
— J'ai quitté mon travail...
Alexandre plisse les yeux, appréhendant ma réponse, prêt à recevoir une contre-attaque sans filtre, un scud frontal et direct dont je détiens le secret.
Je suis abasourdie, les mots me manquent, mes pensées se bousculent, tantôt positives, tantôt négatives. Je me ravise, pour une fois, échaudée par l'expérience récente de nos duels douloureux.
— J'imagine que tu as mûrement réfléchi avant de prendre cette décision, lancé-je calmement.
Le regard d'Alexandre s'ouvre, ses craintes se dissipent.
— Oui. Et je suis content que tu le remarques. Ma place est ici, auprès de toi et de notre enfant... enfin... si tu le veux bien.
Des larmes ruissellent sur la peau de mon visage. Mon cœur vide de solitude quelques heures auparavant regorge tout à coup de plénitude. Je décide de m'en remettre au destin.
— Oui, je le veux, monsieur Martin, dis-je en souriant.
Le cérémonial de ma voix nous conduit à un fou rire immédiat. Une envolée euphorisante du stress longuement accumulé.
— Monsieur et Madame Martin, fit-il en imitant la voix du curé, je renouvelle vos vœux et vous déclare mari et femme, vous pouvez embrasser la mariée.
Il pose tendrement ses lèvres sur les miennes avant de reprendre son sérieux.
— Plus jamais je ne te laisserai, sois-en assurée, me chuchote-t-il.
— Tu restes ici dès maintenant ?
— Oui, mon patron est prévenu, j'ai été gentiment licencié.
La veille, Nicolas lui avait refusé la rupture conventionnelle et proposé le licenciement, touché par notre histoire. Il lui assurait ainsi de vivre grâce aux allocations chômage en attendant de retrouver un emploi. Alexandre n'en revenait pas.
Tout s'imbrique parfaitement au moment où je m'apprêtais à lâcher. La destinée vient de reprendre les rênes de ma vie fermement en articulant les choses avec précision tel un marionnettiste expérimenté et méticuleux. Je m'en remets à elle, confiante.
— Nous allons annoncer cette bonne nouvelle à Tiago, il va être fou de joie, lui dis-je.
— Oh oui. Il me manque terriblement, j'ai hâte de le serrer dans mes bras.
Mon cœur se brise. Je m'attarde à observer Alexandre et ses traits tirés sont à la mesure de la souffrance que je lui ai infligée.
— Je te présente mes excuses. Sincèrement. Cette coupure m'a permis de comprendre que j'ai besoin de toi et que je t'aime plus que tout. Rien de tout cela n'était calculé... J'ai suivi mon instinct...
De la buée recouvre les fenêtres du camping-car. Nous sommes dans une bulle, coupés du reste du monde. Une scène du film Titanic refait surface. Celle où Rose et Jack font l'amour à l'arrière d'un véhicule, avec la main de rose glissant sur la vitre embuée.
— Tu as certainement été chamboulée par l'annonce de ton cancer... Je l'ai assimilé.
La réalité de ma condition physique nous rattrape brusquement. Cette fois, cependant, elle n'est plus aussi douloureuse. Comme si mes blessures étaient pansées. L'amour à des vertus que la raison ignore, dit-on, un anti-stress puissant.
Je le dévisage, mes yeux parcourent son corps musclé. Une envie ardente de l'embrasser me saisit.
— J'ai beaucoup de chance de t'avoir. Tu as été si patient et bienveillant.
Je me penche vers lui. Alexandre accueille mon baiser mais c'est comme s'il était gêné. Il regarde ses mains, le dos voûté, préoccupé. Qu'ai-je dit ou fait qui l'aurait blessé ?
— Je suis loin d'être parfait, lâche-t-il enfin.
— L'homme parfait est une comédie, il sort en salle au cinéma !
Je plaisante en référence au film de Xavier Durringer dans lequel un robot à l'apparence humaine endosse le rôle d'un homme répondant à toutes les attentes d'une femme.
Alexandre me sourit.
— Je t'aime à la folie, me répond-il simplement.

Les falaises ocreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant