Troublemaker

1.9K 92 31
                                    

La créature minuscule, dotée d'une peau verte légèrement rocailleuse, sourit doucement.

Ce soir, à son tour d'aller en bas. Depuis le temps qu'elle avait désiré ce moment, on pouvait dire que la récompense la rendait euphorique. Ses expectations auraient pourtant pu être vaines. Visiter le bas, ou ce que ses habitants appelaient la terre, était un privilège pour les êtres de son rang, relativement peu élevé au sein de la société. Pour prouver à ses supérieurs qu'ils avaient tiré la bonne épingle, la chose comptait honorer sa patrie dans sa tâche. Pas des moindres, elle était cependant simplissime, voire agréablement enfantine. Emmêler les fils électriques, voler des chaussettes. Eh oui, les membres de son espèce étaient les coupables de ces désagréments.

Aux humains râleurs, il aurait été long d'expliquer par quels tenants et aboutissants cela maintenait l'équilibre de l'univers, parce que ça n'en avait absolument pas l'air. Seuls les décibels de la funèbre mélodie dont ils étaient inconscients planaient au-dessus de leurs têtes. Les chiens l'entendaient parfois, ce qui expliquait leurs aboiements perpétuels causant tant d'incompréhension et de colère chez leurs propriétaires. Et la crainte qui motivait les loups à implorer le secours de la lune. L'Homme était bien protégé en comparaison.

Par eux, et dire qu'ils resteraient dans l'ombre jusqu'à la fin qu'ils s'efforçaient de retarder.

Qu'étaient-ils, exactement ?Certainement pas des esprits, ni des dieux, bien que si la créature se faisait pincer en plein travail, elle aurait prétendu être une divinité, histoire d'inscrire son nom dans l'esprit des hommes. Y avait pas de mal à mousser son égo, après tout. Des monstres, alors ? Que nenni ! Des aliens ? Que dalle ! Encore plus incroyable... Ils étaient des lutins.

Évitons les associations d'idées malheureuses, ils ne travaillaient aucunement pour un certain Père Noël, ne s'habillaient pas de salopettes et n'avaient pas d'oreilles en pointes. De la taille d'une chaussure d'enfant, ils marchaient sur deux jambes fines, avaient un corps rond, deux bras tout aussi fins, et un unique œil qui leur permettait une vision d'ensemble du panorama. Œuvrer pour la survie des petites et des grandes choses dans le Tout universel, c'est pour cette unique raison qu'ils subsistaient. Ça ne voulait pas dire qu'ils n'avaient pas le droit à un peu de fun de temps en temps.

Du fun, le lutin allait en avoir, et pas qu'un peu s'il se démerdait bien.

Jeune mâle dans la fleur de l'âge et d'un naturel expansif, Vingt-Et-Un, de son doux nom, avait toutes les raisons d'exploser de joie. Ce n'était pas tant le fait de contribuer à la survie de toute chose qui l'enchantait à ce point. Fallait l'avouer, une bonne action, surtout d'une telle envergure, ça pesait sacrément bon pour le karma, mais enfin. L'humain qu'on lui avait assigné à perturber –aider de bonne grâce, était source des commérages et des paris les plus extravagants dans toutes les divisions. Une raison, ses cheveux. Du bleu le plus cyan, le plus clair, le plus pur jamais constaté sur un crâne terrien. L'imagination brûlante, il n'arrêtait pas d'y penser. La couleur devait être sensationnelle, obligé, pour susciter un tel engouement.

La rumeur descendait directement des élus, ces prétentieux de la Haute formés spécialement pour la sainte tâche depuis le début de leur existence. Elle avait parcouru les rangs telle une cascade rapide qui ne s'arrêtait plus, coulant en une frénésie abondante. Le lutin s'amusait du fait que, malgré la vie très classée de ses semblables, ils fussent tous reliés par cette espèce d'attente quant aux nouvelles prouesses du petit malin à son chevet. Ce petit malin, putain de merde ! C'était lui. Quand les copains sauraient ce qu'il avait vu, vu de son œil vu et fait, fait de ses mains fait...Il ne pouvait lutter contre l'orgueil de l'autosatisfaction, le plus dur des rocs, qui broyait les méandres de sa modestie.

Troublemaker || Kuroko no BasketOù les histoires vivent. Découvrez maintenant