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Alban

Elle courait. Elle courait gracieusement, ses cheveux flottant dans l'air, ses pieds nus effleurant l'herbe la caressant tendrement. Elle paraissait heureuse, mais si seule, s'évadant dans cette vaste étendue. Sa robe blanche immaculée dansait dans le vent, ses yeux noirs scrutaient l'horizon qui s'étendait à perte de vue. Personne n'était avec elle. Elle ressemblait à une poupée ancienne, mais quelque chose en elle était différent. Ses yeux, d'un noir profond, brillaient un peu trop. Sa peau, bien que lisse et sans défauts, avait une souplesse naturelle. Lorsqu'elle se mouvait, ses mouvements, gracieux et fluides, trahissaient une aisance et une spontanéité impossibles à reproduire chez une créature inanimée. De plus, son sourire, bien que parfait, n'était jamais figé.

"Faith, j'ai foi en toi." résonna une voix.

Puis, elle tomba. Son sourire disparut. L'atmosphère changea brusquement et la jeune fille s'évapora, laissant place à... Faith. Faith, Faith, Faith. La vraie Faith.

Je sursaute en ouvrant les yeux et me redresse sur le canapé. Mon cœur bat à tout rompre, et en passant la main dans mes cheveux, je constate qu'ils sont trempés de sueur. Je déglutis et tente de calmer ma respiration.

Cela fait plus d'une semaine que je rêve de cette même jeune fille. De ses cheveux noirs et de ses lèvres finement dessinées. Elle semble avoir cinq, six, peut-être sept ans, pas plus.

Je ne sais pas ce qu'il m'arrive.

Ou plutôt, peut-être que je le sais très bien.

Mais je refuse de croire que Faith est celle qui hante mes nuits.

Pourtant, nier cette évidence serait d'une stupidité sans nom, car je ne pourrais jamais la confondre. Faith à cinq ans et Faith aujourd'hui, ce sont les mêmes yeux noirs, les mêmes lèvres, les mêmes gestes et les mêmes cheveux.

Et puis, de qui d'autre pourrais-je rêver que de la seule personne qui compte encore pour moi ces derniers temps ?

Machinalement, je me lève et me dirige vers ma chambre. La porte est entrouverte, et mon réveil indique cinq heures. D'ici une heure, Faith sera réveillée. Malgré tout, je pousse la porte un peu plus afin d'entrer sans faire de bruit, pour ne pas troubler son sommeil. Je m'assieds sur la chaise de mon bureau et la tourne pour faire face au lit, pour lui faire face.

Elle trouverait sans doute cela étrange. Elle me prendrait probablement pour un psychopathe si elle venait à découvrir que je l'observe en ce moment même.

Mais après un tel rêve, c'est la première chose qui m'est venue à l'esprit.

Sa respiration est douce et régulière. Chacun de ses traits, finement sculptés, la rend encore plus angélique qu'elle ne l'est déjà.

Tout en elle dégage une sérénité apaisante. Je sais que je ne devrais pas la déranger, mais je ne peux m'empêcher de la regarder. La voir ainsi, endormie et vulnérable, m'apaise.

Je la contemple aussi en espérant, peut-être en vain, que cette paix qu'elle semble éprouver se prolongera lorsqu'elle se réveillera.

Chaque fois qu'elle bouge, que ses paupières frémissent, je me demande inévitablement à quoi elle rêve.

Peut-être rêve-t-elle des baisers que je lui ai offerts dans mes propres songes, de ces instants où elle devient le cœur d'un monde mystérieux que je ne comprends pas entièrement, mais que je désire ardemment.

Ou peut-être suis-je le seul à la chercher dans mes songes, à la croiser dans mes rêves. Peut-être qu'elle, contrairement à moi, ne fait pas de notre étrange relation une obsession.

Forgotten MemoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant