J'accélère le pas, je dois me rendre à l'hôpital le plus rapidement possible. Je ne sais pas comment se porte Eliott, tout ce qu'on m'a dit c'est que la voiture l'a fait voler sur trois mètres. Je sens l'angoisse me nouer le creux du ventre ; mon estomac se tord alors que je mets difficilement un pied devant l'autre.
J'ai bien failli faire un malaise et laisser mon gobelet cartonné rempli de café s'échouer sur le sol de l'Aristote, ils font le meilleur latte noisette de la ville.
Malgré le fait que je vienne souvent, je suis si chamboulée que je dois m'y prendre par deux fois pour sortir et pousser le battant au lieu de le tirer. Je passe finalement la porte vitrée, saluée par la clochette qui habituellement me fait sourire, mais pas aujourd'hui.
Je suis accueillie par une bourrasque qui vient fouetter mon visage alors qu'autour de moi, les feuilles orangées tombent des arbres. L'une d'elles glisse lentement au rythme de la vie, le temps s'arrête l'espace d'un instant, je l'observe quitter sa ramure pour se laisser emporter au loin, virevoltant autour de moi. C'est bête, mais ça, ça suffit à me faire sourire malgré la situation. Mon esprit se repose quelques secondes devant ce spectacle, de temps en temps, j'aimerais être une feuille glissant au rythme du vent.
Parfois, il ne faut pas grand-chose pour me réchauffer le cœur, même quand je suis au plus bas. À l'enterrement de mémé, c'est l'odeur de tajine qui régnait dans l'église qui a réussi à m'arracher un sourire alors que les larmes ne s'arrêtaient pas de couler. Quand j'ai enterré mon petit lapin à l'âge de seize ans, c'est le premier macchiato de ma vie qui a réchauffé mon cœur brisé en miette.
Sauf que là, il n'y a pas que mon cœur qui est réchauffé.
Je sens un violent coup contre mon épaule, suivi d'une chaleur qui se répand le long de ma poitrine. En baissant le regard, je remarque que mon café latté, c'est imprégné dans ma robe pull blanche, anciennement blanche. J'aurais dû mettre une veste. Des picotements me traversent la peau tandis que j'admire la tache marron qui se propage un peu plus. C'est joli une tache qui se déploie, et la couleur est incroyable. Je suis comme hypnotisée, déconnectée de la réalité, toujours sous le choc de l'appel reçu par l'hôpital. Mais tien, est-ce que je vais avoir des petites cloques ?
— Merde, je suis désolé.
Mes pupilles noisette quittent le désastre pour se poser sur un jeune homme face à moi. Ses cheveux blonds sont en désordre, mélangés par les bourrasques d'automne. Une feuille morte est coincée entre deux mèches sur le haut de son crâne, mais je ne lui dis pas, j'ai trouvé autre chose à observer. Sa main passant devant mes yeux me ramène à son visage. Je peux lire dans son regard, un mélange de regret et d'amusement. Ça l'amuse ? Ce drôle de mélange me cloue sur place. Je suis encore tellement choquée du coup de téléphone que j'ai reçu plus tôt, que mes réactions sont complètement aléatoires, ou plutôt comme paralysées.
— Ça va ?
Je suis sortie de mes pensées par cette voix chaude, un chocolat chaud en hiver, et semblant inquiète. De retour à l'instant présent, j'admire à nouveau réellement la tache. C'est brulant, mais toujours joli, enfin oui et non, ça reste une tache de café sur ma robe blanche neuve que je mets pour la première fois. Je crois que l'étiquette est encore accrochée, je pourrais l'échanger ?
Du bout des doigts, je décolle le tissu humide qui colle à ma peau devenue poisseuse et surement rouge. Je dois ressembler au jour où je suis allée à la plage en plein été sans crème solaire, pire erreur de ma vie. Je n'ai rien pour me changer et je n'ai pas de temps à perdre donc hors de question de rentrer chez moi.
Ma seule réponse pour l'inconnu est un profond soupir. Je ne sais pas ce que je ressens au fond de moi, je suis exaspérée, je crois. Peut-être un peu en colère, c'est possible vu la situation. Je ne crois pas ressentir de tristesse, j'en ai trop eu tout à l'heure, mon corps ne peut pas en produire, ne serait-ce qu'une goutte de plus. J'ai mal, je veux dire physiquement, mais c'est tout à fait supportable. Je ne comprends donc pas pourquoi, des larmes se forment au coin de mes yeux.
VOUS LISEZ
CAFÉ LATTE
RomanceÀ la suite d'un accident de voiture, le fiancé de Nora l'oublie complètement. Qu'elle n'est pas sa surprise de le croiser le lendemain dans un café au bras de son ex-copine. Le cœur brisé et par souci d'ego, la jeune femme fait passer le barista po...