Couché sur son flanc gauche, du côté du lit face à la porte, ses pupilles disséquaient le noir en quête d'un élément du décor de sa chambre, pourtant si familière, qui aurait changé. Une ombre mouvante, un objet susceptible d'être doué de vie. Tout l'inquiétait. Surtout, cette impression stupide que la prochaine fois qu'il oserait regarder la nuit, celle-ci se vengerait en lui projetant un spectre au-devant du visage, une âme sordide fumante au-dessus de sa tête, que le cadavre regretterait sous le lit. La solution la plus simple était de ne pas défier l'obscurité. Oui, mais encore, son cerveau refusait de l'abandonner aux bras de Morphée. Ils lui foutaient même une sacrée trouille, à vrai dire. Dès qu'il fermait les yeux, un sentiment d'oppression, forte paralysie des membres, se diffusait en lui.
Il essayait sans relâche ni succès. La pression ne baissait pas, ses autres sens, tout aussi perfides, prenant le relai.
Son oreille devenait hypersensible aux mouvements de l'air, lui inventant une bouche sur le point de lui chuchoter une malédiction, ou un doigt prêt à frôler sa peau en une caresse morbide. Le membre, il se le représentait tantôt squelettique, tantôt d'une couleur tirant sur le vert, tant la peau serait rigide et défraichie ; muni d'un ongle acéré comme une griffe de chat. Il laisserait sans doute une trace sur le lobe. Le couperait-il ? Bien sûr. Avec vivacité, sur un bruissement d'air semblable à un frottement de tissu. Rapide, l'ongle avalerait les maigres cellules de son épiderme. Apparaîtrait le sang, d'un éclatant rouge vif. Il coulerait de sa course lente dans le minuscule dédale que formait la chair jusqu'à l'entrée du tympan.
Il fallait être cinglé pour imaginer ça. Probablement que la panique l'y rendait un peu, voire beaucoup.
Ainsi, ses yeux hésitaient, clignotant comme un feu de circulation, quoiqu'à intervalle beaucoup plus réguliers. Changeant de position, Kagami soupira, silencieusement.
Vraiment, il n'y avait pas d'autres mots, c'était chiant d'être aussi froussard.
Il aurait dû se sentir en sécurité, il n'était pas seul dans son lit ce soir, Kuroko passait la nuit chez lui. Attention, ce n'était pas comme s'il avait besoin d'une présence pour se rassurer habituellement, il n'était plus un bébé, merci bien, et vivant seul, il aurait été bien embêté. Son état d'angoisse résultait de la façon dont ils avaient occupé leur soirée, ayant eu l'idée brillantissime de visionner un film d'épouvante, ceux regorgeant de fantômes à deux balles. Son petit-ami et coéquipier en raffolait, lui avait beau n'être pas du tout fana, pour des raisons évidentes, il avait cédé pour lui faire plaisir. Il se le jurait à présent, la prochaine fois se ferait sans lui.
À chaque fois qu'il voyait une de ces saloperies, ou que quelqu'un jouait les conteurs d'outre-tombe, il se retrouvait à stresser comme une pucelle effarouchée dès que baissaient les lueurs du jour.
Oh, tout ne s'était pas si mal déroulé, dans cette soirée. Ses joues se mirent à frire ; ils s'étaient offerts un bon moment en allant se coucher. Son regard survola les contours imaginaires du corps à côté du sien que les draps dessinaient forcément, à défaut qu'il puisse bien le voir. À force de percer la nuit, il crut les distinguer au milieu de quelques nuances sombres. La contemplation l'apaisa brièvement. Ça ne faisait que peu de temps qu'ils avaient dépassé ce stade de l'intimité, les 'après' lui faisaient toujours un effet étrange car il ne pouvait pas s'empêcher de penser que c'était bizarre que sa relation avec Kuroko ait pris un tel revers. Le tout en se trouvant stupide d'avoir de telles pensées, puisque leur couple ne datait pas d'hier. Ce n'était que l'étape supplémentaire, inhérente à une relation sérieuse.
Et peut-être un peu aux hormones...Aussi.
Quelque chose de doux s'éveilla en lui, puis courut aussitôt se tapir dans son coin. À son esprit traître se rappelait l'omniprésence des ténèbres dans la chambre. Il palpait les souvenirs tout frais du plaisir et de la chaleur de Kuroko, pour s'y raccrocher et peut-être y sombrer rêveusement. Ça lui était refusé. Le sommeil n'était clairement pas son ami du soir, et il craignait bien qu'il ne le devienne pas avant un futur lointain, dès qu'un peu de lumière viendrait poindre par-delà les maigres interstices du store. Oui, il se savait tout à fait capable de se provoquer une insomnie par son angoisse, bombe impossible à désamorcer.
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Esprits criminels || Kuroko no Basket
FanficKagami avait peur. Le genre de peur insidieuse qui le transformait pratiquement en gamine, à le faire trembler de tous ses membres. Lèvres pincées, il jeta un coup d'œil à la silhouette endormie de Kuroko, jaloux de la facilité qu'avait son amant à...