Eldoria

2.

La grande salle de cérémonie était plongée dans une lumière froide, filtrée par les hautes fenêtres ornées de vitraux anciens. Chaque pas que je faisais résonnait sur le sol de marbre, amplifiant le silence pesant qui enveloppait la pièce. Ma robe de mariée, aussi somptueuse que lourde, semblait se fondre avec l'atmosphère lugubre de ce jour. Le tissu, un satin blanc nacré, était recouvert de broderies complexes en fil d'or, et des pierres précieuses scintillaient dans la dentelle ancienne qui entourait mon cou et mes poignets. Bien que magnifique, cette robe ressemblait davantage à une armure, une prison dorée qui me liait à un destin inéluctable.

Les invités, alignés de chaque côté de l'allée, affichaient des visages fermés, presque inexpressifs. Leurs regards, fuyants, semblaient éviter le mien, comme s'ils portaient eux aussi le fardeau de cette union. Le froid dans l'air n'était pas dû à la température, mais à la tension palpable qui pesait sur l'assemblée.

Le prêtre, un homme âgé aux traits marqués par le temps, se tenait devant l'autel, un livre sacré ouvert dans ses mains tremblantes. Ses yeux, d'un bleu délavé, reflétaient une tristesse profonde. Il jeta un coup d'œil dans ma direction, et je pus lire dans son regard un mélange de pitié et de résignation. C'était comme s'il savait que cette union était une condamnation, une sentence prononcée dans le silence de cette grande salle.

Je sentis la présence de mes parents derrière moi, leurs regards pesant sur ma nuque. Je ne pouvais pas les voir, mais je savais qu'ils souriaient, satisfaits de l'affaire qu'ils avaient conclue. Pour eux, ce mariage était une transaction réussie, un contrat qui les avait enrichis au détriment de ma liberté. Leur satisfaction était presque palpable, un contraste cruel avec le reste de l'assistance.

Le silence de la salle fut brisé par l'arrivée de celui qu'on surnommait "le Fléau". Sa silhouette imposante se détacha de l'ombre, et il s'avança lentement vers l'autel. Le roi d'Eldoria, un homme d'une beauté froide et calculée, s'approcha de moi. Ses cheveux noirs comme la nuit encadraient un visage aux traits ciselés, mais c'était dans ses yeux que je ressentis toute la dureté de son âme. Ils étaient d'un gris métallique, froids et inexpressifs, comme s'ils ne reflétaient rien d'autre que le vide. Un sourire effleura ses lèvres, mais il ne parvint pas à réchauffer l'atmosphère glaciale qui nous entourait.

Les murmures s'éteignirent, remplacés par un silence oppressant. Le prêtre prit une profonde inspiration avant de commencer la cérémonie, ses mots résonnant dans la salle comme un écho sinistre. Je sentais le poids du regard du roi sur moi, scrutateur, comme s'il cherchait à percer mes pensées, à découvrir mes peurs les plus intimes.

À cet instant, une pensée fugace traversa mon esprit : et si les rumeurs étaient vraies ? Et si cet homme n'était pas seulement redouté, mais réellement dangereux ? Le doute s'installa en moi, se mêlant à la peur qui grandissait à chaque seconde. Pourtant, il était trop tard pour reculer. Le destin, ce jour-là, était déjà scellé.

Alors que le prêtre achevait ses paroles, je sentis une vague de résignation m'envahir. Mes doigts tremblants se glissèrent dans ceux du roi, et la froideur de sa main m'envahit comme un frisson glacial. En cet instant, je compris que j'étais liée à un homme dont le cœur, s'il en avait un, était aussi glacé que l'atmosphère de cette sombre cérémonie.