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Ombres et Alliances

Le froid de la pierre suintait des murs du château, s'infiltrant jusque dans mes os. Chaque jour qui passait dans ce lieu me semblait plus oppressant, plus lourd. Mais aujourd'hui, quelque chose changeait. Une atmosphère de tension flottait dans l'air, presque palpable, comme si le château lui-même retenait son souffle.

Je venais de quitter la grande salle après un déjeuner silencieux avec le roi, lorsque je rencontrai pour la première fois le conseiller du roi. Hadrien, m'avait-on dit plus tôt. Il se tenait dans un coin du couloir, à l'ombre, comme s'il attendait que je passe. Il avait l'allure de quelqu'un de mon âge, une trentaine d'années, avec des cheveux châtains coupés courts, et des yeux d'un gris acier, insondables. Son visage était marqué par une certaine gravité, mais il y avait une douceur dans son expression qui le distinguait de l'austérité ambiante.

- Madame, dit-il en s'inclinant légèrement, je suis Hadrien, conseiller du roi. J'aimerais, si vous le permettez, vous accompagner durant votre promenade.

Je hochai la tête, un peu surprise par son ton respectueux et son approche directe. Nous commençâmes à marcher côte à côte à travers les longs corridors silencieux. Contrairement aux autres membres de la cour que j'avais rencontrés, il n'essayait pas de combler le silence avec des flatteries ou des commentaires insignifiants. Cela m'incita à parler la première.

- Depuis combien de temps servez-vous le roi ? demandai-je, cherchant à mieux comprendre l'homme à mes côtés.

- Cela fait presque dix ans maintenant, répondit-il avec une pointe de nostalgie dans la voix. Mais ce n'est pas le roi qui m'a d'abord attiré ici. C'était le désir de servir ce royaume, un royaume qui m'a tout donné.

Il y avait une sincérité dans ses paroles, mais aussi une ombre qui passait sur son visage. Je perçus une lutte intérieure en lui, un conflit qu'il semblait bien dissimuler.

- Et maintenant ? Est-ce toujours ce désir qui vous anime ? insistai-je.

Il tourna la tête vers moi, ses yeux perçants comme s'ils cherchaient à mesurer mes intentions.

- Mon devoir reste le même, répondit-il finalement. Mais parfois, le devoir devient plus complexe qu'on ne l'imagine.

Nous continuâmes à marcher en silence, et je ne pus m'empêcher de réfléchir à ses mots. L'ambiguïté de sa réponse éveillait ma curiosité, mais aussi une certaine méfiance. Je ne savais pas encore si je pouvais lui faire confiance, mais il y avait quelque chose en lui qui m'incitait à baisser ma garde, ne serait-ce qu'un peu.

Soudain, il s'arrêta devant une porte que je n'avais jamais remarquée auparavant. Elle était usée, presque cachée dans l'ombre du couloir.

- Voici un endroit que peu connaissent, murmura-t-il, ouvrant la porte avec précaution.

La pièce qui se dévoila devant moi était une petite bibliothèque, beaucoup plus intime que celle que j'avais découverte auparavant. Les rayons étaient chargés de livres poussiéreux, et un parfum de papier ancien flottait dans l'air. Au centre, une grande table de bois usée par le temps, et quelques fauteuils confortables invitaient à la lecture.

- Cette pièce était autrefois utilisée par la reine... avant vous, ajouta-t-il, ses yeux fixés sur un point imaginaire dans la pièce. Peu de gens viennent ici désormais. Peut-être trouverez-vous ici un endroit où réfléchir.

Je m'avançai dans la pièce, effleurant les couvertures des livres du bout des doigts. Une vague de tristesse m'envahit. Cet endroit portait la trace d'une présence passée, une présence effacée par le temps et les secrets du château.

- Pourquoi me montrez-vous cet endroit ? demandai-je en me retournant vers lui.

Il me regarda longuement, comme s'il pesait ses mots avec soin.

- Parce que je pense que vous avez besoin d'un refuge. Et peut-être... peut-être que vous pourrez y trouver des réponses que vous ne trouverez nulle part ailleurs.

Je ne sus quoi répondre, partagée entre la gratitude et la confusion. Quel genre de réponses pourrait bien m'attendre ici ? Mais avant que je ne puisse formuler une nouvelle question, Hadrien s'inclina légèrement et se retira, me laissant seule dans ce lieu empreint de mystères.

Plus tard, alors que la nuit était tombée, je retrouvai le roi Gautier dans la grande salle. Il se tenait debout près de la cheminée, le regard perdu dans les flammes. Lorsqu'il se tourna vers moi, son expression était fermée, mais il y avait une lueur indéfinissable dans ses yeux.

- J'espère que votre journée fut agréable, dit-il d'une voix douce, mais dénuée de chaleur.

- Elle l'a été, répondis-je, me forçant à rester calme sous son regard perçant.

Le silence qui s'installa ensuite était lourd, presque suffocant. Je cherchai quelque chose à dire pour combler ce vide oppressant, mais rien ne me venait.

- Vous savez, commença-t-il en s'approchant lentement, il y a des choses dans ce château que vous ne comprendrez peut-être jamais. Mais cela ne signifie pas que vous devez chercher à tout savoir. Certaines vérités sont mieux ignorées.

Ses paroles me glacèrent. Y avait-il une menace cachée derrière ces mots ? Ou était-ce simplement un conseil bienveillant ? Il était si difficile de lire ses véritables intentions. Je me contentai de hocher la tête, incapable de formuler une réponse.

- Je vous souhaite une bonne nuit, dit-il en s'éloignant, me laissant seule avec mes pensées tourmentées.

Cette nuit-là, le sommeil me fuyait. Les mots d'Hadrien et du roi résonnaient dans ma tête, se mélangeant aux ombres mouvantes des secrets du château. Tandis que je luttais pour trouver le sommeil, je me souvenais des moments de mon enfance, des moments où je me sentais protégée, en sécurité. Mais ces souvenirs semblaient si lointains maintenant, dans ce château où chaque coin recelait un mystère, chaque silence cachait une menace.

Alors que le premier éclat de l'aube perçait l'obscurité, je pris une décision. Peu importe ce que le château cachait, peu importe ce que le roi ou ses conseillers voulaient me faire croire, je devais découvrir la vérité par moi-même. Et je savais que cette quête commencerait par comprendre qui était véritablement Hadrien, et quel rôle il jouerait dans mon avenir incertain.

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