Chapitre 2

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KURTIS

Je n'y vois rien. La seule chose que je perçois est mon souffle sifflant, les parois froides qui m'encerclent et surtout ma peur.

Oui, elle m'enveloppe, m'empêche de respirer en créant un étau autour de mon corps.

Je plaque mes deux mains sur ma bouche entrouverte pour laisser échapper un gémissement de terreur.

Tais-toi, bon sang ! Tais-toi ou il te trouvera...

Je hurle, me réveillant en sursaut, trempé de sueur. Je passe une main sur ma figure, essayant d'apaiser les battements de mon cœur qui cognent durement contre ma cage thoracique. Les tremblements qui me parcourent ne se calment pas même si je tente de les contrôler.

— Hey Kurt ! Tout va bien ?

Le visage de Gabin ensommeillé apparait lorsqu'il allume la petite lumière d'appoint accroché à son lit. Je l'ai réveillé avec mes cris, et forcément ça me fait sentir minable.

— Ouais, dis-je d'une voix pâteuse, rendors-toi.

Je soulève mes draps pour m'en extirper. Il m'observe, désormais assis, et je vois bien qu'il est inquiet à la mine qu'il affiche. Seulement, ne sachant pas comment le rassurer, je fuis la scène.

J'attrape une serviette, ma trousse de toilette et une tenue pour la journée, me rendant à la salle de bain commune pour effacer mes dernières réminiscences. J'ai la chance que personne ne soit encore présent vu l'heure matinale qu'affiche ma montre.

Il n'est que quatre heures quarante-cinq, j'espérais que mes tourments me tireraient du sommeil plus tardivement étant donné la longue journée que je m'apprête à vivre. Malheureusement, mes maux n'ont que faire de ma rentrée.

La cabine de douche est étroite, mais suffisante pour que je puisse me mouvoir comme il faut. Pourtant, je ne m'y sens pas assez à l'aise, j'ai la sensation que les parois se rétrécissent autour de moi. Mon cœur bat tellement vite sous ma poitrine que j'ai l'impression qu'il me donne des coups, j'y pose ma main le sentant encore plus violemment. Mes doigts griffent mon épiderme, tentant de serrer cet organe que je veux calmer. Je suis fatigué de ces nuits terrifiantes à répétition, je souhaite seulement que ça cesse, qu'elles me laissent tranquille. Mon passé me hante alors que je n'espère qu'une chose, l'oublier. Mais c'est impossible, il m'a bien trop amoché. Un cri étranglé franchit la barrière de mes lèvres que j'agrippe à leurs tours pour l'étouffer, je sens des larmes qui se glissent entre mes doigts.

C'est donc forcément de l'eau brulante que j'actionne pour emporter mes pleurs dans le sillon de la douche et frapper mon dos meurtri d'anciennes blessures. Elles me semblent douloureuses à cause des cauchemars de cette nuit, me tirent violemment alors qu'elles sont guéries. Elles aussi je veux les voir disparaître, cuisant rappel de l'échec de ma vie, de la souffrance et de l'amour pourri qu'on me portait. J'actionne l'eau encore plus fort, pour me bruler toujours plus, espérant avoir mal, pour me souvenir que j'existe malgré la peine qu'on m'a causée et celle que je me suis infligée seul. Elles sont à vif, creusant ma chair, y laissant couler des gouttes d'eau qui finissent par s'écraser contre mes reins. M'ébouillanter est une des uniques mutilations que je me suis autorisée à conserver dans ma vie, elle est invisible et surtout silencieuse.

Un peu comme moi.

Le tourbillon de colère qui m'aspire est si violent qu'il me donne envie de crever. Je revois les images de cette nuit et ma main toujours sur mes lèvres se met à convulser, je serre alors mon poing, de toutes mes forces, pinçant ainsi ma bouche.

J'ai mal, mais pas assez.

Je veux mourir.

Encore.

Ma cage thoracique se contracte, ma respiration s'intensifie.

Nos âmes jumellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant