11. Brouillard

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Assis sur le sol de mon salon, seul mon souffle lourd parvenait à mes oreilles. Tout s'était passé trop vite, trop soudainement.

Qu'est-ce qu'il fichait assis à côté de moi aussi ?

Je me levai et pris un verre pour y mettre des glaçons. J'ouvris machinalement un faux placard et sortis la bouteille qui s'y trouvait. Je m'arrêtai au dernier moment, regardant la bouteille. Je n'étais pas de ceux qui buvaient pour le plaisir de boire, je n'étais pas un alcoolique. C'était ce que mon père était, et je n'étais pas comme lui. Je n'avais pas failli faire tomber mon entreprise à cause d'une femme, je n'avais pas la manie de boire à chaque fois que ça n'allait pas.

Alors qu'est-ce que je fais ?

Il m'avait fait goûter l'alcool à un trop jeune âge, ou alors c'était moi qui avais voulu essayer. Je me souvenais vaguement avoir détesté le goût et avoir recraché sur lui. Sa réaction ne s'était pas faite attendre...

Les émotions, c'est pour les faibles.

Je posai la bouteille sur le comptoir et tirai un tabouret pour m'assoir. Je n'aimais pas le whisky, pas plus que les hommes. Je balayai du regard la pièce et ne vis que son assiette posée sur un essuie-tout. Je détournai aussitôt le regard et enfouis ma tête dans mes bras.

Je ne suis pas faible.

Si j'avais été capable de me hisser à ce poste, c'était parce que j'avais réussi à m'attirer la sympathie de la famille à la tête du parti. Je ne pouvais pas me permettre de tout perdre sous prétexte que j'étais incapable de me contrôler.

"J'avais peur que tu salisses la réputation du parti."

Elle n'avait pas tort d'avoir peur, et c'était bien ce que je craignais. Si autant de vidéos avaient été trouvées par mon entourage, nul doute qu'il en existait bien d'autres... et le service communication de Matignon ne pouvait pas tout faire.

C'est de sa faute de toute façon.

C'était facile comme excuse, très facile. Je ne savais pas ce que je faisais sur les Champs ce soir-là, je ne savais même pas comment je m'étais retrouvé à sortir seul dans Paris à une heure aussi tardive.

Il aurait pu maintenir une distance de discussion convenable.

Je frappai du poing sur la table et entendis le tintement des glaçons contre le verre. Je relevai la tête et fixai la bouteille. Boire revenait à reproduire les erreurs de mon père. Boire revenait à m'abaisser à son niveau. Je valais bien mieux que ça, j'avais bien plus de pouvoir que lui n'en aurait jamais.

"Bordel mais Jordan quand est-ce que tu vas enfin te comporter comme un homme ?"

La seconde d'après, mon verre de whisky qui faisait bien plus de 5cl me brûlait la gorge. J'attrapai une canette et faillis m'étrangler en voulant la boire cul sec. Mon visage humide me couvrait de honte.

Je l'ai cherché après tout non ?

Je l'avais cherché, et je n'avais absolument aucun regret. Les images de la soirée passaient en boucle dans ma tête. Lui en train de s'endormir à côté de moi, lui en train de savourer son repas, lui et ses yeux sombres à la fin de la soirée...

Qu'est-ce qui se serait passé s'il était resté ?

J'avalai ma salive et me mordis la lèvre. Nos lèvres scellées en train de se chercher presque désespérément, nos langues incapables de se lâcher, nos corps en train de se rapprocher toujours plus. Son parfum était encore là, tout près de moi. J'avais honte d'avoir autant aimé.

Attention (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant