Le désespoir, le dessin et la machine.

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Je m'arrêtais à la porte du bâtiment. La façon dont elle m'avait regardé m'avait frappé comme un poignard. Je m'en voulais. Je savais qu'elle aussi m'en voulait. Je voulais me faire pardonner ! Me racheter à ses yeux !

Mais pourquoi ? Est-ce que c'est ça qu'on appelle l'amour ? Est-ce que je suis réellement amoureux ? Suis-je amoureux de Maria, la soeur de la petite amie d'Anthonin ? Mais je la connais à peine ! Comment puis-je l'aimer ? Je ne la connais pas !

L'amour n'est pas pour moi ! Je ne peux pas me permettre de tomber amoureux d'une inconnue.

Mais si j'apprends à mieux la connaitre, ce ne sera plus une inconnue !

Ma raison et mon coeur se contredisent. Le premier veut que je l'oublie mais l'autre veut l'aimer.

Je dois faire quelque chose. Mais quoi ? Je retombe dans ses questions qui me tourmentent.

Soudain, l'averse se met à tomber. Heureusement, je suis sous le préau. Malheureusement, il faut que j'aille dans le bâtiment des garçons et c'est de l'autre côté de la cour. En plus, j'ai laissé ma veste dans la salle des fêtes et je ne peux pas, pour l'instant, aller la récupérer.

Alors,  je repasse dans ma tête les moindres détails de son corps d'ange. Ses lèvres, son visage, ses yeux, ses mains, ses doigst si fins...

Je prends alors le crayon et la feuille de papier que j'ai toujours sur moi dans une poche. Je retransmets tout cela par manuscrit. Puis, derrière, je la dessine.

J'y passe une heure environ. Puis la pluie s'arrête enfin.

Quand je regarde ma montre, il est vingt-deux heures.

Je me lève donc et traverse la cour pour retrouver mon bâtiment.

Cette nuit là, je rêve d'elle. Que je la prends dans mes bras, que je caresse sa peau si douce, que je l'embrasse. Puis, elle s'éloigne soudainement de moi attirée par des pleurs de nourrisson.

Elle revint vers moi avec un bébé dans les bras et le sourire aux lèvres. La vérité s'impose alors à moi et je m'éveille en sursaut dans l'obscurité de la nuit.

Je ne peux pas me rendormir. Il est cinq heures du matin. J'allume ma lampe de chevet. Je cherche alors le papier et contemple le dessin encore inachevé que j'ai fait d'elle.

Je reprends mon crayon et essaye de le terminer. Mais la fatigue me rattrape et je m'endors. Le dessin est dans ma main. Elle est avec moi. Que m'arrive-t-il ?

Sept heures sonne alors et me réveille brusquement. Une nouvelle journée commence. Je me lève avec l'impression de me lever pour rien. Ma seule motivation est de la voir même si je sais qu'elle me déteste.

Je m'habille et sors de ma chambre. A l'extérieur du bâtiment, Clément m'attend. Je me fabrique alors un masque afin qu'il ne perce pas à jour mon désespoir.

Je sais au plus profond de moi qu'il a raison. J'aime cette fille que je connais à peine mais je suis toujours dans le déni. C'est impossible.

Il ne me pose pas de question et nous nous dirigeons vers la cafétéria.

Là-bas, je prends une tasse, du pain, du sucre et du beurre. Puis nous nous posons sur une des tables et je vais remplir ma tasse à la machine à café.

Lorsque je reviens à ma place, je me rends compte que je suis comme cette machine. Un automate. Je fais les mêmes gestes, je prends la même chose depuis deux ans.

C'est au moment où je reviens à ma place que je la vois avec ma soeur et Estelle.

Une boule se forme dans ma gorge. Mais je détourne le regard. Je ne veux plus penser à elle autant que j'en ai envie. Je ne veux pas non plus que Clément le sache. Sur ce point, je ne suis pas partagé.

Je débute alors une conversation sur les cours de la journée qui débouche ensuite sur d'autres sujets : les profs, le temps, ce qu'on veut faire plus tard, etc. Des sujets habituels, mécaniques.

Puis mes pensées s'égarent vers mon rêve. Mais je le chasse aussitôt en secouant la tête. Cette fois-ci, mon meilleur ami le voit.

- Qu'as-tu ? me demande-t-il, interrompant son monologue sur ses études de scientifique.

- Je... rien laisse tomber, réponds-je. Juste un mauvais rêve cette nuit.

- Ok, dit-il simplement. Bon, on y va ?

J'acquiesce. Mon plateau vide, je me lève et vais vers la sortie du self. Sans faire attention, je bouscule une fille.

- Eh ! Tu peux pas faire attention où tu vas conn...

Chloé s'arrête immédiatement en me reconnaissant.

- Oh, Tim ! Comment vas-tu ? T'inquiètes, c'était pas ta faute, c'est moi, j'étais au mauvais endroit au mauvais moment !

Elle sourit d'un sourire tellement faux que j'ai envie de la frapper. Mais un plan pour oublier Maria se forme dans ma tête.

- Ca va et toi ? lui dis-je en lui décochant mon sourire charmeur auquel toutes les filles tombent amoureuse.

Puis je reprends mon chemin, une main sous mon plateau et une autre la prends à la hanche. Elle se laisse faire et se rapproche même un peu plus de moi que je ne le voulais. Mais je ne dis rien.

Nous débarrassons nos plateau ensemble. Je lui parle et elle rit. A la moindre chose que je lui dis. Cela m'énerve un peu. Mais je ne dis toujours rien.

Puis nous nous séparons - Enfin ! - à nos classes respectives.

Quand je rentre, je salue le prof (mon préféré, celui de français). Avec lui, j'échange beaucoup et c'est une des seules personnes à savoir que j'écris des histoires. Je lui en ai  déjà fait lire quelques unes. Il m'a corrigé et m'a donné des conseils. Il m'encourage tout le temps même quand il voit que j'ai parfois des difficultés dans certains exercices. De toute façon, ce prof est aimé de tous ses élèves. Je n'en connais pas un qui le critique méchamment ou péjorativement.

Le cours commence et je me concentre ce qui me permet d'oublier le temps de deux heures Maria, les complications et Chloé. Surtout Chloé. Je ne sais pas si je vais tenir très longtemps avec elle mais au moins, elle me fera peut-être penser à autre chose qu'à Elle.

La chose la plus effrayante et la plus merveilleuse au monde.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant