Chapitre IV : Est-ce normal qu'une punition se transforme en exil ? -Zayn

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     Le matin était venu vite. Beaucoup trop vite. Zayn n'avait pas eu le temps d'assimiler la nuit passée. Seul dans sa chambre, il avait rejoué la scène dans son esprit, encore et encore, persuadé que quelque chose leur échappait à tous. Quand le sultan s'était présenté, il avait été effrayé, terrifié même. Jamais encore il n'avait vu cette colère froide chez le sultan. Mais ce n'était pas ce qui l'avait tenu éveillé. Non, en suivant Qadir, Zayn avait accepté les risques et la punition serait juste dans tous les cas, il ne s'inquiétait pas pour ça.

     En revanche, décevoir sa famille était une autre paire de manches. Il avait promis à sa mère de ne rien faire d'irresponsable et pourtant, le voilà devant les portes de la salle du trône avec la certitude qu'il avait humilié le nom de sa famille pour les trois prochaines générations. Les cris qui lui parvenaient de l'intérieur indiquaient qu'il allait plutôt pencher sur quatre générations.

     Quelqu'un hurla si fort qu'on aurait cru à un meurtre.

     Cinq générations.

-J'ai réfléchi toute la nuit, murmura Qadir tandis que les portes s'ouvraient. Laissez-moi parler et tout ira bien.

-Sûrement pas, siffla Bala, c'est à cause de toi qu'on est punis donc tu la fermes et tu me laisses parler, je suis une excellente oratrice.

-Oratrice mes fes...

     Kamra posa une main rapide sur la bouche de l'imbécile, ce dont Zayn lui était reconnaissant. Les gardes les escortèrent en silence jusqu'au pied du trône avant de disparaître, refermant les portes derrière eux. Ils étaient seuls. Seuls en face du sultan et, derrière lui, les membres de leurs familles, aux yeux implacables. Le regard de ses frères lui pesait sur le cœur, en particulier celui de Nasir qui semblait crier « comment as-tu pu ? ».

     Le fait était que, malgré les horreurs qu'il avait entendues, il ne voyait pas Kamra comme une malédiction sur pied. Contrairement à Qadir et Bala, Kamra et lui étaient cousins de sang, leurs mères étant sœurs en plus de frère et soeur de lait, allaités par la même nourrice, et il avait en lui l'intime conviction que sa cousine était aussi inoffensive qu'un lionceau sans griffes. Qu'ils pouvaient devenir ce que Abbas et Nasir avaient été.

     Ils posèrent un genou au sol, un seul car la soumission totale n'était que pour le divin, les yeux rivés par terre et attendirent qu'on leur ordonne de se relever. Personne ne le fit. Au lieu de quoi, le silence s'éternisa. Zayn venait de répertorier une énième zébrure sur le carré ambré devant lui quand la voix du sultan s'éleva enfin.

-Avant toute chose, sachez que vous nous avez tous extrêmement déçus, tous les quatre. Je vous ai demandé d'être mes futurs soldats, mes miracles, les protecteurs de ma fille bien-aimée et pourtant, vous n'avez pas hésité à exploiter la faiblesse d'un imbécile éperdu. Au lieu de nous informer de ce problème, qui allait de la sécurité du palais entier, vous vous êtes fourvoyé et la punition qui en résulte n'est, au sens de plusieurs, pas suffisante pour la gravité de vos actes.

     Zayn entendit Bala étouffer un sanglot. Il savait que c'était elle parce que Kamra ne faisait jamais le moindre bruit et la voix féminine ne pouvait appartenir à cet imbécile de Qadir.

-Avant que je ne prononce mon jugement, est-ce que l'un de vous quatre à quelque chose à confier ? Je vous offre une dernière chance d'admettre d'autres fautes, les vôtres ou celles de vos compagnons.

     Dénoncez ou subissez. S'attendait-il sincèrement à ce qu'il dénonce l'autre idiot, quand bien même il l'insupportait plus qu'autre chose ? Cette fois, Zayn releva le regard, croisant les yeux rubis de son sultan. Celui-ci était assis sur le trône, les bras posés sur les accoudoirs tandis que sa main droite soutenait son menton. Aujourd'hui, ses cheveux ébènes étaient attachés à l'arrière, retenu par des fils d'or. Etrangement, il ne semblait pas en colère, mais l'habituelle lueur amusée qui brillait dans ses yeux n'était pas non plus présente. Zayn n'arrivait pas à définir quelle émotion habitait le sultan, ni même à quoi il pouvait penser. Ses doigts tapotèrent le rebord du trône, comblant le silence qui s'éternisait.

Les Héritiers de l'Hassadie : Le Chant des Khadymm (Premier Jet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant