quatre ans plus tard

19 3 1
                                    

NATHANIEL

– C'est qui ?

Je déverrouille l'écran de mon téléphone et lis rapidement le message qui s'affiche. Je me tends immédiatement.

– Andrew, je réponds.

Ambre soupire alors que nous sortons du bâtiment des lettres de la fac d'Anteros. Le soleil me frappe, éblouissant un instant

– Nath, s'il-te-plait, je te demande de faire un effort cette année. C'est la dernière et...

Je lève les yeux au ciel en écoutant les plaintes de ma fabuleuse petite sœur. Nous faisons quelques pas noyés dans la foule de monde courant partout dans l'optique d'en terminer au plus vite avec les inscriptions.

– Je sais que c'est compliqué pour toi en ce moment mais-

Je me stoppe d'un coup, sous le choc.

– Nath ?

Sa voix résonne comme un écho lointain alors que je fixe un point précis, ou plutôt, une personne.

– Qu'est-ce que... commence Ambre avant de comprendre : Oh... J'ignorais qu'elle était revenue.

Octavia Rogers.

Trois années me séparent de notre dernière conversation et celle-ci me laisse un goût amer. Je l'ai revu l'année dernière, elle n'en sait rien, mais j'étais là. Elle venait de faire ses débuts sur les planches de Broadway dans le rôle de Christine dans Le fantôme de l'opéra, un miracle qu'elle seule pouvait réaliser.

– Elle a changé, commente Ambre.

Elle a changé, et pourtant il m'a suffit d'un regard pour la reconnaître. Un seul regard pour faire fonctionner mon coeur abîmé par le temps.

C'est la seule personne de toute cette foutue fac à ne pas courir. Les yeux baissés sur ce qui me semble être La cloche de détresse de Sylvia Plath, elle s'est arrêtée sur l'une des marches menant au bâtiment des arts, son visage marqué par une concentration extrême.

Perchée sur des derbies à talons, elle semble si différente de celle que j'ai connu. Plus confiante, plus séduisante, plus... plus elle. Elle semble avoir définitivement abandonné son look grunge, optant pour un chemisier bordeau, une jupe à carreaux beiges et un blazer à motifs tartan trop grand. Elle parait plus adulte et plus... bon sang ouais, carrément plus sexy.

Elle remet en place ses lunettes rondes, j'en déduis qu'elle en a finalement eu marre de perdre ses lentilles tous les jours. Le soleil se reflète sur ses cheveux roux bouclés, dont deux petites nattes se rejoignent à l'arrière de son crâne pour dégager son visage, leur donnant un éclat unique.

Sans même m'en rendre compte, je fais un pas dans sa direction. C'est alors qu'une main saisit ma veste et une silhouette se plante devant moi.

Bien sûr, j'aurais dû m'en douter...

– Bonjour à toi aussi Ginny, je marmonne.

– Tu t'approches pas d'elle, me prévient-elle.

Je baisse les yeux sur elle et lui lance l'un de mes énigmatiques sourires en coin.

Je me demande si elle était au courant du retour d'Octavia, je sais qu'elles ont cessé de se parler dès la fin du premier semestre de notre première année loin du lycée, mais je me demande si elles ont réglé leurs différends depuis.

Si j'en crois la présence très désagréable que m'impose cette peste, j'en déduis que non.

– Depuis quand tu t'inquiètes pour elle ? je lui lance d'un air moqueur.

Si un regard pouvait tuer, je serais déjà six pieds sous terre.

Ginny n'a pas autant changé que sa meilleure amie. Elle n'est pas aussi radieuse qu'elle, ce qui ne m'étonne guère, elle n'a jamais été à sa hauteur. Son teint est plus terne que jamais, surtout à cause de la présence d'épaisses cernes qui en disent long sur le peu de repos que lui ont offert ces vacances. En revanche, elle semble enfin s'être acheté un style qui ne semble pas tout droit sortir d'une des pires modes des années 2000 avec son t-shirt à l'effigie de Queen rentré dans son pantalon à carreaux rouges et noirs et son fidèle perfecto et ses Doc Martens. Personnellement, j'aurais brûlé les mitaines mais, visiblement, elle n'en est pas encore là.

Il semblerait aussi qu'elle ait enfin accepté de faire quelque chose de ses cheveux, sa coupe dégradée lui donne du volume qui la rendrait presque jolie. Si, bien sûr, elle ne me lançait pas un regard qui terrifierait n'importe quel enfant.

– Ecoute-moi le crackhead, reprend-t-elle en martelant mon torse de son ongle peint de verni noir craquelet. Je ne sais pas pourquoi elle est revenue ni pour combien de temps mais il est hors de question que tu t'approches d'elle. C'est clair ?

Du mouvement dans mon dos m'indique qu'Ambre compte intervenir et une part de moi a envie de la laisser faire. Parce que pendant que l'attention de la furie est portée sur ma sœur, la mienne peut l'être sur Octavia.

– De quoi tu te mêles ? lance-t-elle.

– De quoi je me mêle ? réplique Ginny. C'est ma meilleure amie, qu'on soit brouillées ou non elle reste ma meilleure amie et il est hors de question que ton dealer de frère s'approche d'elle !

– Tu vas vite baisser le ton, tu entends ? Je pense qu'elle est assez grande pour faire ses choix toute seule.

– Pas quand ça le concerne, siffle Ginny. Elle mérite mieux.

Elle a raison. Si sa meilleure amie a le moindre doute sur mes... activités extra-scolaires, elle voudra s'en mêler, elle voudra me sauver, comme elle l'a fait à l'époque. Cela ne doit pas arriver. Je ne le laisserai pas arriver.

– Ambre, c'est bon, j'interviens.

Je me détourne de ma belle pour faire face à son énervante sœur.

– Je crois qu'on s'est tout dit, j'affirme. Au revoir Ginny.

– Ne t'approches pas d'elle, tu entends ?

– J'entends.

Je lance un dernier regard vers Octavia, qui referme son livre pour reprendre sa route, disparaissant dans le bâtiment des arts, et une question me taraude : pourquoi est-elle revenue ?

Je lance un dernier regard vers Octavia, qui referme son livre pour reprendre sa route, disparaissant dans le bâtiment des arts, et une question me taraude : pourquoi est-elle revenue ?

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
this is me trying || Amour SucréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant