Chapitre 15

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Ça fait maintenant plusieurs mois que je suis à l'école, plusieurs mois que j'ai retrouvé un peu de la joie que j'avais perdu il y a deux ans.

Je n'ai toujours pas résolu la phrase de Noah, mais j'essaie de prêter attention aux discussions des autres élèves au cas où il y aurait un des mots de la phrase. Je me suis interdite de chercher sur internet ou de demander à mes parents. Je veux trouver par moi-même, par mes propres moyens. Je sens que cette phrase a de l'importance, aussi bien pour lui, que pour moi, même si je ne sais pas pourquoi. Je me suis donc mise à lire des romans en québécois pour espérer la trouver dans un des livres.

Quand j'suis avec toé, j'suis aux petits oiseaux et quand t'es pas là, j'te vois dans ma soupe. J'trippe sur toi.

La phrase mystère. La phrase de Noah.

J'ai pris l'habitude d'aller à l'école en avance pour m'avancer sur mes révisions et mes exercices. Mais surtout pour enquêter sur cette phrase.

On est le douze février. Dans deux jours, ce sera le quatorze. La Saint-Valentin. Cette fête qui procure tant de bonheur à certains, tandis qu'à d'autres, ça ne fait qu'accentuer la solitude et le manque d'amour.

Je fais partie de ce dernier groupe. Je fais partie de ce groupe qui n'a personne avec qui passer la journée, cette personne qui est en manque d'amour et rêve juste d'avoir quelqu'un à qui parler de ses problèmes, à qui se confier, quelqu'un qui m'aime telle que je suis, ...

Je lève les yeux de mon livre et vois Jules s'asseoir à côté de moi. Il me sourit, mais ce n'est pas son sourire habituel. Il est trop crispé, pas assez détendu. Trop.... Faux. Et je sais ce qu'est un faux sourire, pour en avoir moi-même fais plusieurs.

Il cache quelque chose. Jules me cache quelque chose...

Immédiatement, un souvenir remonte dans mon cerveau.

- Nous allons à la soirée de Mathilda. Restez sages, le repas est dans le frigo, il y a juste à le faire chauffer. Nous rentrerons vers minuit, je pense.

Pendant deux minutes, je suis restée figée.

Il m'avais dit que ses parents seraient là. C'est la première fois qu'il me ment, ou du moins, la première fois que je m'en aperçoit.

Je me suis tournée vers lui, avec un sourire sur le visage, espérant ne pas avoir l'air trop contrariée :

- Tu m'avais dit qu'ils restaient à la maison, non ? C'est ce que j'ai dit à ma mère.

- Si je te disais qu'ils sortaient ce soir, ta mère n'aurait jamais voulu que tu viennes dormir à la maison.

Je secoue la tête pour chasser ce souvenir. Non, Jules ne peut pas être comme Yan.

— Lessy, hum.... Je... Il y quelque chose que tu dois savoir.... Je... Je sais pas comment le dire ... Je.... C'est vraiment dur... balbutie Jules.

Il se prend la tête entre les mains et je laisse passer quelques secondes, ne sachant pas si j'ai envie de savoir.

Il finit par se redresser, mais ne tourne toujours pas la tête vers moi.

— Je... Nathan.... Il a...

Nathan !

Qu'est-ce que Nathan a fait ?

Qu'est-ce qui s'est passé ?

Mon sentiment de panique doit se refléter sur mon visage, car il me prend la main et me rassure :

— Tout va bien, Lessy. Enfin, je pense. J'espère.

Prenant une profonde inspiration, il ajoute précipitamment :

— Nathan est à l'hôpital. À cause d'une vague.

Cette fois, aucun réconfort de sa part ne m'aide. Nathan est à l'hôpital. Et Jules ne sait pas s'il va s'en sortir.

Je tente de me lever, mais sans succès, mes jambes tremblent trop, la tête me tourne, j'ai une envie de vomir, des acouphènes dans mes oreilles. Je ne me sens pas bien du tout.

— Hé, Lessy, tout ira bien, t'inquiètes pas. Ça ira.

Sauf que non, rien ne va. Rien ne va plus du tout. Je fonds en larmes, faible que je suis, incapable de les retenir. Je me suis interdite de craquer à l'école, et voilà que je le fais. Et comme si ça ne suffisait pas, Noah arrive. Ça ne fait que rajouter à ma gêne. Pourquoi fallait-il qu'ils me voient dans ce moment de détresse ? J'aimerai tant réussir à me contrôler !

Nathan est mon premier ami ici, à force de le côtoyer, je me suis attaché à lui, j'ai appris à apprécier son côté envahisseur mais amical, ses blagues parfois nulles, son caractère protecteur. J'ai réussi à l'apprécier tel qu'il est et les souvenirs de Yan sont partis et m'ont laissé en paix quand je suis avec Nathan. Je ne sais pas comment s'est arrivé, ni quand, mais je sais que je tiens à lui et que j'ai besoin qu'il soit là.

Sans prononcer un seul mot, il s'assoit à côté de moi et me sert dans ses bras. Parfois, le soutien est plus important que les mots. Peu à peu, je réussi à me calmer, et en me redressant, je me rends compte que le tee-shirt de Noah est trempé par mes larmes. Je m'excuse d'un coup de tête, mais il ne paraît pas dérangé.

— Lessy, on est là, d'accord ? Nathan sortira probablement de l'hôpital bientôt, donc on n'a pas trop à s'en faire.

Je hoche la tête, peu convaincue par ses paroles. J'ai beau ne pas parler, je n'en suis pas moins informée sur les risques de l'océan. Une vague peut être mortelle si elle tombe sur la nuque ou retient trop longtemps quelqu'un sous l'eau.

La cloche sonne avant que je puisse réfléchir plus à ça et m'enfoncer dans le désespoir. Je m'oblige à essuyer les dernières larmes sur mes joues, à contenir les autres et à marcher vers la classe. Noah et Jules sont là. Et je sais qu'ils sont tout autant inquiets que moi, même s'ils ne le montrent pas.

La faute au silence / EN REECRITURE \Où les histoires vivent. Découvrez maintenant