Un tueur pas tout à fait inconnu

Prologue

La frayeur lui envoya un nouvel élan de force, et ses muscles galvanisés repartirent à l'assaut de la porte en bois. Ses efforts ne furent pas vains : le verrou céda enfin sous ses coups et elle réussit à accéder au fameux endroit où il était normalement interdit d'aller.

Ses yeux parcoururent rapidement le paysage devant elle : un espace circulaire large d'au moins dix mètres, des bâches roulées en boule contre un muret de pierre haut d'à peine quatre-vingts centimètres faisant le tour de la place, des pavés luisant d'humidité au sol, et une charpente en bois surmontée d'un toit de tuiles presques noires dans l'obscurité. Mais aucune cachette, aucun abri, rien du tout.

Son souffle déjà court se fit erratique. La panique menaçait à présent de la paralyser. Tout à coup, des bruits de pas précipités la tirèrent de sa torpeur. Elle s'avança en courant jusqu'au muret et fut prise d'un vertige : le vide s'étendait au-delà, et l'herbe imbibée d'eau se trouvait à une quinzaine de mètres en-dessous d'elle.

Des larmes perlèrent à ses yeux quand des pieds raclèrent le sol de pierre, bien trop près à son goût. Elle se tourna face à lui. Là. Il se tenait debout, devant le seuil, un sourire carnassier aux lèvres. Ni l'un ni l'autre ne prononça un seul mot. Cela ne servait plus à rien d'espérer de l'aide, celle-ci n'arriverait pas avant un bon moment. Ne restaient que son intelligence et son courage - qui s'effritait petit à petit.

La pluie continuait de tomber et le tonnerre de gronder. Sa lame étincelait sous le clair de lune argenté, alors qu'il la fixait d'un oeil fou. Les mains tremblantes sur le manche trempé, il respirait difficilement. Une tâche écarlate s'élargissait sous ses habits.

- C'est ici que ça se termine, Délia. Si tu t'étais tenue à l'écart de tout ça, ça aurait pû être différent. Mais tu as fais ton choix, alors maintenant assumes les conséquences.

Dans un dernier regain d'énergie, presque désespéré, il s'élança vers elle. Un éclair blanc, aussi aveuglant que le soleil d'été, illumina le ciel. Profitant de ces quelques précieuses secondes de cécité, Délia s'écroula au sol. Sans tenir compte de son crâne douloureux qui venait de violemment rencontrer le muret de pierre, elle se recroquevilla sur elle-même, la tête entre les bras. Par dessus le bruissement de la pluie qui tombait en cascade, elle entendit les pas de son agresseur s'approcher dangereusement d'elle.

La poitrine brûlante, le souffle court, et le cœur au bord des lèvres, Délia détendit brusquement ses jambes, et ses mollets heurtèrent un obstacle. Obstacle qui trébucha en poussant un cri de colère qui dégénéra en hurlement de frayeur.

Un nouveau coup de tonnerre retentissant déchira l'obscurité de la nuit.