Chapitre 9

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Yanis

Affalé sur le lit à moitié fait de ma chambre, j'ai passé l'après-midi à enchaîner les derniers épisodes de Naruto. On ne dirait peut-être pas comme ça, mais je suis de nature assez sensible et même si rien de grave n'est arrivé tout à l'heure, je reste encore énervé par mon manque de réactivité. C'est d'ailleurs pour cette raison que je n'ai pas réussi à répondre à l'interrogatoire de ma sœur, lors de notre trajet au retour. 

En même temps, je ne peux pas m'empêcher de lui en vouloir. J'aime Hana. Je l'aime même énormément. Et je sais que son attitude surprotectrice n'est que le résultat de la crainte mêlée à l'amour fraternel qu'elle me porte. Mais parfois, son comportement dépasse les bornes. Elle me traite de la même manière qu'un adolescent de quinze ans incapable de se débrouiller seul alors que j'en ai vingt-deux. Et que je suis l'aîné, accessoirement.

Je fixe les murs turquoise qui m'entourent. La plupart des meubles de la pièce sont fabriqués à partir de bouleau, un matériau que ma famille affectionne particulièrement. Et mon bureau de travail n'échappe pas à la règle. Il est surplombé par un grand tableau blanc contenant les différentes lettres de l'alphabet arabe, avec leurs différentes formes en fonction de leur emplacement dans la phrase ainsi que leur phonétique. Un cadeau de Hana pour m'aider à les mémoriser. Nos parents nous enseignent la langue depuis le plus jeune âge, mais contrairement à ma cadette, j'ai toujours eu du mal à l'intégrer.

En fait, je crois que j'ai toujours eu du mal avec l'école de manière générale. Pas parce que mon cerveau manque d'intelligence ou de capacités, mais parce que pour me motiver, j'ai besoin de trouver un sens à ce que je fais. J'ai besoin de concret. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai refusé de m'orienter vers une prépa scientifique après le lycée et que j'ai préféré me diriger directement vers une université pour devenir ingénieur informatique. De toute façon, je crois que même avec mes bonnes notes, à cause de mes bavardages incessants en classe, mon dossier aurait quand même été refusé.

Le bruit de cliquetis de la serrure de l'entrée me ramène à la réalité. 

Mes parents travaillent tard, alors pas de doute possible, c'est Hana.

J'effectue immédiatement une rotation sur mon lit pour me positionner dos à la porte ouverte de ma chambre, avant de reprendre la lecture du tome que je tenais entre mes mains. Sauf que j'ai à peine le temps d'entamer une page que je perçois ses pas étouffés par la moquette se stopper net devant la pièce.

Je ne bouge pas d'un cil malgré la présence de ma cadette et poursuis mon activité comme si de rien n'était, même si au fond le stress m'empêche de me concentrer. Elle remarque ma réticence et s'aventure prudemment dans ma chambre, comme si elle cherchait à en prendre la température. 

Je finis alors par briser le silence en demandant d'une voix ferme :

- Qu'est-ce que tu veux ?

Mais Hana ne me répond pas. Elle reste immobile et se contente de me fixer intensément sans prononcer quoique ce soit, ce qui m'irrite au plus haut point. Je me retourne alors vivement pour lui faire face, les sourcils froncés, lorsque mon cœur fait un raté.

- Je suis désolée... marmonne-t-elle.

Ma sœur est en larmes. Ses joues sont complètement inondées par l'eau perlant jusqu'au sol et elle peine à respirer. Sa poitrine se soulève entre chaque inspiration saccadée. Mes yeux s'écarquillent de stupeur face à cette vision. C'est la première fois que je la vois dans un tel état.

Je bondis instantanément de mon lit pour la rejoindre et je m'empresse de la prendre dans mes bras.

- Hé, Hana ! soufflé-je d'une voix douce. Tout va bien, je suis là...

PepperWhere stories live. Discover now