Chapitre 10

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Hana

Alors, vous avez choisi ?

La serveuse nous pose la question à tous, mais ses prunelles bleu saphir se dirigent vers moi. Elle me gratifie d'un sourire, creusant des fossettes sur ses joues pâles constellées de taches de rousseur. Je le lui rends, avant de répondre :

- Je vais prendre une soupe miso, avec des nouilles aux légumes.

- Moi, des brochettes de bœuf et des makis au saumon ! déclare Yanis, d'un air ravi.

- C'est noté. Et vous ?

Elle inscrit les éléments de la commande sur le petit bloc-notes noir qu'elle tient dans sa main, avant de se retourner vers Reda avec une grande vigueur. Si bien que ses cheveux roux manquent de lui fouetter le visage.

Le brun s'arrête un instant. Il se pince alors l'arête du nez pour réfléchir. Le voir effectuer le même geste que moi, dans des situations plus ou moins identiques, me déstabilise toujours autant. Mais j'essaie de ne pas le montrer. 

Il finit par rétorquer d'une voix ferme :

- Des frites. Avec des nuggets de poulet et un soda.

La jeune femme tente de rester neutre, mais je la vois tressaillir avant de récupérer les cartes. En même temps, je la comprends. Quelle personne sensée prendrait la peine de se rendre à un restaurant japonais pour y commander absolument tout, sauf de la nourriture japonaise ?

Yanis se lève soudain de la table en me tirant de mes pensées. Il nous informe qu'il doit aller aux toilettes, mais qu'il ne sera pas long. J'imagine qu'il a tenu à préciser ce détail afin d'éviter tout malaise qui pourrait s'installer entre son ami et moi, sans lui. 

J'attends patiemment qu'il s'éloigne de quelques pas puis en profite pour assouvir ma curiosité avec mon interlocuteur :

- Tu sais, si tu voulais te rendre à un fast-food, il fallait le dire.

Je balance cette remarque en l'air sans faire attention au ton moralisateur que j'emploie. 

Cependant, Reda cille à peine.

- Et toi, si tu comptais adopter un régime de moineau, il fallait le dire.

Quoi ?

Ça m'aurait évité de rechercher un restau japonais halal parmi la liste.

Je le fixe d'un air abasourdi avant de le toiser.

Même si au fond de moi, je lui donne raison.

Depuis quelques temps, j'ai tendance à limiter au mieux ma consommation de viande. Non pas que j'exècre le goût de la chair animale, mais les récents reportages que j'ai pu visionner sur les conditions des élevages m'ont vite coupé l'envie de m'en procurer.

- Je vois que tu as parcouru les listes en pensant à mon confort. Quelle délicate attention de ta part !

J'insiste volontairement sur la dernière phrase tout en lui décochant un sourire ironique.

Il me fixe à son tour, silencieux. Mais son visage laisse rapidement place à une expression plus sournoise. Il hausse alors des épaules avant de rétorquer :

- Je devais bien essayer de revitaliser le soldat tout droit sorti de la Troisième Guerre mondiale.

Je fronce le nez.

Sa remarque me laisse un arrière goût amer au fond de la gorge.

À l'origine, je ne suis pas spécialement susceptible. Je ne prends jamais au pied de la lettre tout ce qui sort de la bouche de Reda, par exemple, sinon je ne serais pas sortie de l'auberge. Mais ce soir, tout est différent. Reda m'a rappelé le piteux état dans lequel je devais me trouver, après avoir déversé toutes les réserves d'eau que mon organisme pouvait contenir sur le tee-shirt de Yanis. Même si je sais qu'il ne pouvait pas le deviner.

PepperWhere stories live. Discover now