Eldoria

6.

Ambiguïtés et secrets.

La nuit avait été courte, peuplée de rêves troubles, et lorsque les premières lueurs de l'aube perçaient à travers les lourds rideaux de mes appartements, je me trouvais déjà debout, perdue dans mes pensées. Mon esprit revenait sans cesse à cette décision que j'avais prise : organiser un thé pour les dames de la cour. Un prétexte, certes, mais nécessaire pour m'introduire dans les méandres des secrets du château. Pourtant, malgré la clarté de mon objectif, il y avait autre chose qui s'agitait en moi, une sensation que je ne pouvais ignorer, une tension persistante qui avait commencé à s'insinuer depuis quelques jours.

En descendant les escaliers qui menaient au cabinet de Hadrien, je me souvins de notre dernière rencontre. C'était au lendemain du banquet, dans les jardins. Le souvenir de ce moment me revint avec une clarté déconcertante : la lumière douce du matin caressant les roses, l'odeur entêtante des fleurs, et lui, se tenant là, droit et élégant. Je m'étais arrêtée en le voyant, surprise par la sérénité qu'il dégageait, une sérénité qui contrastait tant avec l'agitation de la cour. Il m'avait vue, et nos regards s'étaient croisés. Pendant un instant, le temps s'était figé. Il y avait eu dans ce regard quelque chose que je n'avais pas su identifier, mais qui m'avait laissé une sensation étrange, un mélange d'inquiétude et d'excitation.

Aujourd'hui, en entrant dans son cabinet, cette même sensation m'envahit de nouveau. Il leva les yeux de ses parchemins, et nos regards se rencontrèrent. Un frisson parcourut ma colonne vertébrale, mais je me forçai à garder une expression neutre. Hadrien se leva pour me saluer, une révérence impeccablement exécutée, mais je ne pus m'empêcher de noter la manière dont ses yeux me détaillaient, cette subtile lueur d'intérêt, peut-être même d'admiration.

« Votre Majesté, » dit-il, sa voix douce mais assurée, « c’est un honneur de vous voir ici. Que puis-je faire pour vous ? »

Son ton était parfaitement respectueux, mais il y avait quelque chose de plus, quelque chose de presque intime dans la manière dont il prononçait ces mots. Une chaleur qui ne m’échappa pas. Je pris place dans le fauteuil, m'efforçant de conserver toute la dignité que mon rang exigeait, mais je sentais mon cœur battre plus fort dans ma poitrine. Sa proximité, son élégance, la manière dont il se tenait, tout cela me troublait plus que je ne voulais l’admettre.

« J'ai décidé d'organiser un thé pour les dames de la cour, » annonçai-je d'une voix que je voulais ferme, bien que je sentisse une légère vibration trahir mon trouble intérieur. « Une occasion de mieux les connaître, et de comprendre les dynamiques de ce royaume. Pour cela, j'ai besoin de votre aide. »

Hadrien s'inclina légèrement, et un sourire en coin étira ses lèvres. Un sourire qui me déstabilisa un instant, tant il semblait porter en lui une forme de complicité. « Une initiative admirable, Majesté. Bien sûr, je serai ravi de vous conseiller. »

Je sentais une tension palpable entre nous, une attraction que je devais combattre pour rester concentrée sur ce que j'avais à dire. Pourtant, je ne pouvais ignorer le magnétisme de sa présence, cette aura de mystère qui l’entourait et qui m'attirait irrésistiblement. Je redressai les épaules, déterminée à ne pas laisser mes émotions prendre le dessus.

« J'ai entendu des murmures au sujet de l'ancienne reine, » poursuivis-je, cherchant à ramener la conversation sur un terrain plus sûr. « Son nom semble revenir dans les conversations, mais personne n'ose en dire plus. Je dois savoir ce qu'il s'est passé, Hadrien. »