CHAPITRE 13 : LA SUCCESSION

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Ceci risque d'être le chapitre où je vais peut-être être la moins courtoise. Âme sensible s'abstenir.

Après la vente de la maison, j'ai de plus en plus de mal à maintenir la tête à la surface de l'eau. La succession d'aux revoir est terrible. Je réalise après l'enchaînement des événements que je ne le reverrai plus, je ne le toucherai plus, je ne l'embrasserai plus. L'absence se fait sentir de plus en plus mais je ne dois encore rien montrer, nous avons rendez-vous pour la succession de papou.

Après de nombreuses tentatives de rendez-vous, nous en obtenons un (enfin). Nous nous rendons au bureau du notaire. Il nous accueille et nous invente encore une excuse pour repousser le rendez-vous : l'agence a un problème informatique soi-disant.

Je sens que maman commence à perdre patience et elle a raison, nous devons aussi en finir avec tout ça pour reprendre nos vies.
J'ai envie de passer par-dessus le comptoir et de l'égorger. L'angoisse est déjà montée au maximum, je respire comme je le peux et l'autre annonce ça. Quel con ! 

Maman finit par avoir une idée et heureusement qu'elle est là pour nous aider ce jour-là :

- Vous avez bien un autre cabinet pas loin d'ici ? 

- Heu oui...

- Et bien nous ferons la succession là-bas et aujourd'hui.

Il nous dit qu'il n'y a pas de soucis et on le suit en voiture. Au bout de 5 minutes de trajet, il s'arrête. Il fout quoi ??

- Désolé dans la précipitation, j'ai oublié les documents.

On garde notre calme avec maman. Je descends fumer une clope. Il me fout en rogne. Il n'a aucun respect pour qui que ce soit. Payer à rien foutre celui-ci. On lui file la moitié du fric pour même pas être capable de faire son taf correctement. Je ne vous évoque pas la succession de conneries qu'il a pu faire auparavant mais je vous déconseille fortement ce cabinet.

Il revient. On le suit et on arrive au nouveau lieu. Il nous installe dans son bureau. On débute par la succession. Nous devons signer tout un ensemble de documents. Signer pour dire que nous sommes bien les héritières, signer pour récupérer l'argent qui nous est dû. Je n'en ai tellement rien à péter d'être là, je veux que ça se fasse rapidement. Il nous projette les sommes qui nous doivent être remises, je regarde le tableau je suis dépitée. J'aimerai donner toute cette somme juste pour avoir l'occasion de revoir mon père une dernière fois. Je n'en veux même pas de cet argent. C'est de l'argent sale pour moi, je ne le mérite pas. Mon père a trimé toute sa carrière dehors (qu'il vente, qu'il neige, ou qu'il fasse 50 degrés à l'ombre) et il n'a même pas pu savourer sa retraite tranquillement. Il en était si loin en plus...

Ma seule réaction, ma seule prise de parole :

- Pourquoi ma sœur a 50 euros de moins que nous ?

- C'est le prix de sa procuration pour que votre mère signe à sa place comme elle est absente. 

Je rigole jaune. Vraiment un business la mort. Il prenne de l'argent partout où ils peuvent ces connards.

Il me tend les papiers à signer, je prends le crayon et mon cœur s'arrête. Je dois signer pour cette putain de succession que je ne veux pas. Je veux que mon père revienne moi, je ne veux pas être obligé de faire ça. Signer c'est encore dire au revoir à son identité, lui dire au revoir à lui alors que je n'en ai pas envie et que je ne l'accepte toujours pas.

Il insiste pour que je signe, je lui lance un regard noir : laisse-moi du temps connard je viens d'enterrer mon père. Je ne signe pas pour mes consentements de mariage trou du cul. 

Il n'y aucune once de bienveillance en lui ou de compassion, il s'en fout. Il m'indique une nouvelle fois où signer, je suis en larmes et il s'en fout, il attend juste cette putain de signature. Je sais que c'est leur travail, mais faites au moins semblant d'avoir de la peine pour nous. J'ai 20 piges, je viens de perdre mon père et on dirait que tout est normal.

Ma mère pose sa main sur ma cuisse comme pour dire qu'elle est là et qu'elle ne me lâchera pas mais putain que j'ai mal. Elle fait tout pour que je me calme mais rien n'y fait. Je souffre et peu importe ce qu'on fera : papa ne reviendra pas et cela me fait si mal.

Ma petite sœur aussi ne me lâche pas la main de tout le rendez-vous. Elle est si mignonne. Elle est si petite et fragile mais tellement là pour moi. Je lui en suis très reconnaissante. C'est un amour de petite sœur. Malgré sa peine, elle a toujours su trouver des gestes ou paroles réconfortantes. Elle savait rester muette quand il le fallait ou bien parler quand on en avait besoin. Cette expérience nous aura bien rapprocher et l'aura profondément fait grandir je le sais.

Je finis par signer ces putains de papiers à la con. Je regarde le plafond de cette salle et me dit : papa je suis ta fille et je suis fière de porter ton nom, je ne le salirais pas je te le promets. 

Je pleure, mes larmes coulent sans que je ne puisse les contrôler. Il se casse de son bureau pour faire des photocopies. Je me lève :

- Quel con !

Je vais derrière son bureau et attrape des mouchoirs car il n'est même pas capable de m'en filer un ce salaud.

- Calme-toi, Sam tout de même !

- Je m'en fous maman, pour le prix qu'on le paye il pourrait bien m'offrir un mouchoir ce connard. 

- Chut!

Je parle fort et je m'en tape je sais que dans le fond j'ai raison. Je ne suis pas du genre à taper des scandales en public ou d'être vulgaire mais là c'était trop pour moi.

Je me rassois à côté de maman. Maintenant c'est la seconde partie : la vente de la maison. Mon cousin entre dans la pièce. On s'enlace et se réinstalle.
On fait le point sur tout. Puis la vente de la maison se fait. On lance deux trois blagues et mon cousin me fait rire. Heureusement qu'il est là, il détend l'atmosphère et j'en avais vraiment besoin.

A la fin du rendez-vous, on se retrouve dehors et je remercie mon cousin d'avoir fait ce qu'il a fait pour notre famille. La maison est dans un état pitoyable : tout est à refaire. Mais il le fait pour la famille, je le sais. Il habite dans le sud et reprends cette maison où il n'habitera même pas. Juste il veut la retaper et qu'on puisse y retourner dès qu'on en ressent l'envie ou le besoin. Cette maison devait rester dans la famille puisque grâce à elle, nous avons un accès libre à l'étang où repose papa. Sans cela nous pouvions plus y aller librement puisque nous étions plus propriétaires dans le lotissement.

Nous nous retrouvons à la maison de papa, fin du cousin maintenant. On lui montre tous les changements et ce que nous avons laissés puis on lui donne les clés. Nouvelle génération de Nacho qui reprend la maison c'est émouvant. Nous sommes ravis qu'il soit là et qu'il puisse la reprendre pour lui redonner vie afin que l'on se crée de nouveaux souvenirs. La maison a besoin de revivre.

On finit par boire une coupe de champagne, les émotions sont mélangées. On garde la maison mais elle rappelle beaucoup de souvenirs. Il faut continuer d'écrire le livre mais tourner la page... 


PATUTE, à coeur ouvertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant