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La Vérité Dévoilée

Après le repas, je quittai la salle à manger avec une fureur qui brûlait dans mes veines. Chaque pas résonnait dans le silence glacé du manoir, mais je n’entendais que le martèlement de mon cœur, une colère sourde qui se mêlait à une terreur nouvelle. Gautier avait été clair : mon destin était scellé, gravé dans ma chair par cette maudite marque, et mon rôle ici n’était rien d’autre que celui d’un sacrifice.

Je me dirigeai d’un pas décidé vers les appartements d’Hadrien. Il avait été mon confident, celui qui m’avait rassurée, celui qui m’avait offert une lueur d’espoir dans ce monde sombre. Mais il ne m’avait rien dit. Il m’avait laissée avancer dans cette mascarade, aveugle et naïve, alors qu’il savait ce qui m’attendait.

Sans attendre, je poussai la porte de ses appartements. Il était là, debout près de la fenêtre, son regard perdu dans l’obscurité de la nuit. Lorsqu’il se retourna et vit mon visage, sa propre expression se durcit d’une tristesse profonde.

« Agnès, » commença-t-il doucement, mais je n’avais pas la patience pour ses mots.

« Comment as-tu pu me laisser dans l’ignorance ? » crachai-je, ma voix tremblante de rage. « Comment as-tu pu me cacher une vérité aussi horrible ? Tu savais ce que Gautier avait prévu pour moi, n’est-ce pas ? Tu savais que cette marque scellait mon destin… que je ne suis ici que pour mourir ! »

Il resta silencieux un moment, baissant les yeux comme s’il ne supportait pas de me regarder en face. « Agnès… » murmura-t-il, et il y avait une sincérité déchirante dans sa voix. « Je suis désolé. Je ne savais pas comment te le dire. »

« Tu aurais dû me le dire ! » répliquai-je, sentant les larmes me monter aux yeux. « Tu aurais dû m’avertir dès le début, au lieu de me laisser croire que j’avais un avenir ici ! »

Je me sentais trahie, seule face à un destin cruel que je n’avais pas choisi. Je m’avançai vers lui, mes poings serrés, mais ma colère se mêlait à une douleur profonde, celle d’avoir été trompée par celui en qui j’avais placé ma confiance.

« L’ancienne reine, » continuai-je, ma voix se brisant légèrement, « elle avait la même marque, n’est-ce pas ? Et elle est morte pour ce même rituel ? »

Hadrien hocha lentement la tête, et je vis une étincelle de regret traverser ses yeux. « Oui, » avoua-t-il, la voix lourde. « C’était son destin… et c’est aussi le tien, Agnès. Je n’ai jamais voulu que tu l’apprennes de cette façon. Je voulais te protéger, te donner un peu de temps pour... pour vivre ici sans la crainte de ce qui allait venir. »

Mon cœur se serra en entendant ses mots. Comment pouvais-je lui pardonner ? Comment pouvais-je comprendre ses intentions alors qu’il avait scellé mon sort par son silence ? Mais en même temps, il y avait une part de moi qui voulait croire en sa sincérité, qui voyait la douleur dans ses yeux, le regret palpable dans chaque mot qu’il prononçait.

Sans que je ne m’en rende compte, mes pas me rapprochèrent de lui. La colère qui bouillonnait en moi se mélangeait à une autre émotion, quelque chose de plus profond, de plus troublant. Je m’arrêtai tout près de lui, si près que je pouvais sentir la chaleur de son corps, entendre le rythme de sa respiration, presque aussi instable que la mienne.

Hadrien leva les yeux vers moi, et dans ce regard, je vis toute la complexité de ses sentiments. Il tendit la main, hésitant, comme s’il voulait me toucher, me réconforter. L’espace d’un instant, le monde sembla s’arrêter, et je sentis une vague de chaleur m’envahir, une étrange sensation de sécurité, comme si, malgré tout, j’étais à ma place à cet instant, près de lui.

Mais alors que je pensais que ce moment allait sceller un lien nouveau entre nous, Hadrien se ravisa. Il retira sa main, le regret inondant de nouveau ses traits, et il détourna les yeux. « Je suis désolé, Agnès… » murmura-t-il, reculant d’un pas, mettant une distance entre nous. « Ce n’est pas... ce n’est pas ce que je devrais faire. Je suis désolé. »

Je restai là, figée, ma colère s'évaporant peu à peu, remplacée par une douleur sourde, une incompréhension mêlée de désarroi. Je l’avais cru, pour un instant, et maintenant il me repoussait, me laissant à nouveau seule face à ce destin inéluctable.

« Hadrien… » tentai-je de dire, mais les mots me manquaient. Que pouvais-je dire ? Que pouvais-je faire alors qu’il refusait de m’offrir ce réconfort dont j’avais désespérément besoin ?

Il me coupa, sa voix remplie d’une tristesse palpable. « Il vaut mieux que tu retournes dans ta chambre, Agnès. Nous parlerons plus tard, quand… quand les choses seront plus claires pour nous deux. »

Ses mots étaient un couperet, tranchant net le lien qui avait failli se tisser entre nous. Sentant ma gorge se serrer, je tournai les talons, quittant la pièce sans un mot de plus. La déception me pesait lourdement, mais une part de moi savait que je ne pouvais rien attendre de lui. Pas maintenant, alors que tout semblait s’effondrer autour de moi.

Je remontai dans ma chambre, chaque pas résonnant douloureusement dans le silence du manoir. Une fois la porte refermée derrière moi, je m’effondrai sur le lit, incapable de contenir plus longtemps les larmes qui me brûlaient les yeux.

Ma vie venait de basculer, et je me retrouvais prise au piège d’un destin que je n’avais jamais voulu. La marque, le rituel, le sacrifice… tout cela tournoyait dans mon esprit, comme un cauchemar dont je ne pouvais m’éveiller. J’étais bouleversée, terrifiée à l’idée de ce qui m’attendait, mais aussi troublée par ce moment passé avec Hadrien.

Dans ce bref instant où nos regards s’étaient croisés, j’avais ressenti quelque chose d’inexplicable. Une connexion, peut-être, ou simplement le besoin désespéré de m’accrocher à quelque chose, à quelqu’un, dans ce monde qui devenait de plus en plus sombre. Hadrien avait été là pour moi, il m’avait écoutée, même s’il m’avait déçue en me cachant la vérité. Mais au-delà de cette trahison, je ne pouvais ignorer ce que j’avais ressenti. Une chaleur, un besoin de proximité que je n’avais jamais éprouvé auparavant.

Je réalisai alors que mes sentiments pour Hadrien étaient plus complexes que je ne l’avais imaginé. Il était à la fois l’ami, le confident, et maintenant, quelque chose de plus. Quelque chose que je ne pouvais nommer, mais qui brûlait doucement en moi, une flamme vacillante dans l’obscurité.

Mais cette flamme était fragile, et le poids de la réalité la menaçait de l’éteindre à chaque instant. Comment pouvais-je aimer un homme qui m’avait menti ? Comment pouvais-je faire confiance à quelqu’un qui me repoussait alors que j’avais le plus besoin de lui ?

Je me sentais déchirée entre la colère que j’avais encore pour lui, et cette étrange attirance qui refusait de disparaître. Le destin cruel qui m’attendait rendait chaque pensée encore plus douloureuse, me plongeant dans un océan de confusion.

Allongée sur ce lit froid, je me demandais comment j’allais pouvoir affronter tout cela. Les réponses ne viendraient pas ce soir, je le savais. Mais une chose était claire : je ne pouvais pas rester passive, attendre que ce destin tragique se déroule sans rien faire. Que ce soit pour me sauver ou pour affronter ce que j’éprouvais pour Hadrien, je devrais me battre. Et cette nuit, malgré la douleur et les larmes, je jurai de ne plus jamais laisser quelqu’un d’autre décider de mon sort.

EldoriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant