Le bain de la mort

Atrocité

"Tu es sûre de toi, Anna ? Je ne veux pas te faire peur, mais..."

    Tapie dans les tréfonds du sombre sous-sol d'un musée prestigieux, se trouvait une jeune femme frêle, couverte d'une fine et longue robe blanche tachée de terre et de larmes. Elle était entièrement recroquevillée dans le coin d'une salle de rechange, tremblotant comme une feuille en fixant avec de grands yeux effrayés sa partenaire qui se libérait de sa propre robe dans un calme et une sérénité bouleversante au vu de la situation. Celle-ci, nommée Anna, répondit sur un ton tout à fait posé :

- "Qu'est-ce que je risque, après tout ? Peu importe ce qu'il adviendra de moi, c'est ma seule chance pour échapper à tous ces malades. Merci à toi, d'ailleurs.

    L'autre femme soupira faiblement. Être l'objet de cette expérience la terrifiait tant qu'elle avait offert ce rôle sans la moindre hésitation à sa camarade.

- Mais... La mort ne te fait pas peur ? Qui sait, peut-être qu'il t'arrivera pire que ça ?

    Anna se tourna vers son interlocutrice, ses yeux plus durs avant de continuer sur un ton sans appel.

- Rien ne me fera changer d'avis, Linda. Il est hors de question que je passe une journée de plus ici."

    Linda détourna le regard, ses joues enflées rougissant de honte et son œil restant se remplissant de larmes. Anna était la seule personne qui lui restait. La contempler ainsi, prête à embrasser son potentiel décès avec amour et passion était absolument déchirant. Comme si elle saisissait son âme pure et l'arrachait de sa chair. Elle sanglota silencieusement tandis que son amie peinait à rester de marbre. Son faciès s'adoucit et elle s'accroupit devant elle, glissant son pouce sur sa joue rouge pour y effacer le joyau de tristesse. Elle lui sourit tendrement, mais tristement. L'abandonner ainsi était extrêmement douloureux, mais cette vie était tout bonnement un calvaire. D'un ton bien plus doux, elle lui murmura :

- "Et puis... On se verra dans l'au-delà, tu sais ? Au pire...
    Elle se pencha tout près de son oreille, pour y chuchoter :

- Si c'est trop dur pour toi, tu peux toujours m'y suivre lorsqu'ils auront le dos tourné."

    Linda demeura silencieuse, mais au fin fond de ses entrailles, elle le savait, elle le sentait. Elle savait qu'elle serait incapable de passer une seconde sans son amie. Une seconde de trop dans cet enfer.

"UNE MORT SANS DOULEUR ET SANS PIQÛRE : L'INVENTION DE NOTRE DÉCENNIE ?"

Le célèbre scientifique Ignace Rushter nous révèle dans sa dernière interview son projet en cours... "Le bain de la mort" ! En effet, avec un mélange dont il a refusé de préciser les contenants, il serait possible d'obtenir un décès indolore, voire même agréable d'après ses mots, simplement en plongeant l'entièreté de notre corps à l'intérieur..! Un décès agréable ? Mais qui pourrait croire ça ? Il s'avère que certains éléments chimiques présents dans la solution pourraient mener à des sensations plaisantes à des degrés plus ou moins élevés en fonction de la sensibilité du client. Toutefois, Ignace demeure discret sur cette innovation étant donné qu'elle est encore en pleine expérimentation.

    Une foule absolument incontrôlable se pressait contre les fenêtres de la salle de verre. Aujourd'hui, dans la pièce centrale du plus grand musée préhistorique existant sur cette planète, allait se dérouler publiquement la toute première véritable expérimentation du "bain de la mort." Des centaines de téléphones se dressaient dans les airs, des dizaines de journalistes, de photographes et d'autres scientifiques étaient présents sur les lieux. On avait aujourd'hui un évènement absolument bouleversant qui allait se dérouler devant le monde entier. Nombreux criaient à l'attention du scientifique, d'autres étaient sur le point de tomber dans les pommes, et certains restaient silencieux, absolument impatients de voir ce qui allait en sortir.
    Ignace monta sur un piédestal, à l'intérieur de la case de verre. Ses cheveux gris étaient coiffés avec une telle perfection qu'elle reflétait la lumière des ampoules, son tailleur ne présentait pas le moindre défaut. Dans ses yeux brillait une fierté absolue. Un sourire rempli d'une indéniable confiance illuminait son visage, et il se mit à parler.