Chapitre V- Un jour de l'Oumm haut en couleurs - Bala/Zayn

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Lorsque Bala était enfant, le jour de l'Oumm était celui qu'elle attendait avec impatience. Sans être une fête religieuse, contrairement à l'Aïd, c'était un moment de partage, rempli de tendres souvenirs. Les rires, l'odeur des pâtisseries sucrées, la promesse des cadeaux pour fêter l'arrivée de l'Oumm en Hassadie était un rituel bien ficelé, qu'elle connaissait par cœur.

Ici, dans le Premier Monde, le jour de l'Oumm n'était qu'un triste vendredi parmi d'autres. Et cette fois-ci ne faisait pas exception. La première chose que fit Bala en se levant fut de regarder son téléphone, espérant y voir le nom de Kamra ou Qadir mais les notifications étaient désespérément vides alors elle envoya le premier message, leur souhaitant une bonne fête. Elle fut tentée de poursuivre en disant qu'ils lui manquaient terriblement mais elle savait pertinemment que cela n'aurait rien changé.

Kamra était Dieu savait où, ne répondant aux messages qu'en cas de nécessité et Qadir était aux Etats-Unis, véritable électron libre qui semblait n'avoir eu pour famille que ses amis des quartiers riches de Boston et les boissons alcoolisées qui trônaient la plupart du temps, en arrière-plan sur ses réseaux sociaux. Ils répondraient au message, pour prouver qu'ils étaient encore en vie et pour perpétuer la seule chose qui les unissait, une fête célébrée tristement seulement par eux quatre. Kamra se contenterait d'aller à l'essentiel, avec une ponctuation et une orthographe irréprochable tandis que Qadir enverrait émoticône sur émoticône, en finissant par une petite blague mesquine sur Zayn.

Le jour de l'Oumm tombait cette année sur un vendredi ensoleillé, un jour de fin d'été. Par la fenêtre, Bala pouvait voir le doux frémissement qui secouait les feuilles des arbres. L'herbe, qui avait été verdoyante en début de saison, avait été impactée par la sécheresse et des zones jaunâtres s'étendaient ici et là, à l'instar des mauvaises herbes que Zayn avait épargnées. Au milieu du paysage, juste avant la lisière du petit bois qui bordait le village, le chêne étendait un peu de son ombre salvatrice en cette période, aussi sublime et majestueux que les années précédentes. Aux branches les plus basses, Bala avait accroché des rubans bleus et verts, maigres décorations pour les festivités mais elle aimait les voir virevolter au vent, dansant à leur manière. Elle aurait pu les contempler des heures, se noyant dans la lumière estivale et dans le silence apaisant mais Zayn n'allait pas tarder à rentrer.

Elle s'arracha de sa contemplation et remonta rapidement dans la salle de bains, faisant grincer de mécontentement les escaliers de bois. Dans un rituel parfait, exécuté depuis ses huit ans, elle attrapa sa boîte de lentilles de contact et en vérifia le nombre. Ici, dans le Premier Monde, personne n'avait les pupilles rouges, ni même une couleur qui s'y rapprochait. Haytham avait rapidement compris que les yeux de ses protégés n'étaient pas communs et, après les avoir cachés du monde pendant cinq mois, était revenu un jour avec des lentilles colorées. De rubis, leurs yeux étaient devenus aussi sombres que l'onyx. Ils avaient eu le temps de tester différentes lentilles, différentes couleurs mais Bala avait aimé le noir qui s'accordait à sa chevelure. Elle tressa celle-ci en deux tresses distinctes, les enroula en chignon et les cacha sous un voile bleu sombre. Quand elle redescendit dans le salon, Zayn était déjà là, observant lui aussi le jardin, un bouquet de jacinthes bleues à la main. Elle essaya de s'approcher sans faire de bruit mais il se retourna immédiatement, aux aguets.

-Tu m'as fait peur, dit-il en s'avançant.

Elle lui adressa une moue désolée et il soupira faussement, pas dupe. Pour l'occasion, il s'était vêtu du pantalon en lin blanc et d'une chemise bleu clair, la seule qu'il devait avoir dans sa garde-robe. Ses cheveux bruns étaient à moitié attachés en un chignon un peu maladroit. Une chose que Bala enviait chez Zayn était sa peau mate, qui était sublimée par l'été, là où sa peau blanche tournait au rouge écrevisse si elle exposait son visage plus de deux minutes face au soleil. Zayn n'avait pas ce problème, il pouvait bien passer une journée entière dehors, sa peau resterait bronzée, ne s'assombrissant que légèrement en été pour faire durer cette impression de vitalité jusqu'en hiver. C'était tout simplement injuste. Fort heureusement, le jeune homme compensait cette injustice par sa gentillesse.

Les Héritiers de l'Hassadie : Le Chant des Khadymm (Premier Jet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant