Chapitre 13

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Je tends la main, paume ouverte.

_ C’est fini.

Le jeu.

La leçon.

___ Donne-moi ça.

Je lis la méfiance dans ses yeux. Elle ne me croit pas. Mais il y a aussi un éclat de vulnérabilité. Elle veut me croire. Pour finir, un sale mélange de choc et de colère l’emporte et déforme son beau visage.

Sans me quitter des yeux, elle se prépare. Elle crispe son doigt sur la détente, pour bien la sentir. Le temps se fige. Mon cœur aussi. Il ne reste qu’elle, moi et ce revolver. Comme si elle prenait du recul, elle fait un pas en arrière en s’assurant que je ne puisse pas l’attraper tout en continuant de pointer son arme sur mon cœur.

Le corps humain est conditionné pour réagir instinctivement. L’accélération de mon rythme cardiaque est une réaction involontaire. Cet organe réagit aux menaces. Nous sommes connectés l’un à l’autre, nous respirons le même air et avons le même instinct de survie.

Comme un chasseur et sa proie, nous sommes connectés de la manière la plus intime pendant cette seconde qui sépare la vie de la mort. Pendant cet instant, nous vivons l’un au travers de l’autre. Je ressens ce qu’elle compte faire avant même de lire la lueur dans ses yeux et de voir que ses pupilles se contractent.

À notre grande surprise à tous les deux, elle franchit le pas. Elle fait le grand saut duquel il n’y a aucun retour possible. Au lieu de choisir la manière rapide et sans douleur, elle vise mon ventre.

Clic.

Le chien frappe le percuteur, déclenchant le chargeur vide.
Son visage devient blême. Elle est choquée de l’avoir fait, d’avoir risqué de me tuer. Ou peut-être de ne pas l’avoir fait. D’avoir opté pour une souffrance lente et atroce au lieu d’une mort rapide et sans douleur.

Peut-être est-elle le plus surprise par ce dernier fait. Bon sang, moi aussi. Je ne pensais pas qu’elle en était capable, pas même une seconde, et je ne peux que la respecter pour cela.

Le revolver lui échappe des mains et frappe le sol avec un bruit métallique. Elle recule tandis que ses yeux passent de lui à moi.

_ Jacky.

Elle se fige en entendant le ton autoritaire de ma voix. Son regard se pose sur l’arme inutile par terre.

___ Regarde-moi, lui ordonné-je doucement.

Elle lève les yeux vers moi.

___ Elle n’était pas chargée, déclaré-je en avançant vers elle prudemment. Le chargeur était vide.

Elle secoue la tête et les mèches de ses cheveux volent autour de son visage. Elle ne veut pas croire ce qu’elle a devant les yeux, alors de là à me faire confiance…

J’avance encore d’un pas.

__ On ne m’aurait jamais permis de porter une arme chargée à l’aéroport.

Ses yeux s’éclaircissent un peu quand elle saisit la portée de ce que je viens de dire.

___ C’est terminé, poursuis-je en m’approchant d’elle pour la prendre dans mes bras.

Il ne serait rien arrivé.

Toute la sauvagerie piégée en elle explose. Elle se débat comme une lionne, me donnant des coups de pied, me griffant et hurlant. Sans beaucoup d’efforts, je la serre dans mes bras et la soulève. Nos torses nus plaqués l’un contre l’autre, je la laisse continuer jusqu’à ce qu’elle se fatigue et s’affaisse comme une poupée de chiffon dans mes bras. Des sanglots secs secouent ses épaules.

_ Chut, dis-je en effleurant son front de mes lèvres. Je ne laisserai jamais rien t’arriver.

_ Je te déteste, répond-elle d’une voix grave et brisée. Peu importe combien tu peux me haïr, je te détesterai toujours plus.

_ Je ne te hais pas Jacky !

Je passe un bras sous ses genoux, la soulève dans mes bras et la porte dans la salle de bain.

Elle n’arrête pas de se débattre, mais ses efforts sont faibles et sa force épuisée.

_ Pose-moi par terre.

_  Dans un instant.

Quand je la pose enfin, elle enroule ses bras autour de son corps et reste debout à trembler. J’ouvre le robinet de la douche et laisse l’eau se réchauffer pendant que je me déshabille rapidement. Après avoir vérifié la température, je la porte sous le jet d’eau. Elle siffle quand l’eau coule sur ses fesses.

Je ne traîne pas.

Je ne prends que le temps nécessaire pour la laver et lui faire un shampoing. Son regard sauvage provoque des choses en moi, des choses que je n’aime pas. Je la préfère largement quand elle est comme ça, elle-même et normale. Pas laide à l’intérieur.

Ça, c’est moi.

C’est réservé aux monstres.

Elle est passée de tremblante et enragée à molle et vide quand j’ai fini. Je la sèche avant de prendre une serviette pour moi. Je l’assieds sur le couvercle fermé des toilettes et m’empare du sèche-cheveux. Elle me laisse faire, sans un mot ou un regard vers moi ni dans le miroir.

Elle reste silencieuse pendant que je sèche ses cheveux, acceptant le sort que je lui réserve, quel qu’il soit. Ce n’est pas grave. Ce n’est pas le bon moment pour parler.

Je la porte jusqu’au lit, ouvre les draps et l’allonge. Elle se recroqueville comme un oeuf.

*

Une fois que je l’ai bordée, je tamise la lumière pour qu'elle puisse bien se reposer. Je ramasse l’arme en lui jetant un coup d’œil. Elle ne me regarde pas. Elle fixe le mur, les yeux vides.

Je range l’arme dans le coffre-fort, je la nettoierai plus tard. La seconde qui suit, je me glisse au lit, tout près. Elle ne proteste pas quand je me love contre elle, son dos et ses fesses épousant parfaitement mon torse et mon entrejambe. Je n’ai jamais tenu une femme ainsi, et je prends un instant pour savourer la chaleur qui irradie de sa peau.

POURQUOI J'AI TUÉ MON MARI ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant