Chapitre 39 Antoine

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Je ne pourrai comprendre le choc électrique parcourant tout mon corps en entendant ces mots. Je ne pourrai clairement dire l'heure de cette journée catastrophique et confondre le lieu sur lequel je me trouve. Je sais juste une chose, c'est que je tuerai Rainer Klein, de mes mains.

« Antoine ? Antoine, tu vas bien ?

– Je dois te laisser Wolfgang, retourne à ta nouvelle famille.

– Ne fais rien s'il te plaît.

– Je ne ferai rien qui puisse nuire à ta sœur, ne t'inquiètes pas. Maintenant, file. »

Il hésite pendant une demie fraction de seconde, mais je profite de l'apparition de soldats communistes pour imposer mon autorité pour le faire partir. Je ne veux pas l'entraîner avec moi dans ma chute, je ne peux pas, pas lui, pas maintenant... Maintenant que j'ai appris sa future paternité, je ferai tout ce qui est en mon possible pour éloigner mon acolyte du côté obscur de cette résistance, l'éloigner pour qu'il ne subisse pas de représailles, je veux qu'il vive une vie familiale merveilleuse loin de toutes ces magouilles, ces vengeances et ces dommages collatéraux.

Comme si cela était inscrit dans un de mes sens primitifs, je cours presque jusqu'à la demeure d'Elvire, encore un peu délabrée, mais grâce aux travaux entrepris par son frère elle retrouve une allure presque guérie des six années de conflit. J'attends devant la façade principale, guettant la moindre apparition du salaud. Je ne laisserai pas cette femme s'enfermer dans un cercle de violence dont elle ne sera plus capable de sortir. J'observe chaque individu, un à un, animé de ce puissant désir de vengeance, autant de ma vengeance que de la sienne.

Il est là.

Sans que mon cerveau n'ait le temps de me dicter quoi faire, tel un animal sauvage, je me rue sur Rainer, qui visiblement ne m'a pas vu venir à constater la surprise dans ses yeux de vipère.

« Que puis-je faire pour vous mon cher ? Venez-vous me remercier de vous avoir sauvé de Krämmer ?

– Je vous ordonne de me suivre. »

Sa gorge se serre, incapable de retenir son agacement face aux obligations de se soumettre après la défaite. Malgré cela, le fumier obéit sans rechigner, conscient des conséquences. Nous marchons jusqu'à la sortie de la ville, plongeant dans les ténèbres d'une forêt. Je le vois se tendre, sa respiration devient vite irrégulière, je ne peux m'empêcher de libérer un rictus face à ce revers de médaille. Je l'arrête d'une main, et sans grande surprise, Klein tente de s'enfuir.

Je me pince la lèvre, déjà très agacé, dégaine mon revolver et tire dans les nuages. Il se retourne, je ne saurai dire si c'est à cause de la détonation ou du lieu malsain que j'ai choisi.

« Alors Klein, on n'a plus son rôle de grand méchant nazi ? C'est la forêt où tu t'es fait lynché la gueule par des juifs qui te fait cet effet là ?

– Ferme-la. »

Je m'approche de lui, d'un pas lent et assuré, soudainement l'air empeste d'une relation de prédation, bien qu'elle soit malsaine, elle en est presque jouissive. Son regard se ancre dans le mien, je peux y voir de la peur, la peur de revivre sans cesse un évènement traumatique. La peur de subir ce qu'on fait subir, la peur de recevoir le revers de médaille que l'on mérite. Je vois les traumatismes de la guerre et de la détention, je les vois, je les sens à la crispation de son corps, à sa respiration courte quasi pas remarquable.

« Qu'est-ce que tu vas faire sinon, Rainer ? Envoyer ton traître de Colonel me torturer ?! Ri-je presque. »

Ma réflexion ne semble pas le surprendre. Je lui assène un coup de poing en plein milieu du visage. Il vacille, tente avec des gestes maladroits de se stabiliser, mais je le frappe, encore, encore, encore... La sensation de mes phalanges tranchantes sur sa peau ne peut être refusée, je m'en délecte, il se débat, se défend. Je tombe sur le côté dès que ce connard enfonce ses doigts dans mes yeux. Je le laisse quelques secondes reprendre confiance en lui, contractant tout mon corps, contrant ses attaques de lâche à des endroits qui sont imperceptibles habillés. C'est alors que, le souffle court, je balance un coup de pied, un frontal, dans sa rotule, et me relève en un temps trop court pour être compté. J'essuie sur le revers de ma manche le léger filet de sang, ne réfléchissant pas, je continue la pluie de violence dans ses côtes.

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