02. Renouveau

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(TW : Drogue, injures, vocabulaire explicite.)



"Voir son meilleur est accepter son pire."

Hope Rosa Howell

La nuit venait de tomber et la pluie n'était plus aussi dense que tout à l'heure. Dès lors que mes pieds avaient franchis le seuil de cette maison, ma seule occupation était de patienter. J'avais quitté mon père pour joindre ma chambre et m'étais écroulée contre mon matelas moisi. Sans même ne m'en cacher, je ressassais les dialogues échangés entre ma psychiatre et mon géniteur. J'essayais – au-delà de mes capacités cognitives – d'analyser tous les défauts de cette conversation en attendant le message de la concierge. J'ai presque cru me revoir, dix ans en arrière, alors que je n'étais qu'une enfant qui patientait pour rendre visite à sa mère.

Durant toutes ces années, Greta — la concierge — a toujours été présente pour moi. Elle s'efforçait de veiller, s'occuper et de nourrir ma famille. Lorsque je rentrais de l'école remplie de bleus, elle m'invitait dans son studio défavorable et me préparait des soupes aux légumes. Lorsque mon père avait levé la main sur Bianca pour la toute première fois, Greta lui avait agencé un lit confortable où se reposer et avait nettoyé le sang qui s'émancipait de son crâne. Lorsque Winnie — mon frère — s'était fait humilier par ses camarades à cause de sa dyslexie, elle a décidé de se déplacer dans son école primaire pour attaquer les parents d'élèves, mais elle a aussi voulu lui apprendre à différencier les lettres pour qu'il s'améliore.

Tout au long de notre vie, Greta nous avait supporter lors de ces épreuves. Quel que soit leur difficulté, elle était là, patientant avec nous.

Nous patientons pour oublier.
Nous patientons par chagrin.
Mais avant tout, nous patientons par habitude.

Le visage bloqué à travers les plumes de mon coussin, je revivais ces moments-là comme s'ils étaient ancrés en moi. Plus rien ne m'importait à part ces seuls souvenirs que je détenais de mon enfance. Ces seuls souvenirs qui firent glisser une larme acide sur le dessus de mes joues. Le sentiment qui brulait en moi était ardent. Mon regard se tourna rapidement vers la tapisserie fleurie arrachée des murs de ma chambre, mais aussi vers l'eau qui s'échappait du toit et du sol. Autrement dit, j'observais avec nostalgie tout mon monde s'écrouler peu à peu. Il n'était plus le mien, et lui, tout comme mon voisinage, ne tenait plus à moi. Les structures de ma chambre me lançaient des signaux pour que je dégage de cet appartement comme si mon géniteur lui avait fait passer le mot. Je lâchais un soupir incontrôlé et me redressais, la couverture sur mes jambes et les mains qui essuyaient mes yeux mouillés. 

Cet endroit n'était plus le mien, mon cœur ne lui appartenait plus.  

— Hope ? Tu es rentrée ? Distinguai-je au loin. 

Mes sourcils se froncèrent. 

Avachie sur mon lit, les draps étaient encore tachés par le sang et enrobés de fumé, une somptueuse panique m'habita soudainement. Ce fut une panique indomptable, inévitable mais surtout inexplicable. Elle s'était accrochée à mes tripes, contournant mon cerveau et blessant mon cœur alors que j'étais sur le point d'allumer un autre joint. J'ai toujours pensé de cette façon ; garantir une dosette de tout ce que je percevais comme bon pour mon âme lors même que ça ne l'était pas du tout. Je pourrais m'en procurer et en consommer tout en voyant la mort à la fin de cette douce latte de bonheur. Cette latte qui s'effaçait délicatement sous les souffles que jetaient mes lèvres bleutées. 

Elle m'obligeait à recréer le souvenir de ce mouvement ; avaler et inhaler. Et me voilà, à l'entente de la voix de mon petit frère, balancer mon sachet de cocaïne derrière mon armoire et débarbouiller mon visage afin d'effacer toutes traces de drogue autour de mes yeux et de mon nez. Me voilà, avec rapidité, sécher mes larmes et remettre mes cheveux en place. 

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 22 ⏰

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