Chapitre 1 - La troupe

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Nos corps encordés s'accordent sans peine, bien mieux que cordialement ou même que passionnément, c'est pure fusion faite d'air. Sur notre cordillère d'acier, légers, légères. Corps Incorrects Rutilants Quantiques Univers Entrelacés : cirque. Redescendu·e·s, nos pieds tracent au cordeau la ligne de nos rêves dans la sciure de la piste. Coriaces, incorrigibles, corrélé·e·s, incorruptibles, cordée de corsaires – non, de pirates, cornacs et cosaques, nous glissons sur les tissus et les cordes, nous dansons sur les câbles et les cordes, avec l'élégance du cormoran, l'arrogance des corvidés, la corpulence lourde de l'hippopotame et soudain celle légère du colibri.

Dès avant l'entrée en piste, quand la fildefériste cordelle ses cheveux, que l'aérien noue son corset. Pendant l'explosion sur la piste - éblouissement émotion poésie rire nous sommes CORDITE à corps et à cris, nous devenons, nous sommes, cordis, redevenant chordés avant d'être sapiens, homo, hominini, homininés, hominidés, hominoïdes, catarrhini, simiiformes, primates, euthériens, mammifères, synapsides, amniotes, tétrapodes, vertébrés, nous confondant avec nos colonnes vertébrales. Les semelles de caoutchouc, celles de corde, les plantes de pieds nus, ou protégées par les minces croûtes de cuir plaquées lacées serrées, correspondent d'un bout à l'autre de la piste, des coulisses à la lumière. Nous corrodons l'ennui et corrompons la solitude, cortège magique dans un corral de bric et de broc, jusqu'à l'après, le repos, le relâchement des corps, jusqu'aux traces du métal et du bois sur nos membres, nos muscles dessinés par la douleur restante d'un peu trop d'activité, la peau alerte voire cuisante d'étreintes inhabituelles, disons même, improbables.

Jawad l'aérien est un cordon bleu, il nous prépare des petits plats roboratifs, corégones à la coriandre et seitan épicé, tandis qu'Hua la jongleuse est sous une douche brûlante. Ida la cordelissiste masse la fildefériste Berghildur, qui songe aux nouveaux chaussons qu'elle doit commander à la cordonnière, précis et robustes, tout en passant du coricide sur ses pieds, il lui faut de la corne certes, mais pas trop quand même. L'acrobate au mât chinois, Teotl, plie un corsage soyeux sur un pantalon d'entraînement usé jusqu'à la corde. « J'aimerais un corindon pour mon diadème » chantonne Sam, reine de la roue cyr. Le clown équilibriste Léo décortique le déroulé : côté scène, quelques faux pas (Summer la trapéziste grimace, ce fichu accrochage sur les talons, « Brillamment rattrapé, si je te jure ! Tellement naturel, personne ne l'a vu, sauf nous bien sûr ») et de grandes réussites (« par contre ta chute chevilles, im-pec-ca-ble ! »), côté coulisses (« il faut ranger ce monocycle girafe ailleurs, j'ai encore failli m'encoubler dedans en sortant de scène !! »), côté public (« quelqu'un·e peut me dire pourquoi ils applaudissent toujours quand on fait des figures un peu tape-à-l'œil mais faciles et jamais quand on exécute certaines de nos plus grandes prouesses techniques ? »).

« On a assuré encore, c'était une belle soirée.

- On fait ce qui est dans nos cordes !

- ...

- Tes jeux de mots hein... »

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