Mon souvenir perdu (Mein verlorenes Gedächtnis)

Chapitre 2

Je suis accroupi dans la future salle de bain, prenant des mesures pour les conduits. Ça fait trois semaines qu'on est sur la construction de la demeure et pourtant tous les murs sont fait, y compris le toit. Nous commençons à peine à ajouter les fenêtres, portes, baies vitrées, etc. On m'a ordonné de m'occuper de salle de bain et de trouver des meubles sur mesure pour. Donc pour l'instant je travaille avec le mètre et de la paperasse : documents à remplir pour les dimensions ; les souhaits des Jisung (ce qu'ils veulent, avec les contraintes) ; les plans 3D.
J'étais tellement concentré que je sursaute presque quand je me rends compte d'une présence derrière moi quand je me retourne. Je lève la tête pour regarder le visage de l'homme devant moi. Mais quand mes yeux se posent sur son visage, je me rends compte qu'il est plus jeune que ce que je pensais, un adolescent si je ne m'abuse.
  "Tu fais quoi ici, petit ?"
Je demande au garçon, restant accroupi devant lui. Il a déjà la tête baissée, son regard dirigé sur le mien. Ses cheveux noirs sont lisses, retombant légèrement sur ses yeux.
  "J'observe. Je suis venu avec mes parents.", il me répond simplement.
  "Tu es le fils des Jisung ? J'avais supposé qu'ils avaient un enfant grâce aux plans de la maison. Mais je n'ai jamais entendu parler de toi.
  - Je m'appelle Joon-ho, ajusshi.
( 'Ajusshi' = terme coréen pour "monsieur" )
  - Bastian. Enchanté, Joon-ho." dis-je poliment avant de me retourner pour refaire face au mur où je prenais des mesures.
Je ne m'occupe pas trop de ce garçon, après tout, j'ai mon travail à faire. Mais après une minute de silence presque malaisant, pour moi, dans laquelle il reste là à m'observer sans un mot, je décide de bavarder un peu.
  "Tu comptes rester là combien de temps ? Et si tu veux vraiment m'observer, approche-toi un peu plus. Tu ne vois rien de là où tu es." ajouté-je avec un peu d'engouement (enthousiasme), histoire d'alléger l'atmosphère.
Au bout de quelques secondes, il se place accroupi à côté de moi mais à une distance raisonnable. Je continue donc de prendre les mesures et de les noter précautionneusement sur mes fiches.
  "Dis. Tu voudrais m'accompagner chercher à boire pour les ouvriers ?" Je propose au plus jeune, tournant la tête pour le regarder.
Je ne suis pas du genre sociable, mais j'ai pas envie de rester dans cette situation de silence malaisant indéfiniment. C'est désagréable, non? Il me regarde un moment, un peu surpris mais il finit par hocher la tête légèrement.
  "Pourquoi pas ? J'ai que ça à faire."

Après un instant, on sort du terrain de construction, nous nous dirigeons vers mon véhicule. Je prends les clés de ma voiture et ouvre la portière du côté passager, la tenant pour l'adolescent. Je le laisse s'installer, entendant un "Merci" chuchoté de sa part, avant de fermer la porte et d'aller du côté conducteur. Je démarre le moteur et commence à rouler vers un magasin pas loin d'ici. Je coupe le silence en faisant la causette.
  "Alors, tu as quel âge ? Tu ne m'as pas l'air d'avoir la majorité.
  - Quinze ans. Et vous ?
  - Vingt-cinq ans. Tu es en seconde ?"
Il hoche la tête légèrement en guise de réponse, puis le silence refait place.
Je conduis silencieusement mais sans qu'il y ait forcément un malaise. Je ne mets pas de musique parce que je ne pense pas qu'on ait le même style musical. Je l'observe du coin de l'œil de temps en temps, analysant le jeune à côté de moi. Nous arrivons à l'alimentation, je me gare donc devant celle-ci. On sort de la voiture et entrons dans le petit magasin.
  "Je vais chercher les boissons pour les autres. Prends ce que tu veux si tu en as envie." proposé-je poliment malgré le ton de ma voix plutôt familier.
Il me regarde un moment, j'ai l'impression qu'il est surpris. Je sais que j'ai l'air d'être quelqu'un de froid ou encore intimidant, et je le suis. Juste, je ne sais pas. Même le plus grand méchant peut être gentil de temps en temps, non? Puis, il hoche la tête légèrement en guise de réponse. Je sens que c'est comme un tic pour lui, juste parce qu'il le fait souvent. Je me retourne donc et me dirige vers les frigos pendant que Joon-ho va de son côté.

Après avoir pris des bouteilles d'eau et des canettes de café puis les mettre dans un sac plastique, je le rejoins. Il observe un paquet de snacks, des "Pocky". C'est des sortes de bâtons enrobés d'une couche de chocolat ou de fraise ou encore de thé vert. Je ne connais pas ce genre de sucreries, ce n'est pas mon "truc". Mon regard se tourne vers l'adolescent qui continue d'observer les sucreries silencieusement. Je tends ma main et prend une boîte de Pocky au chocolat.
  "Chocolat, ça te va ? Tu peux les avoir si tu veux. Dis le moi juste, c'est moi qui propose donc ne te sens pas gêné de me demander quoique ce soit."
Il hoche la tête, encore, avant de prendre la boîte de ma main. Ses mouvements sont hésitants, il est clairement gêné et timide, c'est mignon. Je me retourne et marche vers le comptoir où le caissier est, le sac plastique rempli de boissons à la main. Je pose mes achats sur le comptoir pour que le caissier les scanne.
Ensuite, une petite main apparaît dans mon champs de vision. C'est celle de Joon-ho, il pose les Pocky à côté des boissons.

Après avoir payé, on revient où les travaux ont lieu. Je vais donner le sac de boissons aux ouvriers alors que le petit me suit toujours. Je donne juste le sac à l'un des travailleurs et retourne à la salle de bain. L'intéraction était très rapide, effectivement je n'aime pas sympathiser sauf s'il le faut. Je continue donc de prendre les mesures nécessaires pour mettre les conduits et même pour l'emplacement des futurs meubles. Après un moment, je m'arrête et tourne la tête vers le jeune adolescent à côté de moi. Il m'observe sans commentaires mais non-stop surtout.
  "Tu aimes bien la menuiserie ?" demandé-je curieusement mais sans plus.
Il me regarde et ensuite tourne son regard vers mes fiches 3D de la maison. Il les pointe du doigt et rencontre mon regard une fois de plus.
  "Ça. C'est intéressant..."
Il murmurait presque. Mais sa petite voix est... agréable. Je secoue ma tête intérieurement, histoire de ne pas paraître bizarre mais en même temps me changer les idées. Je prends les fiches et les lui tend. Il prend les représentations 3D de la maison de mes mains.
  "Tu aimes l'architecture? Et bien, ça change des jeunes qui sont sur leurs écrans. Bien que je ne les blâme pas, juste que c'est plus intéressant d'observer en temps réel que sur des pixels. Verzeihung, je parle trop."
( 'Verzeihung' = "excuse-moi" en allemand )

Qu'est-ce qui m'arrive?! Je ne parle pas autant d'habitude, même si c'est mon opinion dans cette situation. Et m'excuser ? Même mon égo a disparu.