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- Dépêche !

- Détends-toi un peu, OK? J'ai presque ter- miné...

Accroupie dans l'obscurité, Marina était en train de tracer le N final à la bombe avec une moue concentrée. Agenouillé à côté d'elle, Mark tenait la lampe torche. Leurs voix résonnaient dans le couloir vide. Le rayon lu- mineux qui éclairait leur chef-d'œuvre tremblait chaque fois que Mark pouffait.

Soudain un bruit sec les fit sursauter.

Des lumières se mirent à danser au plafond, avant d'inonder le hall du lycée.

Deux uniformes venaient d'apparaître près de la porte.

Marina baissa lentement le bras. Elle oublia de relâcher son doigt sur la bombe de peinture et son tag bava en travers de la porte du bureau du proviseur, jusque sur le lino. Le résultat était presque inquiétant.

- Cours!

Au moment où le mot franchit ses lèvres, elle avait déjà filé. Les semelles de ses baskets couinaient dans le grand couloir désert du lycée Brixton Hill. Elle détala sans prendre le temps de vérifier si Mark la suivait.

Et Harry? Où était-il ? S'il se faisait encore attraper, son père le tuerait. Après avoir pris un virage à fond de train, Marina s'enfonça dans un corridor sombre. Elle aperçut au bout la lueur verte d'une sortie de secours. Tandis qu'elle s'élançait vers la liberté, le frisson de la victoire l'électrisa. Elle allait réussir à s'échapper ! Marina percuta le double battant de plein fouet et poussa sur la barre qui devait la sauver.

La porte ne bougea pas d'un millimètre.

Atterrée, elle s'arc-bouta et réessaya de toutes ses forces. C'était verrouillé.

« Une issue de secours bloquée... C'est la meilleure! pensa-t-elle. Si je n'avais pas tagué les bureaux, j'alerterais tout de suite les journalistes. »

Elle étudia le couloir, fébrile. Les policiers barraient l'accès à la sortie principale.

Il devait bien y avoir une autre issue. Elle retint son souffle et écouta. Des voix et des bruits de pas se rapprochaient.

Découragée, Marina se laissa tomber à genoux et baissa la tête. Ça ne pouvait pas se finir comme ça. Ses parents allaient l'étrangler pour de bon. Une troisième arresta- tion en un an? La situation était déjà assez critique quand ils l'avaient inscrite dans ce lycée minable. Où allaient-ils l'envoyer cette fois?

Elle repéra soudain une autre porte à proximité et s'élança.

« Un, deux, trois pas », compta-t-elle en silence.

Elle appuya sur le loquet. Fermé.

Elle traversa le couloir en direction d'une troisième issue.

« Un, deux, trois, quatre pas. » Celle-là ne céda pas non plus.

Marina fonçait droit sur les policiers désormais. C'était insensé !

Enfin la quatrième porte s'ouvrit... sur un placard à fournitures.

« Ils laissent la réserve ouverte mais ils ferment à clé les salles de classe vides? Ce lycée est vraiment dirigé par des abrutis »

Elle se faufila avec précaution entre de hautes piles de papier, des balais à franges droits dans leurs seaux et des appareils qu'elle ne parvint pas à identifier dans la pénombre, puis elle laissa la porte se refermer et tenta de reprendre sa respiration.

Il faisait noir comme dans un four. Marina leva une main à hauteur de son visage pile devant ses yeux et ne vit rien. Elle ne pouvait même pas distinguer son contour. Un peu déroutée, elle tendit le bras pour garder l'équilibre. C'est alors qu'une pyramide de feuilles blanches menaça de s'écrouler. Elle lutta pour la stabi- liser à l'aveuglette, le souffle coupé.

Des voix assourdies lui parvenaient de l'autre côté de la cloison. Elles semblaient lointaines. Il ne lui restait plus qu'à patienter et les policiers seraient repartis. Rien que quatre ou cinq petites minutes.

Une chaleur suffocante régnait à l'intérieur du placard.

« Garde ton calme, Marina. » Elle compta ses inspirations laborieuses: « douze, treize, quatorze... »

En vain. Ce qu'elle redoutait finit par arriver. Une sensation familière l'envahit: celle d'être comme prisonnière d'une chape de béton. Le cœur battant, la gorge sèche, elle s'efforça de contenir son attaque de panique.

«Je t'en prie, calme-toi, Marina ! Plus que cinq minutes et tu seras tirée d'affaire. Les garçons ne te dénonceront jamais. »

Non, décidément, ça ne servait à rien. Elle se sentait maintenant prise de vertige, asphyxiée. Il fallait qu'elle sorte. Tandis que la sueur lui ruisselait sur le visage et que le sol tanguait sous ses pieds, elle chercha à tâtons la poignée de la porte.

« Non, non, non... C'est impossible ! » Le panneau était parfaitement lisse.

Affolée, elle explora du bout des doigts toute la sur- face, puis le cadre et le mur autour. Rien. Il n'y avait aucun moyen d'ouvrir la porte de l'intérieur.

Elle se mit alors à pousser et gratter les bords avec ses ongles. Toujours sans succès, la porte refusant de capituler.

Marina respirait de plus en plus mal. Il faisait si sombre là-dedans. Les poings serrés, elle se mit à tambouriner contre le battant.

- Aidez-moi ! J'étouffe. Je veux sortir!

Elle attendit. Au bout de plusieurs secondes, n'ayant obtenu aucune réponse, elle insista :

- Aidez-moi ! S'il vous plaît !

Son ton implorant l'exaspérait au plus haut point. En sanglots et suffocante, elle colla la joue contre le bois et chercha de l'air en continuant de taper du plat de la main.

- S'il vous plaît...

La porte s'ouvrit enfin, si brusquement que Marina bascula en avant. Elle atterrit entre les bras d'un policier. Il l'écarta de lui afin de mieux l'examiner. Aveuglée par sa lampe torche, elle cligna des yeux. Il contempla ses cheveux ébouriffés et ses joues baignées de larmes, puis il regarda au-dessus de son crâne d'un air satisfait. Lorsque Marina se tourna pour voir à qui son sourire s'adressait, elle découvrit Mark, la tête basse. Il avait perdu sa casquette. Le deuxième policier le tenait fer- mement par le bras, en affichant la même mine réjouie que son collègue.

Night SchoolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant