Chapitre 22

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_ Attendez, lancé-je en dégageant la main du capitaine tout en ravalant mon envie de fracasser la tête des gendarmes. Il lui faut une veste.

Ces connards m’ignorent et l’entraînent loin de moi dans la nuit froide.
Je sens un accès de violence m’envahir quand je me rue après eux. Sur la passerelle, le capitaine empoigne ma chemise, la déchirant en tentant de m’arrêter.

_ Vous ne pourrez pas la récupérer comme ça, dit-il d’une voix calme. Pas avec de la violence. Servez-vous de votre tête.

Son ton raisonnable me calme. Il a raison. Il n’y a qu’un moyen de la faire sortir, et ce n’est pas en les massacrant. Malheureusement.

La balustrade est froide dans mes mains quand je l’agrippe pendant qu’ils la menottent. Putain, ils la menottent, avant de la pousser à l’arrière de la voiture de police. J’ai l’impression d’être une grenade dégoupillée lorsque le conducteur met le contact et que le véhicule démarre.

_ Va chercher mon téléphone, ordonné-je au capitaine, refusant de quitter la voiture des yeux. Je l’ai laissé dans ma cabine.

Il s’empresse de m’obéir.

Je fixe les phares arrière de la voiture qui fonce sur la route sirènes hurlantes avant de tourner à l’angle. Puis il ne reste que l’obscurité.

Et moi.

Elle est partie.

Et je me rends compte que je ne le supporte pas. Je ne supporte pas le vide de cette nuit hivernale ni l’angoisse qui me ronge.

_ Tenez, dit le capitaine en revenant avec mon téléphone.

Je le prends sans détourner les yeux de la route où le deuxième véhicule fonce dans un crissement de pneus. Je reste à fixer l’endroit de la marina où ma femme se tenait quelques secondes plus tôt, tout en composant le numéro de mon avocat grâce à la commande vocale. Il va décrocher, quelle que soit l’heure.

Il se trouve à Marseille. Il ne devrait pas lui falloir longtemps pour arriver au poste. Quand l’appel aboutit, je me dirige déjà à la hâte vers ma cabine pour prendre mes clés et un manteau, les mains tremblantes de rage.

Ces connards. Ils savent que Jacky est totalement dépassée. Ils ne l’arrêtent pas pour l’interroger à propos d’une plainte ni parce qu’ils s’inquiètent pour son bien-être. Ils l’arrêtent pour lui tirer des informations sur moi. Et je ne sais pas combien de temps elle tiendra avant qu’ils la fassent craquer.

.....

#Jacky

Le poste de police est un endroit froid et sordide avec ses encadrements de porte couleur citron vert et son carrelage jauni. La salle d’interrogatoire est glacée. Je suis certaine que c’est fait exprès. Tout comme la fouille corporelle humiliante qu’une femme gendarme aux doigts intrusifs pratique les mains gantées.

Elle me demande d’ouvrir la bouche et de tirer la langue. Ensuite, elle m’intime de me baisser et de toucher mes orteils. Je suis morte de honte quand elle fouille minutieusement mes parties intimes.
Je tremble de froid et d’humiliation quand elle a fini. D’une voix neutre, elle me dit de me rhabiller et reste à me regarder.

Elle me scrute avec une expression indéchiffrable jusqu’à ce que j’ai noué mes lacets. Nous n’échangeons pas le moindre mot et je n’obtiens pas la moindre explication. Elle se contente de me prendre par le bras et de m’escorter vers une autre pièce où se trouvent une table en métal et deux chaises. Il y a une caméra dirigée vers la table dans un coin du plafond. Un miroir sans tain occupe le mur du fond.

Un agent entre et me menotte à la table. Après m’avoir enchaîné les chevilles, il sort et me laisse seule.

Pendant un long moment, rien ne se passe. Je suis seule à grelotter de froid. J’ai mal à l’intérieur et à l’extérieur. La dureté de la chaise en bois n’aide en rien. J’inspire et expire pour tenter de contrôler mes tremblements violents et juste pour ne pas réfléchir, mais alors que j’emplis mes poumons de cet air sentant le renfermé, l’urine et le javel, le temps s’égrène lentement et personne ne se présente.

Je sais ce qu’ils sont en train de faire. Je sais pourquoi ils m’ont déshabillée et m’ont fouillée avec tant de minutie. Je sais pourquoi ils me laissent là, assise dans le froid, enchaînée à une table et au sol. Ils veulent me faire craquer. Ils espèrent que je coopérerai quand ils viendront enfin me voir, et je comprends pourquoi.

La réponse, c’est Martin Asare.

C’est la raison pour laquelle ils m’ont piégé avec des stupéfiants. J’ai été idiote de leur donner mon manteau. Voilà une leçon que j’aurai durement apprise. Je ne referai jamais plus cette erreur stupide.
Après ce qui me semble être des heures, la porte s’ouvre enfin et l’homme qui m’a amené ici entre avec un dossier à la main. Je le regarde attentivement quand il traverse la pièce et prend une chaise. Son air sympathique ne me trompe pas. Sous la surface, je ressens son excitation.

Il ouvre le dossier et étudie le document du haut de la pile.

_ Madame Asare, commence-t-il en levant les yeux de son document pour croiser les miens. Je suis le lieutenant Farel. Je viens d’avoir le rapport de l’agent qui vous a fouillé.

Il me regarde avec insistance.

_ Ce rapport fait état de signes de violence.

Pour ne pas lui faciliter la tâche, je hausse un sourcil et attends.

___ Des marques sur votre corps témoignent du fait que vous avez été battue, précise-t-il après quelques secondes.

J’incline la tête.

_ Nous venons de nous marier.

_ Exactement, répond-il en posant le document avant de croiser les mains sur la table. Ça ne me semble pas très romantique.

_  Oui, eh bien, chacun ses goûts. Nous avons tous des préférences sexuelles différentes, si vous voyez ce que je veux dire. Vous n’avez jamais essayé la fessée ? demandé-je en haussant les épaules. J’imagine que ce n’est pas votre truc.

Il me fixe longuement avant de reprendre :

_  Je ne suis pas un imbécile, Madame Asare. Je connais Martin Asare et je sais d’où il vient, déclare-t-il en s’adossant sur sa chaise avec un sourire satisfait.

POURQUOI J'AI TUÉ MON MARI ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant