Chapitre 23

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J'essaie de ne pas paniquer, de rester calme face à cette situation désastreuse.

Il enchaîne...

_  Je vais vous faire une proposition pour votre libération. Donnez-moi des informations sur votre époux, n’importe quelle preuve qui m’aiderait à le boucler, et tous vos problèmes seront résolus. Quand il sera derrière les barreaux, vous pourrez divorcer et rentrer chez vous.

Waouh.

Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit si direct. J’imagine qu’il n’a pas beaucoup de temps. Il doit savoir qu’il est plus que certain que Martin soit en train d’essayer de payer ma caution au moment où nous parlons. Non pas parce que mon mari s’inquiète pour moi, mais parce qu’il veut s’assurer que je ne parle pas.

Il croise les bras.

_ Vous devriez réfléchir… à votre liberté.

Si seulement il savait.

Je n’ose pas ouvrir la bouche. Je ne parlerai jamais. Ce ne serait pas bon pour ma famille.

Non, je suis coincée.

Je suis mariée pour le meilleur et pour le pire, pour la vie, et vu comment ça se passe, ce sera plutôt pour le pire.

_ Madame Asare, soupire-t-il. Je vais mettre votre époux derrière les barreaux, même si c’est la dernière chose que je fais. Vous ne le savez peut-être pas mais son père a un dossier lourd et il a suivi ses traces. Vous ferez mieux de vous ranger du bon côté quand il est encore temps.

Mon mari n'est pas un saint, je le savais déjà. Un homme qui marche avec une arme comme s'il s'agissait d'un simple accessoire de mode.

À quoi s'attendre ?

_ C’est pour ça que vous avez mis de la drogue dans mon manteau ? demandé-je en fixant la caméra. Pour pouvoir me traîner ici et me proposer un marché ?

Il se contente de sourire.

_  Prenez un instant pour y réfléchir, dit-il doucement en se penchant vers moi pour ne pas être enregistré.

Je vais revenir.

Sa menace plane entre nous et nos respirations forment des nuages de buée blanche tandis que les mots s’évaporent dans l’air glacé. Sa promesse me fait l’effet d’un nœud coulant autour de mon cou que le lieutenant Farel tiendrait entre ses mains.

Est-ce qu’il bluffe ?

Impossible à dire, car je n’arrive pas à le déchiffrer.

Il sort une carte de visite de la poche de sa veste rembourrée, la pose sur la table et la fait glisser dans ma direction avec un doigt.

_ Voici mon numéro. Mémorisez-le. Vous pourrez m’appeler quand vous aurez une réponse ou des informations, ajoute-t-il d’un ton menaçant. Ou n’importe quand, si vous avez besoin de mon aide.

Je regarde la carte de visite puis son visage.

_  De votre aide ? Après ce que vous venez de faire, qu’est-ce qui vous fait penser que je pourrais vous faire confiance ?

_ Votre mari jouit d’une sacrée réputation. Disons simplement qu’il a un penchant pour la violence. Vous pourriez avoir besoin de moi plus tôt que vous ne le pensez.

Je déglutis, car il a peut-être raison. Seulement, je ne pourrai jamais lui demander de l’aide.

À personne, d’ailleurs.

La porte s’ouvre en grinçant. Nous tournons tous les deux la tête. Un homme grand vêtu d’un costume trois pièces et portant une mallette entre. Ses cheveux blond cendré et ses yeux bleu clair me fascinent.

Le nouveau venu me jette un rapide coup d’œil avant de poser son regard sur le lieutenant.

_ Je suis Georges Laurent, l’avocat de M. Asare. Je représente Mme Asare. Quelles sont les chefs d’accusation ?
Le lieutenant Farel me regarde fixement, affichant son habituel sourire.

_ Aucune charge, répond-il avant d’ajouter avec emphase : Cette fois-ci.
Les manières de Me Laurent sont très professionnelles.

_  Détachez-lui les poignets et les chevilles. Si Mme Asare a été maltraitée, vous allez m’entendre.

_  Oh, c’est le cas, rétorque le lieutenant. Mais pas par nous.

Me Laurent ignore ce commentaire. Il attend que le lieutenant Farel me détache et qu’il enlève les chaînes autour de mes chevilles. Quand je suis libre, Me Laurent me prend le bras et m’aide à me relever. Je lui suis reconnaissante de son aide.

Je suis raide après être restée assise aussi longtemps et mes jambes ne répondent pas. J’ai froid et suis engourdie par le manque de circulation sanguine, et le temps que l’avocat me mène jusqu’à l’entrée du poste de police, j’ai les dents qui claquent.

Il y a beaucoup de gens, mais mon regard se pose immédiatement sur Martin. Il dépasse tout le monde d’une tête. Même s’il n’avait pas été plus grand que les autres, la colère qui émane de lui aurait attiré mon attention. Une violence silencieuse illumine la profondeur de son regard sombre.

Les gens s’écartent de son chemin quand il avance vers moi d’un pas décidé. Il tient mon manteau d’une main et un mug de voyage de l’autre. Il me regarde droit dans les yeux et me transmet un millier d’émotions tumultueuses. Tandis qu’il donne le mug à Me Laurent et m’aide à enfiler le manteau, nous n’échangeons pas un mot.

Pas ici.

Je le comprends.

Il soutient mon regard en fermant les boutons. Je ne comprends pas toutes ces émotions. Cependant, je saisis tout à fait les questions qui lui brûlent les yeux.

Ai-je parlé ?

Ai-je craqué ?

L’ai-je trahi ?

Ces questions sont la seule explication à la colère froide et silencieuse qu’il irradie.

Il passe un bras autour de mes épaules et m’attire dans la chaleur sécurisante de son corps. Me protégeant tout contre lui, il m’entraîne dehors aussi vite que je peux marcher.

Il s’arrête sur le trottoir, reprend le mug des mains de Me Laurent et me le donne.

_ Du thé à la camomille avec du miel.

C’est chaud.

Je lui suis reconnaissante d’y avoir pensé en buvant le thé chaud et sucré. Il me réchauffe l’estomac et atténue un peu le froid que je ressens. J’ai soif et ma gorge me fait toujours mal. Lorsque j’avale, ça me soulage immédiatement. Même si ma fierté refuse d’accepter le moindre réconfort venant de lui, je suis trop épuisée pour me battre contre moi-même ou pour le refuser.

POURQUOI J'AI TUÉ MON MARI ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant