Chapitre 8

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Le bruit sourd de l'objet tombant encore et encore sur le sol résonnait dans les oreilles de John. Même lorsqu'il n'était pas à proximité de Dona, ce son semblait le poursuivre, un rappel constant de la lutte silencieuse qu'elle menait. Cette Dona de 17 ans, brisée par l'apocalypse, s'entraînait sans relâche, nuit et jour, faisant apparaître et disparaître le même objet, encore et encore. À chaque chute, le bruit de l'objet frappant le sol se répercutait dans son esprit, une note dissonante dans sa quête de contrôle.

Pour Dona, la perfection n'était pas un choix, mais une nécessité. Comment accepter de ne pas être parfaite lorsque le monde avait décidé qu'elle serait la seule survivante de sa famille, de sa ville? Le chaos avait englouti tout ce qu'elle aimait, la laissant seule, démunie face à un monde qu'elle ne reconnaissait plus. La perfection était devenue sa seule arme contre l'imprévisible, un moyen de donner un sens à cette survie injustifiée. Vivre simplement parce que le destin l'avait décidé n'était pas suffisant pour elle. Non, il fallait que sa survie ait un but, une raison d'être, et ce but, c'était la perfection. Alors elle s'entraînait, nuit et jour, sans relâche.

Son Essens, autrefois faible, avait gagné en puissance depuis l'apocalypse, et cette puissance, elle se sentait obligée de la maîtriser. Chaque fois que l'objet tombait de travers, c'était comme si un morceau du chaos revenait à la surface : le souvenir de l'amour inconditionnel de ses parents, la tendresse de son petit frère, les cadeaux attentionnés de ses grands-parents. Ces souvenirs lui rappelaient ce qu'elle avait perdu, ce qu'elle n'avait pas pu protéger. Si elle n'avait pas été parfaite avant, elle le serait désormais, coûte que coûte.

Le mot « parfait » résonnait dans sa tête comme un mantra, une bouée de sauvetage dans un océan de désordre. C'était devenu sa seule raison de vivre, le seul moyen de reprendre le contrôle sur un monde qui lui avait été arraché.

John, de son côté, observait cette descente dans l'obsession avec une inquiétude grandissante. En s'approchant doucement d'elle, il vit son Essens vaciller légèrement, comme si sa simple présence suffisait à apaiser, ne serait-ce qu'un peu, la tempête intérieure qui la dévorait. Mais il savait que cela ne suffirait pas. Il la regarda un moment, partagé entre la douleur de la voir ainsi et la nécessité de l'arrêter. D'un geste sûr, il coupa violemment la magie de Dona, provoquant chez elle une réaction immédiate. Elle releva la tête, paniquée, cherchant à comprendre pourquoi John l'avait arrêtée. Pourquoi l'empêchait-il de continuer? Pourquoi la forçait-il à abandonner ce fragile contrôle qu'elle s'efforçait de maintenir?

« Je ne peux pas m'arrêter, John, » dit-elle, sa voix tremblant d'émotion. « Comment je pourrais mériter même de dormir si je ne mérite pas de vivre? Je dois le mériter, tu comprends? Si je ne suis pas parfaite, tout peut s'effondrer encore une fois... et cette fois, je ne survivrai pas. » Sa panique montait, sa voix se brisant sous la pression. Le monde avait basculé une fois, et l'idée que cela puisse se reproduire la terrifiait au plus profond d'elle-même.

John ne répondit pas tout de suite. Il voyait dans ses yeux la terreur brute d'une jeune fille qui avait vu le monde s'écrouler et qui refusait de se retrouver à nouveau impuissante. Il s'approcha encore plus, doucement, et l'entoura de ses bras. Un geste simple, mais chargé de tout l'amour et de la compassion qu'il avait pour elle. Dona se raidit d'abord, ses poings serrés, prête à se battre contre cette vulnérabilité qu'elle refusait de laisser paraître. Mais les bras de John ne se retirèrent pas. Ils restèrent là, fermes, rassurants, lui offrant un ancrage dans une tempête intérieure qu'elle n'arrivait plus à maîtriser.

« Tu mérites de vivre, Dona, » murmura John, sa voix empreinte d'une tendresse inébranlable. « Pas parce que tu es parfaite. Pas parce que tu as survécu. Mais parce que tu es toi. Et ça, c'est suffisant. » Il la serra un peu plus contre lui, tentant de lui transmettre un peu de sa force, de son assurance. « Tu as le droit de dormir, le droit de te reposer. Ce n'est pas une question de mérite. C'est une question d'humanité. Et tu es humaine, Dona, malgré tout ce que tu as traversé. »

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant