Chapitre XXXI

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Cole

27 août 2022 - Santorin

Aujourd'hui.

La route s'étendait devant moi, interminable. May restait silencieuse, obstinée, et je savais très bien pourquoi. Mais à cet instant, j'étais incapable de faire le premier pas. Elle devait s'ouvrir à moi, qu'elle le veuille ou non. La petite voiture que nous avions louée pour la semaine nous offrait un confort plus que raisonnable, mais l'ambiance pesante transformait l'habitacle en une prison. Surtout quand nous partions visiter chacun de notre côté, jamais ensemble. May regardait par la fenêtre, ses bras croisés sur sa poitrine, ses cheveux blonds dissimulant les détails de son visage. Chaque seconde de silence accentuait ma frustration. Je tapotai le volant, sentant la colère monter. Puis, dans un élan d'impatience, je tournai dans une petite ruelle déserte et stoppai la voiture brusquement.

— On peut en parler ? lançai-je d'un ton sec, presque désespéré.

J'avais promis de ne pas faire le premier pas, mais elle était tellement têtue. Si je la laissais s'enfoncer dans ce mutisme, elle se détruirait avant même d'avoir prononcé un mot.

— Il n'y a rien à dire, chuchota-t-elle.

La colère éclata en moi. Je frappai violemment le klaxon, le bruit déchirant le silence. Elle sursauta, ses yeux emplis de peur et de culpabilité.

— Bien sûr qu'il y a un truc à dire. Putain, May !

Elle tourna lentement la tête vers moi, ses yeux brillant d'une douleur que je ne comprenais que trop bien.

— Oui, je t'ai frappé ! cria-t-elle, la voix tremblante. Et je m'excuse ! Heureux ?

Sa confession m'atteignit plus profondément que je ne l'aurais imaginé. Ce n'était pas juste une dispute. C'était un cri du cœur, une lutte contre les démons du passé.

— May, dis-je plus sérieusement, veux-tu en parler ?

— Je m'excuse, c'est tout. Pourquoi penses-tu au-delà ?

— Parce que je sais que tu te questionnes à propos de ton père, Anderson. Mais tu n'es pas comme lui.

Elle détourna le regard, refusant de m'affronter.

— C'était un monstre, Anderson. Tu n'es pas un monstre.

— Tu n'en sais rien, marmonna-t-elle, presque inaudible.

Je soupirai, la douleur de ses mots me transperçant.

— Je le sais parce que tu es toi. Et que je te connais.

— Tais-toi, murmura-t-elle, la voix brisée.

— Il frappait ta mère, certes. Il a levé la main sur toi, c'est vrai. Mais tu n'as rien de commun avec cet homme. Je méritais cette claque.

— Tais-toi !

Son cri résonna dans la voiture, mais je n'étais pas prêt à abandonner.

— Pourquoi es-tu aussi attachée au passé ?

Je remarquai son poignet, celui qu'elle tenait fermement, comme si elle s'accrochait à un fil invisible. Elle caressait souvent cette partie, surtout l'intérieur où un tatouage attirait mon attention : un souci gravé, abritant un prénom. Ce tatouage avait apparemment une signification pour elle, et il m'obsédait autant qu'il me perturbait. May adorait me parler du langage des fleurs avant, et je savais que le souci symbolisait la guérison. Mais ce prénom... c'était celui de ma grand-mère, une figure qui incarnait l'amour éternel. Pourquoi diable le prénom de ma grand-mère était-il tatoué sur son poignet ? Et pourquoi dans une pétale de souci ?

The Heart Has Its ReasonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant