Chapitre XXXII

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May

30 août 2022 - Santorin

Aujourd'hui.

Le vide s'étendait sous moi, immense et insondable. Le vent, comme un souffle glacé et indifférent, me faisait légèrement vaciller sur mes jambes tremblantes. Chaque brin d'air semblait se moquer de ma nervosité, amplifiant mon anxiété. J'inspirai profondément, essayant de trouver une stabilité intérieure. Je soufflai une fois, deux fois, trois fois, en quête de calme. Mon cœur, quant à lui, battait avec une telle intensité que je me demandais s'il n'allait pas se libérer de ma poitrine dans un éclat d'adrénaline. Je secouai mes mains, crispées sur le harnais autour de ma taille, et essayai de me concentrer sur la tâche à accomplir, malgré la panique grandissante qui me serrait la poitrine.

À côté de moi, Cole semblait débordant d'une excitation contagieuse. Son visage était illuminé par un sourire large et sincère, et ses yeux brillaient d'une étincelle de défi.

– Ça va être Ex-Tro-Di-Nai-Re! lança-t-il, la voix remplie d'un enthousiasme enfantin.

Ses mots résonnaient comme une promesse d'aventure, mais à mes oreilles, ils sonnaient plus comme une déclaration d'imminente catastrophe.

– Abominable, plutôt, rectifiai-je avec une tentative de légèreté, ma voix trahissant le tremblement de ma peur.

Je savais que j'essayais de masquer ma terreur sous une façade d'humour, mais même à mes propres oreilles, cela semblait peu convaincant.

Cole balaya ma remarque d'un geste de la main, comme s'il cherchait à balayer mes craintes avec son optimisme insouciant. Le moniteur, vêtu d'un uniforme orange vif qui tranchait avec le paysage naturel, parlait devant nous. Ses paroles se perdaient dans un brouillard de panique, un écho lointain que je n'arrivais pas à saisir. La beauté du paysage devant moi – une mer d'un bleu profond s'étendant à perte de vue, un horizon découpé par des montagnes majestueuses – ne parvenait pas à atténuer le tourbillon de terreur qui m'envahissait.

– Vous avez bien compris les règles de sécurité ? demanda le moniteur d'une voix posée, essayant de paraître rassurant.

Ses yeux cherchaient les miens à travers ses lunettes de soleil, mais je ne pouvais que lui offrir un regard absent, perturbé par la terreur qui m'étreignait. J'hochai la tête d'un mouvement fébrile, bien trop absorbée par ma propre panique pour me concentrer sur ses explications. Mes mains, moites et crispées sur les cordes de sécurité, étaient une autre preuve de mon désarroi.

Cole me regarda avec un long sourire sur le visage, son regard empreint d'une confiance tranquille.

– Prête ? demanda-t-il, l'intonation pleine d'une exubérance qui contrastait avec mon état d'angoisse.

Il était incroyable, avec sa capacité à rester si serein alors que mon esprit était en proie à une tempête intérieure.

Je lui rendis son sourire avec une fragilité que j'espérais réconfortante. Depuis l'annonce de l'existence d'Esmée, les choses s'étaient améliorées entre nous. Cole était devenu plus attentif, plus prévenant, chaque geste de sa part semblait empreint d'une douceur nouvelle. Les disputes enfantines qui nous oppressaient auparavant avaient laissé place à une compréhension plus profonde, à une connexion plus authentique. Mais malgré cela, l'angoisse persistait comme une ombre imprégnée d'une peur viscérale.

– Ne me lâche pas, s'il te plaît, le suppliai-je, les mots sortant comme une supplication désespérée.

Mon regard était fixé sur lui, cherchant dans ses yeux l'assurance dont je manquais cruellement. La simple pensée de le perdre, même pour un instant, alors que je me lançais dans cette épreuve me paraissait insupportable.

Il se tourna vers moi, son expression changeant en une surprise douce, avant de prendre ma main dans la sienne avec une fermeté réconfortante.

– Jamais, répondit-il simplement, et la promesse dans ses mots était un baume fragile sur ma peur.

Le moment de vérité arriva avec une rapidité déconcertante. Nous sautâmes dans le vide, et là, tout devint une révélation brutale et immédiate. Le sol s'éloignait à une vitesse vertigineuse, et le vent se déchaînait autour de moi, m'emportant dans un tourbillon sauvage de sensations. Je ressentis chaque instant comme une éternité distordue, une séquence de moments suspendus entre la terreur et le soulagement.

Je déteste le saut à l'élastique.

C'était une vérité absolue et irréfutable qui se formait dans mon esprit, chaque fibre de mon être s'accordant à cette déclaration avec une intensité presque douloureuse. Le frisson de la chute, la tension de l'élastique, le vacillement du corps en suspension – tout cela se mêlait dans une danse chaotique de sensations qui m'écrasait. Mon cœur battait si fort que je pouvais le sentir pulser dans mes tempes, chaque battement un coup de tambour dans le rythme effréné de ma panique.

Les secondes semblaient interminables, étirées au-delà de leur durée normale, alors que je luttais pour maintenir un semblant de contrôle. Mon souffle était devenu irrégulier, comme une mélodie brisée qui peinait à suivre le tempo d'une peur déchaînée. Le bruit du vent, fort et impétueux, emplissait mes oreilles, rendant chaque pensée, chaque réflexion presque impossible à saisir.

Lorsque l'élastique fit son premier tiraillement, mon corps fut brusquement arrêté dans sa chute, et je fus projetée dans une oscillation vertigineuse. L'effet de rebondissement fit éclater la terreur en une série de vagues de panique, un flot incessant qui semblait me submerger. J'étais en proie à une confusion totale, une désorientation qui me fit perdre toute notion du temps et de l'espace.

Je cherchais Cole dans cette mer de sensations, espérant trouver dans son visage un réconfort dans ce tourbillon de chaos. Mais le vide, l'immensité autour de moi, me semblait maintenant un gouffre insurmontable, et je ne pouvais me raccrocher qu'à la promesse de sa présence à mes côtés.

Lorsque le saut se stabilisa enfin, et que l'élastique me ramena lentement vers le sol, mon esprit était envahi par un tourbillon d'émotions conflictuelles. La terreur était toujours là, présente, mais mêlée à une vague d'épuisement et de soulagement. Chaque respiration était un effort conscient, chaque battement de cœur une confirmation que je survivais à cette épreuve.

Lorsque nous touchâmes enfin le sol, mon corps, encore secoué par les effets du saut, se laissa tomber avec un mélange de soulagement et de fatigue. Mes jambes étaient molles, mes mains tremblaient légèrement alors que je regardais autour de moi, cherchant à comprendre où nous étions.

Je me tournai vers Cole, cherchant ses yeux, espérant y lire un réconfort que je ne pouvais pas encore formuler. Il était là, avec ce sourire large, presque triomphant, comme si le monde entier pouvait être conquis avec cette simple expression de joie. Mais, dans ce sourire, je trouvai une lueur de compréhension, une reconnaissance silencieuse de la peur que j'avais affrontée et surmontée.

– On l'a fait, murmura-t-il, son regard croisant le mien avec une intensité qui transperça mon épuisement.

Ses mots étaient simples, mais leur signification était profonde.

Je lui rendis un sourire fatigué, le cœur encore en proie aux secousses de l'expérience, mais réchauffé par la proximité de quelqu'un qui avait partagé ce voyage émotionnel avec moi. Le soulagement se mêlait à une forme de gratitude silencieuse, une reconnaissance de la force et de la vulnérabilité que nous avions découvertes ensemble. Ma vision se brouillait, mais je m'allongeai sur le sol, appréciant la matière du sol sous mes doigts.

– On l'a fait, murmurai-je en fermant les yeux. 

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