Ostru: Fragments d'un Monde Déchu

Chapitre 10

Dans l'atmosphère enfumée du bar, les rires des autres clients et la musique animée créaient une ambiance festive, en contraste frappant avec la tension palpable autour de la table où se tenaient Phran, Tom, et Aster. Le bar semblait étrangement détaché de l'intensité de leur conversation, comme si la réalité elle-même ne pouvait pénétrer la bulle d'illusion qu'Aster avait habilement créée autour d'eux.

Les lumières du bar, habituellement chaudes et accueillantes, semblaient se tordre et se plier autour de leur table, créant une sorte de barrière intangible. Les sons de la fête se faisaient plus lointains, étouffés, tandis que la lumière elle-même semblait se courber, concentrant une lueur presque mystique sur le papier ancien qu'Aster avait sorti. C'était comme si le reste du monde avait été relégué à un décor de théâtre, n'étant plus qu'un murmure au-delà de cette bulle d'intimité tendue.

« Attends, attends... Comment on peut être sûrs que c'est un vrai acte de paix ? Peut-être qu'il est falsifié, ouais, c'est même sûrement le cas ! » Phran, visiblement paniquée, tentait de trouver des raisons pour ne pas croire à cette réalité effrayante. Elle préférait se réfugier dans le déni, comme si ce simple acte pouvait la protéger de la vérité dévastatrice qu'Aster leur dévoilait. Parfois, il est bien plus facile de se voiler la face que d'affronter une réalité qui menace de tout renverser.

Aster éclata de rire, un son étrangement doux et rassurant qui contrastait avec la gravité de leurs échanges. Il trouvait une certaine ironie dans la manière dont Phran se battait contre l'évidence, tandis que Tom, en silence, semblait accepter lentement mais sûrement la sombre vérité.

« Il y a leur sang dessus, ma chère, » répondit-il, pointant du doigt les légères lueurs qui différaient sur le parchemin, marquées par l'Essens des signataires. « Tu peux voir à la légère lueur que chaque tache dégage, c'est leur Essens qui s'y reflète. Après tout, tu peux toujours le faire analyser si tu veux vraiment te convaincre. » Un sourire séducteur étira ses lèvres alors qu'il continuait sur un ton décontracté, presque provocateur. « Et puis, ma belle, tu sais, je n'ai pas besoin de ça pour te retourner le cerveau. » Le clin d'œil qui suivit fit bouillir de rage Phran, qui serra les poings sous la table.

Tom, encore sous le choc, murmura, presque pour lui-même, « Comment est-ce possible ? Comment peut-on berner autant de personnes ? » Il secoua la tête, cherchant à comprendre l'ampleur de la manipulation. « Je veux dire, si c'est vraiment un coup d'État... les coupables ont berné un monde entier. Et ils l'ont détruit par la même occasion. »

Aster se pencha en avant, son visage maintenant à moitié dans l'ombre, créant un contraste inquiétant avec la lumière qui illuminait le parchemin. « Pas Les coupables, Tom. Le coupable. Celui qui dirige votre monde. Celui qui dicte ce que nous devons faire et ne pas faire. Et si l'on ose l'ouvrir, il nous fait tuer. »

Phran, toujours réticente à accepter ce qu'elle entendait, lança d'un ton sarcastique, « Le roi ? Genre Angun ou Tertio ? »

Aster secoua la tête, un sourire amusé se dessinant sur ses lèvres. « Non, non. Eux, Ce sont juste des marionnettes, des humains lambda qui se proclame roi. Mais celui qui tire les ficelles, tu crois vraiment qu'il n'y a que les humains au pouvoir ? Que des personnes comme nous, maîtres de l'Essens, auraient laissé ces pantins nous traiter comme ils le font ? » Ses questions rhétoriques résonnaient dans l'air épais du bar, chaque mot cherchant à fissurer les derniers murs du déni de Phran.

La lueur autour d'eux semblait s'intensifier, rendant l'atmosphère encore plus oppressante. La tension autour de la table était palpable, en contraste brutal avec l'insouciance de la fête qui se déroulait à quelques mètres à peine.

Phran se laissa tomber lourdement sur sa chaise, un long soupir échappant de ses lèvres. La vérité qui venait de lui être révélée était presque insupportable. Qui pourrait l'accepter aisément ? Découvrir qu'ils avaient été manipulés toute leur vie, que toutes ces âmes innocentes qui avaient survécu à l'apocalypse avaient vu leur existence détruite par la même personne qui, aujourd'hui, leur dictait quoi faire... C'était un coup de poignard.