Urdaban, sixième Cour d'Ombre
Arènes d'Ilvar
— Allez, l'ylfe ! hurle un orc dans les gradins. Montre un peu ce que t'as dans le ventre !
Rizhen se tourne vers moi. Il porte sur le visage une expression que je pourrais qualifier d' « urgente ».
— Ils veulent que tu fasses une configuration, Tam, me murmure-t-il rapidement. Ilvar a dit qu'il doublerait notre traitement si tu arrivais à prendre la forme que tu as prise hier... et il a monté le prix des billets en conséquent. Les spectateurs en veulent pour leur argent.
— J'y arrive pas, grincé-je, le souffle court. Ça fait une heure que j'essaye, figure-toi !
Je n'ai plus de jus. Soit Rizhen m'a drainé à sec hier soir, soit je suis encore incapable de contrôler mes configurations. Sûrement les deux.
C'est notre dixième combat. La difficulté est montée crescendo. Cette fois, c'est une araignée stellaire qu'on nous oppose, une créature sacrée sur Kharë, il y a bien longtemps. Heureusement, je ne suis pas khari. Rien ne m'empêche de pourfendre ce monstre, si ce n'est ses immenses pattes aussi acérées que des lames de lance, ses crocs comme des épées, sa rapidité lumineuse, son intelligence vicieuse, et les attaques psychiques dont elle nous inonde depuis tout à l'heure. Elle nous montre nos pires cauchemars. J'ai déjà vu Alyz portant ses bébés ensanglantés dans ses mains blanches, Fornost-Aran tenant ma mère enchaînée, Nazhrac brandissant la tête d'Uhryn et mon père brûlé à vif se succéder dans l'arène pour me faire plier. Ne manque plus que Faël.
— Niśven ! Montre-nous un peu tes ailes ! hurle un orcanide en me balançant une morceau de viande à l'origine indéterminée. J'ai payé pour voir une putain de configuration, pas un ylfe maigrelet se faire démonter par une bestiole que je nique en trois coups de massue !
La chair puante rebondit sur ma tête. Je reste stoïque, résistant à l'impulsion qui me dit de bondir dans les gradins pour montrer à cet orc ce que « démonter » veut dire... mais le cœur y est.
Personne ici ne se rend compte du coup énergétique demandé par ces configurations. Et ils me demandent la plus importante, direct... tout ça en me nourrissant de viande faisandée et de gwidth frelaté. Il me faudrait saigner une colonie entière pour pouvoir sortir un truc pareil à chaque fois !
Finalement, Rizhen lève son épée et bondit au combat. C'est de le voir se faire rétamer comme une merde qui me donne la motivation qui me manquait : je sens mes veines picoter et l'énergie se rassembler dans ma poitrine, au centre.
Bien. Je vais leur montrer.
Je visualise mes ailes. Six : deux pour voler, deux pour cacher ma nudité et deux autres pour... je ne sais pas vraiment pourquoi. Mais il en faut six. C'est le nombre minimal.
L'assemblée retient son souffle. Cette fois, même ces orcs bavards se sont tus. Ils en veulent pour leur argent ? Je vais leur donner ce qu'ils veulent et détruire ces foutus gradins en même temps que l'araignée. De la pâtée d'orc goût khari.
Mes cheveux se soulèvent sous l'afflux phénoménal d'énergie. Je baigne dans une lueur bleutée, je me sens m'élever... la sensation est grisante. C'est mieux que le gwidth, mieux que la baise, ou dévorer une proie. Pas étonnant que l'As Sidhe d'Æriban, qui faisait ça tous les jours, soit capable de se passer de sexe ! Si j'avais été lui, ça aurait sans doute été la même.
L'énergie afflue. Elle ne fait que grandir. La sensation me fait ouvrir la bouche, et même hurler. Pire qu'un orgasme. Sauf que ça ne s'arrête pas. D'habitude, je perds connaissance... pas là. Le plaisir se mue en douleur atroce, comme si mon sang avait été changé par de la lave en fusion. Une telle lumière, une telle chaleur... Ma peau se fissure sous la pression, se craquèle et toutes mes veines se dessinent sur ma peau, dessinant la carte de ma dissolution finale. C'est fini. Je vais exploser ici, me changer en étoile, comme dans les histoires qu'on raconte aux hënnil pour les dissuader de tenter l'expérience sans l'entraînement adapté... N'est pas sidhe qui veut.
VOUS LISEZ
LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)
Science FictionLa proie : "On l'appelle Obscur, incarnation vivante des ténèbres. Un cœur plus noir que la nuit elle-même. Cœur ? Ce monstre n'en a pas." Le chasseur : "Je l'appelle Faël, celle à la blanche chevelure. La proie la plus appétissante que je n'ai eu s...