Chapitre 1

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Premier jour d'école, premier jour d'enfer. Un an de plus à souffrir.

La question qui ne cessait de tourmenter et d'animer les nuits de Louna : allait-elle réussir à mettre un pied dans cette université ? Ou allait-elle abandonner une nouvelle fois l'idée d'avoir un avenir ?

L'année d'avant, elle entrait en licence de droit. Enfin, ça, c'était un bien grand mot. Une journée avait suffit pour que ses démons reviennent, alors elle avait fait le choix de s'isoler. Malheureusement pour elle, toutes les bonnes choses avaient une fin, et il était temps pour elle d'essayer, même si elle savait déjà comment ça allait se terminer.

— Tu as bien pris tes médicaments ? lui demanda sa mère en déposant un baiser sur sa tempe. Si ça va pas, tu m'appelles, ok ?

— Oui et oui, répondit rapidement Louna en s'emparant d'une pomme le geste serein, pour prouver à sa mère - mais surtout à elle-même - que tout allait bien se passer.

— Et aussi, n'oublie pas d'aller à la thérapie. Ils peuvent t'aider.

— Maman !

— Oui, Lou. C'est pour ton bien et tu le sais.

— Je vais très bien, j'ai pas besoin d'une thérapie à la con pour m'aider.

Écœurée par la manière dont sa mère lui rabâchait sans cesse les bienfaits de cette fameuse thérapie, Louna renonça à entamer sa pomme et la reposa sur la table, l'estomac de toute façon bien trop noué pour pouvoir ingurgiter quoi que ce soit.

Un sourire aux lèvres, sa mère attrapa le sac à dos de sa fille et le leva dans les airs de manière à ce qu'elle ne puisse l'atteindre. Il était vrai qu'à part avoir hérité des yeux verts de sa mère, rien d'autre ne la raccrochait physiquement à elle, et certainement pas sa taille. Louna n'était pas petite, enfin si, peut être un peu. Mais sa mère était grande, une taille mannequin comme elle aimait drôlement s'en vanter. En plus, Maria, un vrai nom de mannequin, pas vrai ?

— Rappelle-moi ton âge, souffla Louna en observant désespérément sa mère s'amuser à la taquiner.

— Si tu vas très bien, je peux garder tes médicaments à la maison, répondit sa mère, le sourire toujours aussi éblouissant aux lèvres. Et aussi, je peux te laisser prendre le bus, non ? Qu'est-ce que t'en penses, ma chérie ?

— J'en pense que ta thérapie, c'est des foutaises. Voilà ce que j'en pense.

— Tu ne peux pas savoir si tu n'y vas pas.

Louna soupira bruyamment alors que - enfin - son sac à dos retrouva une hauteur accessible pour son mètre cinquante-huit.

De toute façon, les médicaments ne servent à rien, pensa-t-elle. Elle était persuadée que cette soi-disant thérapie allait avoir le même effet sur elle, à savoir rien.

"Destinées à aider les étudiant.e.s souffrant de handicap, autant physique que psychologique, les thérapies de groupe universitaires sont là pour libérer la parole et vous aider à vous exprimer. Vous n'êtes pas seul.e.s ! »

N'importe quoi, voilà la première chose qu'elle avait dit en lisant ce bout de papier déniché et mis sous son nez avec soin par son père. Parce que - oui - son père était tout autant investi que sa mère. N'était-elle pas chanceuse ? Non, non et non ! aurait-elle répondu.

Et puis, pourquoi faire ? Elle n'était pas malade, après tout. Oui elle devait prendre des médicaments, oui elle ne supportait pas le monde. Mais de là à la qualifier de malade ? Pire encore, dire qu'elle souffrait d'un handicap ? Louna ne pouvait se faire à cette idée. Elle préférait le nier. Elle allait bien et rien ni personne ne pouvait changer son idée. Pourtant elle savait que ce n'était pas le cas, elle allait mal et en souffrait en silence. Seule, c'était le mot pour la décrire. Vingt ans seulement et pourtant si vide.

Sa vie était destinée à être nulle, voilà la raison qu'elle s'était faite et que ses parents essayaient tant bien que mal de changer, en vain évidemment.

— Allez, ma puce. En route ! s'exclama finalement sa mère en l'attrapant par le bras. Ça va aller, tu vas voir.

Calée dans la siège de la voiture, Louna ne bougea pas d'un centimètre, si ce n'est sa mâchoire se crispant de manière presque rythmique. Sa mère, quant à elle, tenait fermement le volant, son regard bienveillant posé sur sa fille. En apparence, tout semblait normal. En apparence, oui. Là était le problème : cela faisait vingt minutes qu'elles étaient dans cette position, Louna scrutant chaque étudiant passant le portail du campus, sa mère tout aussi nerveuse, ses ongles profondément enfoncés dans le cuir du volant.

Louna prit une profonde inspiration, , sentant le poids de l'angoisse peser sur sa poitrine.

— Il faut que j'y aille, se répéta la jeune brune une bonne dizaine de fois avant de réaliser qu'elle prononçait ces paroles à haute voix.

Maria sourit de voir sa fille déterminée à passer outre ses peurs.

— Si tu as le moindre problème, tu m'appelles. C'est clair ?

La jeune femme acquiesça courageusement avant de finalement ouvrir la porte.

— Tu as bien tout ? s'assura sa mère, alors que Louna venait de poser un pied sur le béton humide du parking. Médicaments ? Téléphone ? Car-

— Oui, maman. J'ai tout. Je vais y aller avant que ton coeur s'arrête, osa-t-elle blaguer alors que c'était plutôt le sien qui risquait de lâcher à tout moment.

— Je t'aime, murmura Maria à sa fille.

— Je t'aime aussi.

— Salle 11, 13h, théra-

— Maman !

Toutes les deux éclatèrent de rire puis, prise d'une soudaine confiance, Louna laissa sa mère derrière elle et s'avança vers l'entrée du campus.

C'est maintenant que les problèmes commencent, se dit-elle à elle-même. Elle ne pouvait plus faire marche arrière. Elle je voulait pas avoir honte et décevoir sa mère une fois de plus.

Alors elle prit son courage à deux mains et se fondit parmi la masse d'étudiants déjà présente, la plupart d'entre eux une cigarette à la main à s'esclaffer bruyamment.

Je déteste les gens, se dit-elle.

Apprends-moi à vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant