Chapitre VII - Protéger ce qui doit l'être / Kamra

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        Fut un temps, Kamra aurait été incapable de faire le moindre mal à une créature vivante, aussi minime soit l'outrage. Causer du mal à un individu était un grand péché et tuer...tuer constituait un crime qui se payait sur terre et dans l'au-delà. Prendre une vie était un acte qui frôlait la mécréance. Seul Dieu était apte à reprendre ce qu'Il avait donné, récupérant l'âme pour la garder jusqu'au Jugement Dernier. Enfant, elle avait cru dur comme fer qu'elle ne ferait jamais de mal à personne, qu'elle aiderait Abbas par sa sagesse et sa bonne volonté pour faire de l'Asyr, une terre prospère.

       Mais elle n'était plus une enfant. Son frère était mort depuis longtemps, l'Asyr était enchaîné et asphyxié par des soldats inconnus. Et, par Dieu Tout-Puissant, elle pouvait tuer l'homme devant elle sans trembler, elle le savait. Mais les signes avaient eu lieu et même elle ne pouvait pas aller contre la volonté divine. Alors, tandis que les autres se préparaient pour le grand départ, elle redescendit dans la cave, ignorant l'odeur nauséabonde qui s'en dégageait pour s'affaisser contre le mur, en face du soldat bâillonné. Celui-ci avait la tête baissée mais il ne dormait pas, elle s'en était assurée.

-Nous avons retrouvé ta fameuse boussole, dit-elle en montrant l'objet dans sa main. Et je reconnais ces symboles.

      L'homme releva lentement la tête, dévoilant son visage tuméfié par les coups portés la nuit précédente. Elle vit avec satisfaction que certaines blessures allaient mettre encore quelques jours avant de se refermer et de cicatriser. Tant mieux, cet imbécile méritait de souffrir. Elle laissa le temps au soldat d'étudier la sphère dorée, se délectant de l'impuissance qu'elle lisait dans ses yeux, avant de la ranger dans sa sacoche. L'objet ayant disparu, le soldat concentra son attention sur elle.

-La personne qui t'as donné cet objet, à quoi ressemblait elle ? En dehors de ses yeux ?

-Alors quoi ? Vous n'allez pas me tuer ?

-A ma grande peine, non. Mais je peux encore te couper la langue, les jambes, n'importe quoi et te laisser ramper pour le reste de tes jours. Sauf si tu réponds à mes questions, auquel cas, aucun mal ne te sera fait et tu repartiras avec tous tes membres.

      L'homme la fixa avec une suspicion évidente, ce qu'elle ne pouvait lui reprocher. Même pour elle, son offre était un piège ! Mais elle n'avait pas le temps de le convaincre alors elle répéta la question, mettant en évidence le fourreau reposant contre sa jambe, qui protégeait son sabre, le dernier cadeau d'Abbas et le dernier héritage d'un royaume qu'elle avait cru à jamais hors de portée.

-Je ne sais pas à quoi ressemblait la personne, avoua le soldat après quelques secondes de silence. Elle portait une cape et une capuche qui cachait ses traits.

-Donc, si je comprends bien, tu as accepté de prendre un objet inconnu à un individu inconnu sans la moindre question ? On ne vous apprend pas l'instinct de survie dans l'armée versylvrienne ?

-C'est vrai qu'on n'a pas eu besoin de vous l'apprendre à vous.

     La main de Kamra se posa instinctivement sur la manche de son sabre, prête à dégainer pour achever la vie du misérable. Il cherchait à la provoquer, voir jusqu'où il pouvait se permettre de l'insulter sans représailles. La promesse de sortir l'avait rendu courageux, stupidement courageux. Elle laissa retomber sa main et attendit qu'il reprenne la parole, ignorant la colère en elle qui lui susurrait de lui trancher la gorge.

-Ce n'était pas tout à fait un inconnu, il parlait versylvrien. Parfaitement. J'ai cru qu'il s'agissait d'un soldat qui me faisait une blague...un bizutage de mauvais goût.

-Donc non seulement tu as aucun instinct de survie mais en plus t'es stupide. Bon, en admettant que cette histoire soit vraie, que s'est-il passé ensuite ?

Les Héritiers de l'Hassadie : Le Chant des Khadymm (Premier Jet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant