Un mètre de distance

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    « Cher Miel, mon petit chou à la crème fouetté au sucre sucré au caramel beurre salé,

    🧏🏻‍♂️🧞‍♂️🫵🏻🔞.

    Cordialement,

    L'incroyable et charismatique homme de ta vie. »

    Des petits cœurs étaient dessinés tout autour de ces quelques mots, ainsi que des petits pots de miel, et des loups. Megumi lut et relut ce mot avec un mélange d'incrédulité et d'amusement, laissant un sourire se dessiner sur ses lèvres. Cela faisait un mois qu'il n'avait pas vu son petit ami, et voilà la lettre qu'il lui envoyait. Une lettre dans laquelle il lui communiquait simplement son envie de sexe. Était-ce surprenant ? Non. Megumi s'étonnait même que Ryômen ne lui ait pas envoyé ce genre de lettre plus tôt. Lorsqu'il l'avait trouvé ce matin sur sa table de cuisine, il savait qu'il ne devait pas s'attendre à une vraie lettre. Mais sérieusement, comment avait-il fait pour imprimer des émojis ? Et comment avait-il fait pour que la lettre lui arrive aussi vite, alors qu'ils se trouvaient sur des continents différents ?
    Il fallait croire que Ryômen avait plus de ressources que Megumi l'imaginait. Le connaissant, il était même capable d'avoir envoyé la lettre avant son départ en France, pour être sûr qu'il ne la reçoive pas trop tard. Megumi saisit l'enveloppe qu'il avait reçue et l'inspecta quelques instants, mais elle était vierge, il n'y avait aucune date dessus. Il l'ouvrit alors pour récupérer un autre papier qui se trouvait dedans, et qu'il avait laissé de côté le temps de lire le mot de l'enveloppe. Il s'agissait d'une photo de Ryômen, un selfie qui ne laissait voir que son épaule et le côté de ses cheveux, comme s'il avait voulu se prendre en photo mais que son téléphone était tombé au dernier moment. Encore une fois, cela ne surprit pas Megumi. Cela faisait un mois que Ryômen ne lui avait pas montré son visage, il refusait ses appels FaceTime, et il ne postait rien sur ses réseaux sociaux pour l'empêcher de le voir.
    C'était particulièrement frustrant de ne pas voir le visage de son petit ami, cela accentuait encore plus le manque que ressentait Megumi. Et malheureusement, Ryômen avait bien compris que cela énervait Megumi, alors il avait décidé de ne plus lui montrer son visage jusqu'à leurs retrouvailles juste pour l'embêter. Megumi commençait sérieusement à penser qu'il avait fait quelque chose à son visage, ou bien qu'il s'était rasé les cheveux.
    Il soupira en regardant la photo, et la rangea soigneusement dans l'enveloppe. Il découpa ensuite la lettre de manière à ne garder que le petit espace où il y avait du texte, et le glissa dans sa coque de téléphone, là où il gardait tous les mots que lui écrivait Ryômen. Au même moment, un bruit se fit entendre dans l'entrée de l'appartement, et très vite, son père et Yuki arrivèrent dans la cuisine.
    — Ah t'es là, parfait, dit son père en posant un sac de course sur la table.
    « Poser » n'était pas le terme exact. « Balancer » correspondait plus au geste délicat qu'il venait d'avoir. Megumi ne réagit pas face à cet élan de douceur, mais Yuki fusilla son père du regard, tout en posant son propre sac de course sur la table.
    — C'est aujourd'hui que ton copain arrive, non ? questionna son père en ignorant le regard noir de Yuki.
    — Oui, il atterrit dans une heure, je pars bientôt le chercher. Je peux toujours prendre ta voiture Yuki ? demanda Megumi. 
    — Bien sûr, pas de problème. On a acheté de quoi lui faire à manger, il aura peut-être faim, dit Yuki en rangeant ses achats dans le frigidaire. On ne savait pas ce qu'il aimait alors on a pris de tout. Vous comptez manger ici ce soir ? Ou alors dehors ?
    — Je sais pas encore, je préfère voir comment Ryômen se sent. Le vol va sûrement le fatiguer.
    — Vous mangerez ici, avec nous, ordonna son père d'un ton sec. Ce garçon va dormir sous mon toit, donc je veux savoir à qui j'ai affaire. Et puis c'est hors de question que vous passiez la soirée tous les deux.
    — C'est mon toit, nous sommes dans mon appartement ici, fit remarquer Yuki. Et je te rappelle que tu connais ce garçon, tu l'as déjà vu plusieurs fois, et à chaque fois tu lui fais un interrogatoire de militaire. Laisse ce pauvre garçon tranquille.
    — Papa, je sors avec lui, je vais forcément rester seul avec lui par moment, ajouta Megumi en levant les yeux au ciel. Et ce garçon a un prénom.
    — Peut-être mais ça lui donne pas le droit de tout. Je le lâcherai pas une seconde des yeux, déclara son père d'un ton dur. Les garçons de cet âge je les connais, je sais ce qu'ils font.
    — Je suis un garçon et j'ai le même âge que lui !
    — Justement, ce que je dis c'est aussi valable pour toi. Les garçons savent pas se contrôler, c'est un fait. Moi à ton âge, quand je voyais ta mère je me contentais pas de-
    — Je veux pas savoir ce que tu faisais ! Et ça te regarde pas ce que je fais avec Ryômen ! C'est mon petit ami, je fais ce que je veux avec lui. Me mets pas la honte devant lui sérieux, soupira Megumi en se prenant la tête entre les mains.
    — D'ailleurs j'ai déjà fixé des règles, continua son père sans l'écouter. J'accepte les sorties nocturnes, mais vous devrez être rentrés avant le couvre-feu, c'est-à-dire minuit.
    — Sérieusement ? Mais-
    — Ensuite, vous vous douchez chacun de votre côté, c'est évident. Ses mains devront rester loin de toi dans les parties communes de l'appartement. La chambre d'amis est déjà prête, donc il pourra s'installer dedans et...   
    — La chambre de quoi ? Parce que tu crois qu'il va dormir dans une autre chambre que la mienne ? s'exclama Megumi d'un air ahuri.
    — Parce que tu pensais que vous dormiriez ensemble ? s'étonna son père. C'est interdit ici.
    — Et depuis quand ?
    — Toujours. En France, ça se fait pas de dormir avec une personne qui n'est pas ton époux ou ton épouse. T'es pas marié avec Ryômen à ce que je sache ? Non ? Donc tu dors pas avec lui.
    — Hein ? s'exclama Megumi d'un air incrédule.
    — Mais qu'est-ce que tu racontes ? demanda Yuki.
    — Yuki, j'ai vu l'un de tes poissons sauter de l'aquarium, tu devrais aller t'en occuper.
    — Papa, Ryômen est mon petit ami, c'est normal que je dorme avec lui, reprit Megumi avec calme.
    — Justement ! C'est exactement pour ça qu'il dormira dans la chambre d'ami, c'est plus prudent pour éviter les... Les... Les tripotages.
    — Oh mon dieu...
    — Arrête de faire le père autoritaire et laisse-le faire ce qu'il veut, souffla Yuki, avant de commencer à parler en français, sûrement pour que Megumi ne comprenne pas. Tu penses vraiment qu'il n'a jamais couché avec lui ? Ils ont vingt-trois ans, ils sont en couple et ils vivent presque ensemble, tu te doutes bien qu'ils ont une vie sexuelle.
    — Megumi a vingt-deux ans, précisa son père dans la même langue. Et c'est trop tôt pour qu'il couche avec lui, il est encore jeune, ils sont pas ensemble depuis longtemps, il faut y aller doucement. Megumi connaît rien au sexe en plus, il est trop innocent pour dormir avec un garçon.
    — Tu penses vraiment qu'il connaît rien au sexe ? Dans quel monde tu vis ? Ça fait neuf mois qu'ils sont ensemble, ils ont dû en faire des choses au lit.
    — Non mais regarde Megumi, il est trop innocent. Il couchera avec son copain à son mariage. Ou alors au bout d'un long, très long, moment.
    — Vous savez que je comprends le français ? intervint Megumi en haussant un sourcil.
    Son père et Yuki tournèrent la tête vers lui et le dévisagèrent avec surprise, alors que Megumi secouait la tête avec dépit. Coucher avec Ryômen à son mariage, et puis quoi encore ? Il avait couché avec Ryômen avant même d'être en couple avec lui... Mais bon, inutile de préciser ce détail. Inutile également de préciser que les nuits qu'il avait passées entre les cuisses de Ryômen lui avait enlevé le peu d'innocence qui lui restait. Non mais sérieusement, dans quel monde vivait son père ? Megumi était sûr qu'il essaierait de faire dormir Ryômen dans la chambre d'amis, car il l'avait vu faire le ménage dans la pièce. Étant donné que son père ne faisait jamais le ménage, il avait tout de suite compris qu'il préparait la chambre de Ryômen, et qu'il veillait personnellement à ce qu'elle soit prête. C'était ridicule.
    Cela faisait un mois que Megumi était parti en vacances en France, avec son père et Yuki. Au départ, il ne devait pas partir aussi tôt en France, il devait attendre le mois d'août, mais son père lui avait proposé de l'accompagner à Paris dès le mois de juillet, puisqu'il avait officiellement fini ses études, et qu'il n'avait pas besoin d'être à Tokyo pour travailler. En temps normal, son chef n'acceptait pas le travail à distance, mais puisque Megumi avait obtenu son diplôme de fin d'études, et qu'il devait donc changer de contrat pour travailler à plein temps dans la police scientifique, son chef avait accepté de le laisser partir. Il lui avait confié des tâches administratives pour qu'il puisse travailler depuis son appartement, c'était gentil de sa part. Bon, apprendre que Megumi était lié au clan Zenin avait certainement influencé sa décision de le laisser partir... Mais tout de même ! Megumi était donc en France depuis le début de juillet, et il n'avait pas vu Ryômen, ni ses amis, depuis son départ du Japon.
    Ses amis le rejoindraient dans une semaine environ, ils arriveraient le premier août, mais Ryômen arrivait aujourd'hui, car il avait envie d'assister à la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques. Cela arrangeait Megumi, car il n'en pouvait plus d'être séparé de lui, sa vie était affreusement triste et ennuyante sans lui dedans. Il avait hâte de le retrouver, de le voir, de lui parler, de le serrer dans ses bras, et de passer toutes ses journées collées à lui. Mais... L'inconvénient... C'était que pour l'instant, Megumi dormait chez Yuki avec son appartement, puisque l'appartement n'était pas loué... Alors Ryômen viendrait dormir ici... Et ils devraient cohabiter tous ensemble.
    Le point positif, c'était que Yuki était maniaque, et Ryômen aussi, alors ils allaient bien s'entendre... Par contre... Ça risquait d'être un peu plus compliqué avec son père...
    — Papa, souffla Megumi avec calme. Tu peux pas m'empêcher de dormir avec Ryômen de toute façon. Je dors déjà avec lui en temps normal, et t'es le premier à dire à Satoru que je suis pas un enfant et que je fais ce que je veux. Et maintenant tu te mêles de mon couple, c'est bête et incohérent. Tu peux pas tenir un discours la moitié de l'année, et changer de discours pendant les vacances.
    — Je m'en fiche que tu dormes avec lui, mais seulement à Tokyo, loin de moi. Et puis j'aime pas savoir qu'un garçon tripote mon fils, ajouta son père en croisant les bras.
    — C'est pas parce qu'on dort ensemble qu'il va me tripoter ! s'exclama Megumi, bien que c'était exactement ce qu'il avait prévu de faire en retrouvant son petit ami.
    — Oh pas à moi, les garçons savent pas se tenir. Surtout Ryômen.
    — Tu es toi-même un homme, arrête avec cette excuse !
    — Justement, je sais de quoi je parle ! J'ai jamais dormi avec une femme sans coucher avec elle, et ça m'étonnerait que ton copain reste sage, surtout après un mois de séparation, déclara son père.
    — Ah oui ? Pourtant avec moi tu n'es pas très actif... Donc soit je suis un homme, soit tu deviens impuissant sexuellement..., dit Yuki d'un air pensif.
    — Pardon ? s'étouffa son père en se tournant vers elle.
    — Bon de toute façon je couche avec Ryômen si j'ai envie, et je dors avec lui si j'ai envie, reprit Megumi d'un air agacé. Si t'es pas content, on peut aussi aller à l'hôtel. Et puis c'est pas parce que toi tu sais pas te contrôler que je suis pareil, moi je suis pas un sauvage.
    Son père lui répondit par un regard noir, avant de sortir de la cuisine sans prendre la peine de poursuivre la discussion. Megumi leva les yeux au ciel face à cette réaction d'une maturité époustouflante, tandis que Yuki étouffait un petit rire. Il était désespérant. Il savait très bien que Megumi dormait avec Ryômen, il devait bien se douter qu'il ne se contentait pas de lui faire des câlins ! Il n'avait jamais rien dit, cela ne l'avait jamais dérangé !
    — Tu sais, je pense qu'il a un peu de mal à laisser partir son fils chéri avec un autre garçon, avoua Yuki avec un sourire. Et puis il ne doit pas apprécier qu'un autre mâle s'installe sous « son » toit.
    — Moi je pense surtout qu'il veut prouver son autorité en nous interdisant de dormir ensemble, soupira Megumi. On est ensemble depuis un moment maintenant, pourquoi il fait une crise maintenant ?
    — Parce que tu n'as jamais dormi chez lui avec Ryômen. Vous ne vivez pas ensemble, alors Toji a toujours vu votre relation de loin, à part des repas de famille, vous n'avez rien fait ensemble. Là Ryômen va venir ici, il va dormir avec son bébé sous ses yeux, ça lui fait un choc !
    — J'ai quand même vingt-trois ans, en plus on vit plus ensemble depuis longtemps, je suis plus son bébé...
    — Tu le seras toujours un peu, même s'il le montre pas, tu es son petit protégé, surtout que tu es son unique enfant.
    — Hmm..., dit Megumi avant que son père n'entre en trombe dans la cuisine.
    Il avait encore ses chaussures aux pieds, et il tenait à présent un trousseau de clés de voiture dans sa main. Oula, Megumi avait un mauvais pressentiment. 
    — Puisque c'est comme ça, on t'accompagne à l'aéroport, annonça son père d'un air supérieur.
    — Quoi ? Non, je vais le chercher seul ! 
    — T'as pas ton mot à dire, c'est notre voiture donc c'est nous qui décidons. Allez on y va ! lança fièrement son père en partant.
    Megumi lança un regard suppliant à Yuki, mais celle-ci haussa les épaules d'un air désolé. Sérieusement... Il ne manquait plus que ça. Megumi aurait dû s'en douter, son père faisait toujours preuve de mauvaise foi, encore plus que lui, et il était mauvais perdant. Il détestait perdre une dispute, il détestait qu'on lui désobéisse, il détestait que son autorité soit remise en doute, et il détestait visiblement savoir que Megumi ait une vie amoureuse (et sexuelle) plus épanouie que la sienne. Enfin, Megumi n'en savait rien, mais bon à son âge...
    En bref, son père était insupportable. Et une fois qu'il s'était mis une idée en tête, c'était impossible de le faire changer d'avis. Megumi poussa un soupir d'exaspération en comprenant qu'il ne pourrait pas se débarrasser de son père, et sortit à son tour de la cuisine. Très bien, puisqu'il le voulait, qu'il l'accompagne. Mais Megumi ne se gênerait pas pour embrasser Ryômen devant lui.

Miel in ParisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant