#13 𝔏𝔞 𝔇é𝔠𝔬𝔲𝔳𝔢𝔯𝔱𝔢 ℑ𝔪𝔪𝔦𝔫𝔢𝔫𝔱𝔢

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Matilda se réfugiait de plus en plus dans l'écriture, cherchant dans les mots une échappatoire à la pression qui s'intensifiait autour d'elle. Chaque soir, elle se retirait dans sa chambre, le monde extérieur s'estompant, pour se plonger dans les pages de son blog. Sous le pseudonyme de "Luciole", elle déversait ses pensées, ses craintes, et ses rêves, trouvant un soulagement temporaire dans cet anonymat fragile.

Mais ces derniers temps, les murmures dans les couloirs de l'école s'étaient amplifiés. Les élèves parlaient de "Luciole" comme s'il s'agissait d'une légende urbaine. Des groupes se formaient pour débattre de l'identité de l'auteur mystérieux. Certains prétendaient connaître quelqu'un qui connaissait quelqu'un qui savait. D'autres affirmaient avoir identifié des indices dans les textes, des détails qui pouvaient correspondre à des personnes réelles. Matilda entendait ces conversations à la dérobée, chaque mention de "Luciole" lui faisant l'effet d'une décharge électrique.

Un soir, alors qu'elle s'installait devant son ordinateur, Matilda ressentit un frisson d'appréhension. L'école était déserte à cette heure tardive, et seule la lumière bleutée de l'écran éclairait son visage tendu. Elle avait préparé son nouvel article, un texte poignant sur la solitude et l'incertitude, où elle laissait transparaître son propre état d'esprit de manière à peine voilée.

Juste avant de publier, une notification apparut dans le coin de l'écran. Un nouveau commentaire avait été posté sur son blog, mais celui-ci ne ressemblait à aucun autre. Le titre du message attira immédiatement son attention : "Je sais qui tu es."

Le cœur de Matilda s'emballa. Elle hésita une fraction de seconde avant de cliquer sur le lien pour ouvrir le commentaire. Ses mains tremblaient légèrement tandis que les mots se dévoilaient devant ses yeux :

- "Luciole, tu penses pouvoir te cacher éternellement, mais certains d'entre nous ont appris à lire entre les lignes. Tu n'es pas aussi anonyme que tu le crois. Si tu continues à écrire, tout le monde saura bientôt qui tu es. C'est un avertissement. Arrête avant qu'il ne soit trop tard."

Matilda relut le message plusieurs fois, ses doigts crispés sur la souris. Son souffle s'accéléra, une panique froide l'envahissant. Quelqu'un l'avait percée à jour, quelqu'un connaissait son secret. Et cette personne était prête à tout révéler si elle ne mettait pas un terme à son blog.

Elle se leva brusquement de son bureau, faisant grincer la chaise sur le sol. Ses pensées tournaient en boucle. Devait-elle tout arrêter maintenant, supprimer le blog, effacer toute trace de "Luciole" avant que son monde ne s'effondre ? Mais l'idée de perdre cet espace d'expression, ce lien qu'elle avait créé avec des lecteurs anonymes, lui était insupportable. Elle avait trouvé un moyen de se connecter à d'autres âmes solitaires, de mettre des mots sur ce qu'elle ressentait, et de partager des fragments d'elle-même qu'elle ne pouvait exprimer autrement.

Prise de panique, elle attrapa son téléphone et appela Ethan. Il répondit après quelques sonneries, sa voix empreinte de fatigue.

- "Matilda ? Il est tard, qu'est-ce qui se passe ?"

Elle inspira profondément, tentant de calmer son cœur affolé.

- "Ethan... je... j'ai besoin de te parler. C'est important."

Ethan perçut immédiatement l'anxiété dans sa voix.

- "Je suis là, Matilda. Dis-moi ce qui ne va pas."

Matilda hésita un instant, consciente qu'elle s'apprêtait à franchir une ligne. Elle n'avait jamais parlé de "Luciole" à Ethan, de ce blog qui était devenu une part si essentielle d'elle-même. Mais elle ne pouvait plus affronter cette situation seule.

- "Tu sais que j'écris, n'est-ce pas ?"

- "Oui, tu m'en as parlé. Mais... tu ne m'as jamais vraiment dit de quoi il s'agissait."

- "Il y a un blog... que je tiens sous un pseudonyme, 'Luciole'. C'est mon exutoire, mon moyen d'exprimer tout ce que je ressens, mais que je ne peux pas dire à voix haute."

Elle marqua une pause, cherchant ses mots.

- "Le problème, c'est que ce blog a pris de l'ampleur. Beaucoup de gens à l'école en parlent sans savoir que c'est moi. Mais ce soir... quelqu'un a laissé un message, une menace. Cette personne dit qu'elle sait qui je suis, et qu'elle va tout révéler si je continue d'écrire."

Ethan resta silencieux un moment, digérant l'information.

- "Matilda... c'est beaucoup à encaisser. Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est que tu te sentes menacée. As-tu une idée de qui pourrait avoir envoyé ce message ?"

- "Non... aucune idée. Et c'est ça qui me terrifie. J'ai l'impression de perdre le contrôle."

- "Écoute, je comprends que cet espace est important pour toi, mais ta sécurité et ton bien-être le sont encore plus. Peut-être que tu devrais envisager de faire une pause, au moins le temps que cette situation se calme."

Matilda hocha la tête, bien que sachant qu'Ethan ne pouvait la voir.

- "Je pense que tu as raison... mais l'idée d'arrêter m'effraie aussi. C'est comme si je perdais une part de moi-même."

Ethan prit une inspiration, sa voix devenant plus douce, plus rassurante.

- "Tu ne perdras jamais cette part de toi, Matilda. Écrire, c'est ce que tu es, et rien ni personne ne pourra te l'enlever. Peut-être que tu pourrais trouver une autre façon de t'exprimer, ou attendre que les choses se calment. Mais tu n'es pas obligée de tout abandonner."

Matilda sentit les larmes monter. Les mots d'Ethan étaient empreints de vérité, et elle réalisa qu'elle ne voulait pas céder à la peur, mais qu'elle devait aussi être prudente.

- "Merci, Ethan. Je... je vais y réfléchir. Peut-être que je pourrais écrire moins souvent, ou utiliser une autre plateforme, mais je ne peux pas tout arrêter."

- "Prends ton temps pour décider. Et si tu veux en parler davantage, je suis là. Tu n'es pas seule dans cette épreuve, d'accord ?"

- "D'accord. Merci encore."

Ils échangèrent encore quelques mots avant de raccrocher. Matilda se sentit légèrement apaisée, mais la menace planait toujours au-dessus de sa tête. Elle retourna à son ordinateur, le regard fixé sur l'écran, le message anonyme toujours affiché. L'idée de tout arrêter lui faisait peur, mais l'idée de continuer sous cette menace constante la terrifiait encore plus.

Elle resta ainsi, perdue dans ses pensées, jusqu'à ce qu'elle se décide enfin. D'une main tremblante, elle commença à taper une réponse sur son blog, destinée à ses lecteurs. Elle écrivit avec prudence, pesant chaque mot, avant de publier le message.

- "Chers lecteurs, en raison de circonstances imprévues, Luciole doit faire une pause. Ce n'est pas un adieu, mais un au revoir. Merci pour votre soutien, et j'espère que nous pourrons nous retrouver dans un avenir plus serein."

En appuyant sur le bouton "Publier", Matilda sentit une vague d'émotions la submerger. La peur, le soulagement, et une profonde tristesse s'entremêlaient dans son cœur. Elle savait qu'elle avait pris la bonne décision, au moins pour l'instant. Mais la découverte imminente de son identité restait une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, menaçant de bouleverser son monde à tout moment.

Elle éteignit finalement son ordinateur, plongeant sa chambre dans l'obscurité. Ce soir-là, elle eut du mal à trouver le sommeil, ses pensées tourbillonnant autour de cette identité secrète qui risquait d'être révélée. Au fond d'elle, elle savait que cette pause ne serait que temporaire. L'écriture faisait partie d'elle, et quoi qu'il arrive, Luciole renaîtrait. Mais pour l'instant, elle devait faire face à la réalité, et accepter que, parfois, la prudence était la meilleure réponse.

Whispers in the HallwaysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant