Les Mystères de Harris Burdick

La Harpe

« C'est donc vrai, pensa-t-il, absolument vrai. »

***

Alors que je n'étais encore qu'un enfant, avec mes parents, nous avions passé nos vacances dans cette région si particulière qu'est la Bretagne. Venant de la ville si grise, j'étais fasciné par la beauté des paysages et la riche verdure de leurs forêts. Nous avions fêter mon anniversaire dans un endroit enchanteresque, j'en étais ravi. Un jour alors que mes parents étaient sortis en me laissant seul au camping, je m'étais fâché avec mes amis de vacances et je partis, boudeur et solitaire, sur le sentier forestier.

Ce n'est qu'une fois la colère passée que je me rendis compte que la nuit commençait à tomber et que j'avais, par mégarde, quitté le sentier. J'étais perdu dans cette forêt et les arbres me semblaient de plus en plus oppressants. Paniqué, je me mis à courir et à crier puis je glissai dans une pente. Exténué, je repris mon souffle et mes esprits et alors que mes respirations devenaient plus régulières, je m'aperçus d'une mélodie si douce que très vite je devins tout à fait calme.

Je suivis la musique, une partie de moi espérait trouver au bout du chemin quelque personne capable de me ramener à la civilisation mais une voix intérieure, hypnotisante, m'inciter à me joindre à eux. Guidé par les chants et les rires, j'avais longuement crapahuté à travers les bois et la nuit était bien présente quand j'arrivai à proximité du joyeux groupe.

Je vis des ombres danser autour d'un feu que j'aurais dû percevoir plus tôt. Me voyant approcher timidement, elles m'entraînèrent avec elles dans leur danse furieuse. Ces personnages étaient si étranges, si différents des gens que l'on voit dans la rue. Certains ressemblaient à des arbres gracieux, d'autres à des enfants au regard malicieux. Je crus même m'adosser à un rocher, épuisé par la danse, mais il s'agissait d'une sorte d'homme gigantesque.

J'étais finalement persuadé d'être en présence du petit peuple. Ce monde si magique se révélait extraordinaire sous la clarté lunaire. Je pensais que la nuit durerait éternellement. Leur ardeur se calma quand une femme gracile fit son apparition. Elle portait à sa ceinture une lyre en or qu'elle dénoua. Elle me vit et vint vers moi. Elle voyait que je commençai à somnoler alors elle m'installa sur ses genoux. Elle était immense et délicate. Sa chaleur m'enveloppa quand elle posa son voile sur mes épaules. Elle commença à jouer quelques notes, ses longs doigt glissant sur sa lyre, puis elle se mit à chanter. Sa voix était douce et belle et semblait résonner comme un choeur entier. C'était un chant dans une langue étrange, qui paraissait ancienne comme le temps et elle vibrait en moi comme si mon corps lui-même avait cherché à lui faire écho. Je fermais lentement les yeux, bercé par cette atmosphère mystique, puis peu à peu, je m'assoupis de cette journée éreintante.

Le lendemain, je me trouvais à l'orée de la forêt et je retrouvai sans peine mon chemin jusqu'à mes parents. Ils étaient furieux de ma fugue mais soulagés de me voir sain et sauf. Je leur racontai alors mon aventure mais ils ne voulurent pas m'entendre. Ils disaient qu'il ne s'agissait là que d'inventions et de stupides excuses de l'enfant que j'étais, et que j'étais trop grand pour encore croire à de telles histoires. Je décidai alors de ne plus en parler, peut-être avais-je tout imaginer, finalement. Quelques jours plus tard, les vacances étaient terminées et nous rentrâmes dans notre étroit appartement de ville.

***

Des années plus tard, le destin me ramena vers ce coin de Bretagne qui m'avait laissé comme un air étrange dans la tête et que j'avais voulu à tout prix éviter, de peur sans doute d'en devenir fou.

Le journal un peu loufoque où je travaillais avait eu vent de rumeurs qui se répandaient dans la région depuis peu. On disait que l'on entendait d'étranges musiques d'un autre temps provenant de la forêt certains soirs et ce, sans même qu'il n'y eut de campeurs autorisés, le site étant protégé. Il n'en fallut pas d'avantage à mon directeur pour m'envoyer enquêter sur place. J'étais quelque peu réticent et perplexe face à cette nouvelle mission mais je cédai, me disant que ce n'était là qu'une affaire de quelques jours qui me ferait des vacances tous frais payés.