Chapitre 1: Les Coulisses de la Gloire

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Le bruit des sabots frappant le sol résonnait dans le manège couvert, un rythme sourd et régulier qui trahissait la fatigue du cheval. Flèche d’Or, un magnifique étalon bai aux muscles saillants, volait au-dessus des obstacles avec une grâce mécanique, mais sans l’étincelle de liberté qui fait la beauté du saut. À chaque réception, une légère boiterie trahissait sa douleur, mais sa cavalière, Élise, n’y prêta pas attention.

Élise était une figure bien connue des concours de saut d’obstacles. Ses cheveux blonds toujours parfaitement attachés sous son casque, son regard acéré, et sa détermination sans faille lui avaient valu une réputation redoutable dans le milieu. Pour elle, chaque compétition était une guerre à gagner, et Flèche d’Or n’était qu’une arme parmi d’autres dans son arsenal.

— Remets-toi en place ! gronda Élise, tirant brusquement sur les rênes.

Flèche d’Or obéit, malgré la douleur qui irradiait de ses jarrets jusqu’à ses flancs. Depuis des mois, il souffrait en silence, exécutant chaque ordre sans broncher, son esprit brisé par les heures d’entraînement harassantes et les sanctions brutales. Les éperons d’Élise s’enfonçaient régulièrement dans ses côtes pour le forcer à avancer plus vite, sa cravache tombant sans pitié lorsqu’il refusait d’accélérer.

— Encore ! ordonna Élise en le poussant vers un nouvel obstacle.

Flèche d’Or hésita, les oreilles couchées en arrière, signe de sa détresse. Élise perdit patience et lui infligea un violent coup de cravache. Le cheval bondit en avant, franchissant l’obstacle dans un geste désordonné et douloureux. À sa réception, son antérieur faiblit, le forçant à trébucher légèrement. Élise jura, furieuse.

— T’es qu’un incapable ! Tu veux vraiment qu’on perde la prochaine compétition ?

Elle lui arracha les rênes des mains, le dirigeant vers la sortie du manège. Pour Élise, l’échec n’était jamais une option, et chaque faute, chaque hésitation, était une trahison. Flèche d’Or était censé être parfait, un prolongement de sa propre ambition, mais aujourd’hui, il n’était qu’un fardeau.

Au bord de la piste, Emma, une jeune palefrenière, observait la scène avec le cœur lourd. Passionnée de chevaux depuis l’enfance, elle avait toujours rêvé de travailler dans un haras prestigieux. Mais en voyant le traitement infligé à Flèche d’Or, son rêve se transformait peu à peu en cauchemar. Chaque jour, elle assistait, impuissante, à la lente dégradation de cet étalon autrefois flamboyant, et aujourd’hui réduit à un outil de compétition sans âme.

Quand Élise passa près d’elle, Emma croisa son regard dur et implacable. Elle hésita un instant, cherchant les mots pour exprimer son inquiétude, mais le silence d’Élise était une barrière infranchissable. Ce n’était pas son rôle de critiquer, encore moins de se dresser contre une cavalière de renom.

— Assure-toi qu’il soit prêt pour demain, lança Élise d’un ton sec, sans un regard pour son cheval.

Emma acquiesça timidement et s’approcha de Flèche d’Or, qui baissa la tête en signe de fatigue. Elle passa une main douce sur son encolure, sentant sous ses doigts les muscles tendus et tremblants de l’étalon. Il frissonna sous le contact, cherchant un réconfort que personne ne semblait prêt à lui offrir.

— Ça va aller, murmura Emma, plus pour elle-même que pour le cheval.

Elle savait que ce n’était qu’une promesse vide. Tant qu’Élise serait sa cavalière, Flèche d’Or continuerait à souffrir en silence, chaque saut un pas de plus vers l’épuisement. Mais au fond d’elle, Emma se fit une promesse : un jour, elle trouverait un moyen de libérer Flèche d’Or de ses chaînes invisibles. Et ce jour-là, l’étalon retrouverait sa liberté perdu.

La Monture Abandonné Où les histoires vivent. Découvrez maintenant