Chapitre 14

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Jumun se tenait là, dans la grande salle principale du château d'Orthetia, une pièce d'une grâce telle qu'on se demande si elle appartient vraiment à ce monde ravagé. Dès qu'on y entre, il devient presque facile d'oublier que l'apocalypse a frappé ce monde il y a vingt-cinq ans. Les murs, d'un bleu profond, se mêlaient harmonieusement aux ornements dorés, évoquant un style ancien, presque mythique, qui semblait appartenir à une époque révolue. Pourtant, les lumières froides et les objets cybernétiques qui peuplaient la salle rappelaient brutalement le présent, un univers où le passé et le futur se confondent dans une danse macabre.

Jumun attendait, immobile, son calme glaçant l'atmosphère. À ses côtés, un homme se tenait droit, vêtu d'une tenue royale impeccable. Sa carrure imposante suggérait un charisme naturel, mais ce masque de force se fissurait sous l'angoisse que trahissaient ses ongles rongés jusqu'à la peau. C'était Angun, le faux roi, dont l'apparente prestance était mise à mal par l'inquiétude qui se lisait dans ses yeux verts perçants.

En face d'eux se trouvait Memoli, une autre figure tout aussi inquiétante. Elle se tenait proche de Tom, inerte, toujours enfermé dans la bulle d'emprisonnement. Les spasmes irréguliers qui secouaient son corps trahissaient la douleur qui le traversait, prouvant qu'il était encore en vie, mais pour combien de temps ?

« Il arrive quand ? Votre homme est-il vivant ? » demanda Angun, d'une voix tendue, son regard se fixant avec une fascination morbide sur le corps malmené de Tom.

« Il arrivera quand il arrivera, Angun, » répondit Jumun avec sa froideur habituelle. « Quant à ce petit bonhomme, il n'a effectivement pas l'air en grande forme. »

Memoli, avec un sourire cruel, se mit à tourner autour de la bulle, observant Tom avec une satisfaction malsaine. « Il s'appelle Tom, un peu de respect pour les futurs défunts, » dit-elle, son ton trahissant un plaisir pervers à voir l'agonie de sa victime. « Il est encore en vie, pour le moment. Il s'accroche bien à la vie, mais... » Elle fit une pause, savourant l'effet de ses paroles. « Ce piège n'a pas été conçu pour laisser des survivants, vous savez ? » Ses yeux brillaient d'une lueur dangereuse alors qu'elle se retournait vers Jumun et Angun.

La tension dans la salle était palpable. Angun, visiblement contrarié, se mordillait l'intérieur de la joue, luttant pour masquer son anxiété grandissante. « Tu n'as vraiment rien pu faire contre les deux voleurs ? » demanda-t-il, sa voix trahissant une pointe de panique.

Memoli roula des yeux, l'agacement perçant dans son ton. « Non, va essayer de poursuivre quelqu'un courant aussi vite que la lumière, » rétorqua-t-elle sèchement. « Ma magie est mentale, pas élémentaire ou dimensionnelle. Rivaliser avec eux en force brute ou en vitesse, c'est un autre domaine. »

La salle se plongea dans un silence glacé, où seules les respirations des trois protagonistes et les faibles gémissements de Tom semblaient rompre l'immobilité des lieux. Chaque détail de la pièce, de ses murs richement ornés aux éclats de technologie moderne, reflétait le conflit entre l'ancien monde, à jamais perdu, et ce nouveau règne, froid et impitoyable. Jumun, aussi belle qu'elle était impitoyable, laissait paraître une indifférence glaciale. Pour elle, tout cela n'était qu'une autre étape nécessaire dans le maintien d'un pouvoir dont elle se considérait la gardienne. Quant à Angun, sa prétendue royauté était réduite à une simple façade, cachant à peine l'homme fragile qu'il était réellement, terrifié par la tempête de révolte qui menaçait de tout emporter.

Memoli, sociopathe dans l'âme, semblait se délecter de la situation, ses doigts effleurant la bulle comme un prédateur jouant avec sa proie. Le contraste entre l'élégance de la salle et la cruauté des actes qui s'y déroulaient n'en rendait la scène que plus dérangeante. Le château, autrefois symbole de grandeur, était désormais le théâtre de manipulations sombres et de violences cachées, où chaque personnage jouait son rôle avec une précision effrayante.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant