𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟑

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Enora

La vue d'Owen, allongé sur ce lit d'hôpital, entouré de machines qui surveillent son état, est presque irréelle. Ses yeux sont clos, son teint est pâle, je fixe la buée qui se forme régulièrement sur son masque à oxygène ce qui me soulage un peu. Il est vivant. Je m'approche doucement de son lit, mes pas résonnant faiblement dans la pièce silencieuse. Mon regard se perd sur ses bras marqués par les perfusions et les bandages, ses mains immobiles. C'est difficile de le voir comme ça, si vulnérable. Un garçon aussi plein de vie, maintenant coincé dans ce lit, entre des câbles et des tubes. Je m'assois sur la chaise à côté de lui, hésitant à lui prendre la main, comme si un simple geste pouvait tout briser. Mais je finis par poser ma main doucement sur la sienne, froide et inerte.

- Tu vas t'en sortir, murmuré-je à voix basse, comme pour me convaincre autant que lui.

Aiden reste debout près de la porte, observant la scène en silence, les bras croisés. Il ne dit rien, le regard fixé sur nous. Ses yeux pourtant expriment toute la frustration qui l'occupe. Evelyne, quant à elle, a fini par s'endormir, épuisée. Sa tête repose doucement sur le bord du lit, son visage caché dans le creux de son bras. Le souffle léger, elle semble en paix, loin des tourments qui occupent la pièce. Le silence est presque pesant. Seuls les bips réguliers des machines et le souffle d'Owen à travers le masque à oxygène viennent perturber l'atmosphère. Aiden inspire profondément, sans bouger, ses pensées semblant peser sur ses épaules.

- Tu devrais essayer de dormir, dit Aiden soudainement, brisant le silence de la pièce.

Je garde ma main fermement posée sur celle d'Owen, fixant les légers mouvements de sa poitrine qui montent et descendent.

- J'ai pas sommeil, je réponds d'une voix fatiguée en levant les yeux vers l'horloge accrochée au mur. 2h40 du matin.

Aiden soupire doucement, s'approchant avant de s'asseoir sur la chaise à côté de moi.

- Essaie quand même, t'es épuisée, ça se voit, insiste-t-il.

Je sais qu'il a raison. Je sens la fatigue dans chacun de mes muscles, mon corps lourd, mais je refuse de fermer les yeux. L'idée de m'endormir me semble impossible. Tout va me revenir en tête, je le sais. Mon esprit ne me laisse jamais en paix. Je réfléchis trop, beaucoup trop, mais je ne peux pas m'en empêcher. Mon cerveau semble aimer me torturer, comme s'il prenait un plaisir malsain à me rappeler ce que j'essaie d'oublier.

Et puis, l'image de Léon surgit, s'imposant à moi sans prévenir. Ses mains sur moi. Son regard insistant. Mon souffle se coupe alors que le souvenir me submerge. Pourquoi maintenant ? Pourquoi je n'arrive pas à effacer ce moment ?

- Je... je veux rester avec lui, dis-je doucement en serrant un peu plus la main d'Owen.

- Tu seras encore là quand il se réveillera. Il a besoin de temps pour récupérer, toi aussi.

Je baisse les yeux, serrant la mâchoire pour retenir les larmes qui menacent de couler. Les souvenirs s'enchaînent, défilant sans que je puisse les arrêter : ses baisers forcés, l'humiliation, la peur qui m'avait figée. Chaque détail revient avec précision. Mon corps se crispe malgré moi, un frisson glacial me parcourt l'échine. Je suis terrorisée. Mon souffle devient court, oppressé par les souvenirs, jusqu'à ce que je sente soudain la main d'Aiden se poser doucement sur ma nuque. Ses doigts s'enroulent délicatement. Il fait pivoter ma tête vers lui, ses yeux me scrutent avec une intensité presque douloureuse.

- Tu es en sécurité maintenant, murmure-t-il doucement.

Mon cœur s'emballe, mais cette fois, ce n'est pas de la peur.

ESMERALDA ⎜1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant