Chapitre 1

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La haine, le dégoût, la colère, la tristesse, l'incompréhension...

Ces émotions me dévoraient comme des bêtes féroces, grattant et déchirant chaque parcelle de mon âme. Elles n'étaient plus distinctes, elles se mêlaient dans une tempête aveugle, hurlante, qui rugissait à l'intérieur de moi. Chaque battement de mon cœur me rappelait que j'étais encore vivante, mais à quoi bon vivre quand tout ce qui comptait avait été détruit ?

Le feu crépitait dans l'air, ses flammes dansant de manière presque hypnotique, illuminant la nuit de leur éclat funeste. Leurs reflets faisaient surgir des ombres grotesques sur les visages des morts, déformant leurs traits dans une parodie d'agonie.

Des corps.

Des corps mutilés, brisés, abandonnés là comme des objets sans valeur, jetés aux flammes comme s'ils n'étaient rien de plus que du bois mort. L'odeur de chair brûlée emplissait l'air, épaisse, suffocante, se mêlant au goût du sang dans ma bouche. J'avais l'impression de me noyer dans un océan de mort.

Je suis la dernière.

La dernière sorcière de magie noire.

Mon peuple, jadis si puissant, si craint, n'était plus que cendres.

Devant moi, trois d'entre elles, mes sœurs, mes semblables, brûlaient encore, réduites à l'état de torches humaines par ces monstres. Elles étaient les dernières avant moi, les ultimes vestiges de notre lignée. Elles avaient été massacrées cette nuit.

Non...

Massacrer est un mot bien trop faible pour décrire ce qu'elles avaient enduré.

Elles avaient été traquées, chassées comme des animaux, puis capturées. Ce que les druides leur avaient fait... c'était bien pire que la mort. La violence qu'elles avaient subie se lisait dans chaque coupure, chaque plaie ouverte, chaque os brisé. Leurs corps portaient les stigmates de la cruauté la plus inhumaine. Violées, torturées, mutilées. Ils avaient pris un plaisir sadique à détruire non seulement leurs corps, mais aussi leur esprit.

Je me tenais là, figée par l'horreur, témoin impuissante de la fin de mon monde. Leur souffrance hurlait encore dans l'air, invisible mais présente, imprégnée dans chaque fragment de ce cauchemar.

Un gouffre béant s'ouvrait sous mes pieds.

Le vide.

La solitude.

Que restait-il après cela ? Rien.

Juste le néant.

Ils avaient tout pris.

Tout.

Je me sentais vide, dépouillée de tout espoir, de toute humanité. Mais au fond de ce néant, là où la lumière ne pouvait plus atteindre, quelque chose d'autre grandissait. Lentement, imperceptiblement. Une rage froide, brûlante comme le feu qui dévorait mes sœurs. Un feu qui n'était pas alimenté par la peur ou la tristesse, mais par une soif insatiable de vengeance.

Ces druides, ces misérables, ne savaient pas ce qu'ils avaient éveillé. En détruisant tout ce que j'avais aimé, ils avaient semé la graine de leur propre destruction. La douleur m'enveloppait comme une seconde peau, mais elle me maintenait en vie. Chaque seconde où je respirais encore n'était qu'un rappel que je devais rendre leur souffrance mille fois plus intense.

Une main se posa sur mon épaule, brisant le cercle infernal de ma rage.

Je sursautai, mes muscles tendus prêts à exploser. Mes yeux, brûlants de colère et de larmes retenues, croisèrent ceux de Kelen. Ses pupilles grises me fixaient avec une intensité presque insupportable, comme s'il pouvait lire en moi tout le poids de ma douleur.

heart of the AbyssWhere stories live. Discover now