Chapitre XII : Mettre le feu aux poudres

9 1 0
                                    




Voilà des lustres maintenant que Crispin discutait avec la Diplomate de l'escouade qui nous avait secourus la veille. D'après ce que j'avais entendu, c'était une Hankali répondant au nom de Denahi.

Kenai, opportuniste qu'il était, avait sauté sur place, surexcité à l'idée d'avoir pour alliée une utilisatrice des arts occultes.

Mais les choses n'étaient pas aussi simples. Si nous avions tout à gagner de cette alliance, nous allions forcément attirer davantage l'attention à dix qu'à cinq. Nous n'étions encore qu'à l'orée de l'Okhenrhun et le chemin qui nous attendait était bien plus dangereux encore.

La raison qui avait poussée des Rangkas aussi près de la frontière m'echappait complètement. Surtout quand d'après Ménès, ils étaient rarissimes. Moins de cinquante individus avaient été recensés jusqu'à aujourd'hui. Dans tout le Evashtar. Comme Ash avait pris le soin de nous le rappeler, au cas où nous aurions le cerveau d'un moineau, il nous manquait encore bien trop d'informations pour qu'on puisse appréhender la situation dans son ensemble.

Mais, si je ne devais faire confiance qu'à une seule personne dans ce groupe, ça serait Crispin. Sans hésiter. Il était le seul qui n'était pas une tête brûlée prêt à faire tout et n'importe quoi juste parce qu'il se pensait invincible.

Alors s'il estimait que conclure un partenariat avec cette escouade était à notre avantage, je n'allais pas en douter.
Cependant, je n'étais pas optimiste pour autant.

Les événements de la veille ne cessaient de tourner en boucle dans ma tête comme un disque rayé. J'avais beau essayer de réprimer ma culpabilité et les remords qui en découlaient, ils finissaient toujours par me tourmenter.

Les litres d'infusion de mélisse que j'ingurgitais n'aidaient en rien. J'avais même fini par me résigner à brûler de la valériane telle une prêtresse de l'île Kamatayan. Malheureusement, cela n'avait pas suffi à faire taire le tsunami qui se formait à l'intérieur de moi.

Alors, il ne me restait plus qu'une corde à mon arc. La solution d'urgence. Je savais bien que pendant l'Errance, un jour arriverait où mes angoisses engloutiraient, où les ténèbres reprendraient leur droit. Ce moment où la lumière au bout du tunnel disparaîtra, où seuls résideront les abysses. Ceux-là même qui vous rongent corps et âme pour ne vous laisser que la peau sur les os et vos yeux pour pleurer.

Mais jamais je ne me serais doutée que ce jour arriverait si rapidement. Trois jours à peine après notre départ et mon âme était déjà scindée. Les promesses d'une vie envolées et abandonnées à l'immondice de mes péchés.

Devant moi se trouvaient des feuilles de chanvre minutieusement roulées. L'extrémité du tube entre mes lèvres, j'enflammais les feuilles qui dépassaient du tissu à l'aide d'une allumette que je gardais précieusement à l'abri dans mon sac à dos.

Les yeux fermés, je pris une grande bouffée. Alors que la fumée investissait mes poumons, mon corps relâcha la pression instantanément. Vizin m'avait déconseillée à maintes reprises d'en abuser mais les années passant, j'avais fini par m'adonner à cette activité de plus en plus fréquemment.

Plus mes émotions m'échappaient, plus il devenait presque impossible de les distinguer les unes des autres. Ce dont j'étais sûre par contre, c'était que ce qui me hantait était toujours là, tapis dans l'obscurité près à bondir hors de sa cachette dès que je baisserai la garde.

C'était comme vivre sur un carreau de verre brisé. On sait qu'au moindre faux pas, la vitre se fendra et on chutera vers l'infini. Alors on reste sur le qui-vive, en sursis. On fait ce qu'on peut pour survivre mais, en réalité, notre destin est tout tracé.

La voie du sang [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant