Chapitre 8 - Run Rabbit Run

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Mon sang ne fait qu'un tour. Leïla se décompose instantanément.

- Il va falloir que tu accélères. Je m'étrangle.

La route n'est pas idéale, nous allons déjà bien trop vite sur ce chemin de terre cabossé, le van est secoué dans tous les sens si bien que je saute parfois sur mon siège et que je dois m'accrocher à la portière.

Mais il n'y a pas d'autre solution.

Leïla agit en quelques secondes. Elle appuie sur l'accélérateur, et le van bondit en avant, nous prenons un autre trou et la vitesse me fait heurter le plafond. Je retiens une grimace et jette un coup d'œil dans le rétroviseur, sous la vitesse, les pneus du van soulèvent des nuages de poussière, mais malgré cela, la voiture noire ne recule pas d'un pouce. Elle nous suit de près, trop près. Mon cœur bat si fort que j'entends mes propres pulsations dans mes tempes, et chaque fibre de mon corps me hurle que quelque chose ne tourne pas rond. Ce n'est pas un hasard.

- C'est mon père, dis-je dans un souffle, presque pour moi-même.

Leïla me lance un coup d'œil rapide avant de se cramponner de plus belle au volant. Je serre la mâchoire, refusant d'admettre ce qui devient de plus en plus évident.

- C'est un des hommes de mon père, je précise. Il a dû nous retrouver.

Mais comment est-ce possible ? Nous avons plusieurs heures d'avance, nous avons mis toutes les chances de notre côté... Cet homme, celui qui s'est glissé dans la chambre de mon amie, a dû signer notre chute. Ce n'est pas parce que les alentours de ma maison étaient silencieux qu'une ombre ne s'y cachait pas. Il a dû me suivre de là-bas et après avoir échoué à me ramener, il a sûrement averti immédiatement mon père... Ainsi, notre avance ne devait pas signifier grand-chose.

Bordel !

Leïla jure entre ses dents, j'imagine déjà le visage fier de mon paternel lorsqu'il me ramènera. Cette réalité ne peut pas exister. Je m'y refuse, il ne peut pas gagner, pas si tôt... Le chemin bordé de champs se divise à une petite intersection. Rapidement, je consulte les panneaux, l'un mène
à une ferme, l'autre ramène au centre-ville. Et Leïla dans la panique semble déterminée à emprunter le cul-de-sac vers la propriété privée.

J'élance alors mon corps vers le volant et sans prévenir, je le tourne violemment. Le van tangue, les pneus crissent. Nous éraflons un des panneaux et un bruit de ferraille strident se répercute dans mes oreilles. Cependant, cette embarquée soudaine nous fait gagner quelques précieuses secondes, la berline ne réagit pas assez vite et sa vitesse la propulse dans l'autre direction. Mais ce n'est que provisoire, puisqu'il se rattrape bien vite, et même si nous filons à vive allure, notre poursuivant se glisse de nouveau dans notre sillage, accélérant à mesure que nous tentons de la semer.

- Qu'est-ce qu'on est censé faire !? Hurle Leïla. Je n'ai jamais fait de course-poursuite !

Je jette des petits coups d'œil nerveux au rétroviseur en tentant de distinguer l'homme.

- Ça tombe bien, moi non plus ! Je crie en retour.

Nous rejoignons une nouvelle fois la route principale, les pneus du van dérapent au changement de route. Je m'accroche plus fermement, mes ongles s'enfonçant dans mes paumes et je prie pour que Leïla accélère toujours plus. Si seulement nous arrivions à le semer juste un peu, à l'arrivée dans la prochaine ville, nous pourrions abandonner le van et nous réfugier chez quelqu'un, avec un peu de chances...

- Ouais et bien ça aurait été sympas que t'aies la même expérience que ce malade !

Mais la voiture noire se rapproche au contraire, l'espace désormais entre nos deux véhicules ne pourrait pas laisser place à une autre voiture. Leïla a raison, lui a de l'expérience, c'est flagrant. On dirait presque qu'il joue avec nous, comme un chat avec une souris. Sa voiture est nettement plus puissante que la nôtre, il semble attendre le bon moment pour nous coincer alors qu'il pourrait le faire à tout moment. Et peut-être que cet instant est arrivé, peut-être qu'il en a tout simplement assez de nous courir après. La berline gronde et il la jette presque sur nous à la manière d'un prédateur qui encercle sa proie. Mon souffle se coupe quand je la vois presque toucher notre pare-chocs. Il veut nous forcer à sortir de la route.

Eros et PsychéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant