Chapitre 95

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Sans rien d'autre à faire, la vie quotidienne de Huai'en était très simple : il mangeait, dormait et s'entraînait. À cela s'ajoutait désormais une nouvelle activité : aller discrètement voir Xiao Bao.

S'il lui rendait visite tous les jours, il serait sûrement découvert et gêné par Su Yin, mais l'observer discrètement de loin ne causerait aucun problème.

Cependant, ce soir, il n'a pas pu sortir, car il a été surpris par l'arrivée de deux personnes. Les frères Ying, à la silhouette et au visage très similaires, étaient là. Depuis leur séparation dans l'auberge, Huai En ne les avait plus revus et n'avait pas cherché à se renseigner sur eux. Étant donné qu'il n'était plus affilié à la secte, leur statut en tant que ses gardes du corps devenait délicat. Pourtant, ces deux-là étaient compétents et avaient réussi à se faire une place dans le monde des arts martiaux, mais en le voyant, ils s'agenouillèrent comme auparavant et s'exclamèrent en chœur : « Jeune maître. »

Assis en méditation sur son lit, Huai En ouvrit les yeux et dit avec indifférence : « Je ne fais plus partie de le secte Tong Jiao. Ne m'appelez plus ainsi. »

Les frères échangèrent un regard et changèrent d'adresse : « Maître ! »

( Note de traduction : ici c'est le terme  主子  (zhǔzi) qui est utilisé, il est moins spécifique que 少主 (shàozhǔ) qui lui désigne le héritier d'une famille noble.  主子 (zhǔzi) n'est pas spécifique à la noblesse mais désigne juste une personne avec du pouvoir. )

Huai En se leva et sortit une pile de billets de son sac, qu'il lança à Zuo Ying : « Vous m'avez suivi pendant de nombreuses années, vous n'avez plus besoin de servir les autres. Faites ce que vous voulez à partir de maintenant. »

Zuo Ying empocha gracieusement les billets et s'inclina profondément : « Merci, Maître, pour votre générosité. Mon frère et moi souhaitons vous suivre toute notre vie, ne désirant rien d'autre ! »

Huai En s'assit sur le fauteuil et, en pointant du doigt la table, demanda soudainement : « Vous avez déjà vu Zongzheng Lihan, n'est-ce pas ? »

Les visages des frères changèrent légèrement, et ils se regardèrent l'un l'autre, incapables de répondre.

Zuo Ying et You Ying étaient respectivement plus âgés de trois et quatre ans que lui. Depuis qu'il avait sept ans, ils avaient été affectés à son service. Les deux avaient été élevés dès leur jeune âge pour cultiver leur loyauté, afin qu'un jour, lorsque Huai En prendrait la direction de la secte Tong Jiao, il deviennent ses gardes du corps

Malheureusement, l'atmosphère dans la secte Tong Jiao n'était pas à la loyauté et à l'obéissance ; elle suivait la loi de la jungle, où les forts l'emportent et les faibles étaient éliminés à juste titre.

D'après ce que Huai En savait de ses deux frères, ils étaient tous deux très ambitieux et particulièrement compétents, mais sans être exceptionnels. Le suivre pour gravir les échelons jusqu'à devenir ses gardes du corps était probablement leur plus grande réussite. Désormais, avec son départ de le secte, ils ne pourraient plus jamais y retourner. Mis à part leur donner un peu d'argent, Huai En ne pouvait plus leur offrir d'autres avantages. Dans cette situation, ils revenaient pourtant à ses côtés, jurant de le suivre loyalement jusqu'à la mort. À moins qu'ils n'aient trouvé un bénéfice plus grand, ce qui ne pouvait signifier qu'une chose : Zongzheng Lihan leur avait promis quelque chose.

« Inutile de parler inutilement. Dites-moi qui vous avez rencontré et ce que vous avez vécu depuis que nous nous sommes quittés », demanda Huai En.

Zuo Ying se pinça les lèvres, sachant qu'il ne pouvait plus cacher la vérité, et répondit franchement : « Maître, après notre séparation, nous savions que nous ne pourrions pas retourner dans la secte Tong Jiao. Nous avions prévu de visiter notre ville natale avant de décider de ce que nous ferions ensuite. Cependant, en chemin, nous avons été interceptés par le prince Shen. Il nous a offert des choses que vous n'aimeriez certainement pas savoir. Il voulait simplement que nous revenions et que nous vous suivions. La cour impériale dispose de ressources auxquelles nous pouvons faire appel à tout moment, quoi que vous souhaitiez entreprendre. »

Huai En se moqua : « N'êtes-vous pas curieux de savoir pourquoi il me traite soudainement de cette façon ? »

Zuo Ying répondit : « Maître, nous comprenons les règles ; nous n'osons pas savoir ce que nous ne devrions pas savoir. 

- Et combien de temps comptez-vous me suivre ? » Huai En demanda.

« Si le maître nous rejette maintenant, nous partirons tout de suite. Et sinon quand vous nous demanderez de partir, nous partirons. »

Huai En hocha la tête :« C'est bien. J'ai manqué de personnel ces derniers temps et je ne veux pas utiliser quelqu'un de la secte. Quant au soutien de Zongzheng Lihan, il serait stupide de ne pas l'utiliser. 

- Que voulez-vous que nous fassions, Maître ? »

Ces deux hommes le suivaient depuis de nombreuses années, et il trouvait toujours leur assistance parfaitement adaptée à ses besoins. Leur coordination était excellente.

« Avez-vous un moyen de contacter Zongzheng Lihan ?

- Oui, Maître. 

- Très bien. Je vais rédiger une lettre dans un instant. Vous la lui ferez parvenir aussi vite que possible.  

- Je comprends. 

-  Ensuite, You Ying, je veux que tu surveilles toute la résidence des Su, en particulier les mouvements de Xiao Bao et de Su Yin.  Quant à toi, Zuo Ying, prends des hommes et rends-toi immédiatement à Chifengya. Ensuite... »

Huai En savait qu'aller à la falaise Chifeng était plein de dangers. Su Yin n'avait aucune raison de lui laisser cette occasion de flatter Xiao Bao. Ils souhaitaient tous deux que l'autre disparaisse à jamais. Maintenant, lié par l'influence impériale de la famille royale Zongzheng, Su Yin ne pouvait pas ouvertement le tuer, mais c'était l'occasion rêvée.

La période de floraison du Dalhia pourpre qui ne se produisait qu'une fois tous les sept ans, attirait d'innombrables personnes prêtes à s'affronter. Dans le chaos des combats, Su Yin pourrait facilement se servir des autres pour l'éliminer. Même si une enquête était menée, il serait difficile de prouver que Su Yin en était responsable. Ce plan était d'autant plus vicieux qu'il savait pertinemment que c'était un piège, mais qu'il devait malgré tout y plonger tête baissée. Il était prêt à tout pour Xiao Bao, même à tenter quelque chose dont il n'était lui-même pas certain de réussir.

Il avait initialement prévu de ne plus jamais avoir de lien avec la secte Tong Jiao ou la famille impériale Zongzheng. Cependant, après des jours de réflexion, il avait réalisé qu'avec ses seules forces, il lui serait difficile de surmonter cette épreuve. Il devait revenir vivant pour retrouver Xiao Bao. Il avait initialement prévu de contacter la succursale de la secte à Dali. Or, avec les hommes de Zongzheng Lihan qui se présentaient à lui, c'était une opportunité inespérée.

Malgré tout, Huai En n'avait pas confiance en ses chances de revenir vivant. Dans le pire des cas, il pourrait réussir à s'emparer du Dalhia pourpre pendant le combat chaotique, mais Su Yin jouerait les opportunistes et récolterait les bénéfices par la suite.

Il regardait le ciel bleu d'encre et la lune brillante, le visage empreint de solennité, alors qu'une myriade d'émotions le traversait.

Il s'était écoulé plus de quinze jours depuis sa dernière rencontre en face à face avec Xiao Bao. Pendant cette période, il n'avait pu se faufiler dans la résidence des Su que la nuit pour le voir, s'inquiétant de son état. Il avait constaté que, depuis leur dernière rencontre, Xiao Bao s'enfonçait de plus en plus dans la mélancolie. Il n'osait vraiment plus apparaître devant lui sans réfléchir.

Il pensait constamment à la possibilité que Xiao Bao l'accepte à nouveau, s'accrochant à ces fantasmes pleins d'espoir. Pourtant, il craignait qu'un seul mot froid de la part de Xiao Bao ne brise complètement ces rêves.

Demain, il prévoyait de prendre la route. Il ne savait pas s'il pourrait revenir, mais il devait y aller. Mais avant cela, il voulait voir Xiao Bao une dernière fois. Il avait vraiment besoin de courage. Si Xiao Bao pouvait lui donner ne serait-ce qu'un mince espoir, même s'il ne lui restait qu'un souffle, il ferait tout pour revenir à ses côtés.

Avec un soupir, Huai En sauta par la fenêtre, sa grande silhouette disparaissant dans la nuit.

Blooming flowers - Traduction Française - DanmeiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant